C’est la ruée vers la sortie de secours. Les entreprises actives en Libye n’ont plus qu’une idée en tête : fuir au plus vite, craignant pour la sécurité de leurs employés face aux violentes émeutes qui y sévissent depuis la semaine dernière entre opposants et partisans de Mouammar Kadhafi.
Ainsi, Wintershall, une filiale de l’allemand BASF spécialisée dans le pétrole et le gaz, a entrepris ce matin-même le rapatriement de ses salariés, soit quelque 1 300 personnes, en comptant les membres des familles des expatriés. La nationalité des salariés et leurs lieux de destination n’ont pas été divulgués. Wintershall exploite huit champs pétroliers en Libye.
RWE Dea, filiale pétrole et gaz du groupe allemand RWE, a également rapatrié la majorité de ses salariés allemands actifs en Libye. «Nous employons 100 personnes en Libye, dont une majorité de Libyens. Nous avons proposé à nos salariés étrangers de retourner dans leurs pays d'origine, et une majorité d'entre eux l'a fait cette fin de semaine», a indiqué une porte-parole du groupe allemand. RWE Dea n'est pas encore en phase de production en Libye et le personnel sur place travaille au développement de gisements.
De son côté, Siemens a annoncé ce matin que le rapatriement de son personnel étranger de Libye était «en cours». Un porte-parole a indiqué que Siemens employait «une centaine de personnes, en majorité des expatriés», dans divers projets liés à l'énergie et à la technologie médicale.
Des champs pétroliers toujours exploités ?
Il n’y a pas que les grands groupes allemands à évacuer leurs salariés. La pétrolière italienne ENI a entamé l'évacuation de ses salariés «non essentiels» expatriés en Libye, ainsi que les membres de leurs familles, «en raison des violences». ENI, présente en Libye depuis 1959, est le premier producteur étranger d'hydrocarbures dans le pays, où il extrait environ 250 000 barils équivalent pétrole par jour.
Idem, le groupe italien d'aéronautique et de défense Finmeccanica a rapatrié ses expatriés, qui étaient «moins de dix». Ceux-ci travaillent pour AgustaWestland, la filiale du groupe spécialisée dans les hélicoptères.
La compagnie pétrolière norvégienne Statoil a commencé à évacuer «la poignée» d'expatriés travaillant pour elle en Libye en raison des violences dans ce pays. «Notre siège local (à Tripoli) est fermé. La poignée de personnels internationaux a déjà quitté ou est en train de quitter le pays», a dit Baard Glad Pedersen, un porte-parole.
En Libye, Statoil détient des parts dans deux champs pétroliers, Mabrouk et Mourzouq. Le porte-parole a refusé de préciser si ces deux champs étaient encore en activité malgré les violences. «C'est généralement aux opérateurs, dans ce cas-là Total et Repsol respectivement, de communiquer sur le statut des opérations», a-t-il indiqué.
Paris appelle à à la prudence
En Grande-Bretagne, le Foreign Office a annoncé le rapatriement des familles de son personnel diplomatique en Libye. Ces personnes prendront des vols commerciaux, conformément aux conseils de voyage délivrés par les autorités britanniques. L'ambassade restera ouverte et continuera d'être gérée par le personnel britannique.
La direction de BP, elle, se prépare à évacuer dans les 48 heures une partie de son personnel en Libye. Elle y emploie 140 personnes, dont une quarantaine d'expatriés.
À Paris, le son de cloche n’est pas le même. Pas question, pour l’instant, d’évacuation. «Il n'y a pas de menace directe pour les ressortissants français. Mais, nous voulons encourager les Français et les familles qui sont à Tripoli ou sur l'ensemble du territoire libyen à tout faire pour pouvoir vite revenir en France, le cas échéant», a dit Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Des discussions sont en cours à Bruxelles pour adopter une position commune de l'Union européenne face au problème de ses ressortissants, a déclaré le porte-parole du ministère français des affaires étrangères. «Nous discutons de ce sujet avec nos partenaires européens dans le cadre du conseil affaires générales qui se tient actuellement à Bruxelles», a dit Bernard Valero, le porte-parole du ministère français des affaires étrangères.
La répression des manifestations antigouvernementales qui ébranlent la Libye depuis six jours a fait 233 morts au moins, selon un bilan de l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch.
À noter qu’il n’y a pas que les Occidentaux à prendre peur. Plus de 2 300 Tunisiens vivant en Libye ont ainsi quitté ce pays depuis hier pour des raisons de sécurité, a indiqué l'agence officielle Tap, citant l'office des Tunisiens à l'étranger.
Avec AFP et Reuters.