De leurs salles de classe du campus niçois de l'EDHEC Business School, les étudiants ont une magnifique vue sur les eaux turquoises de la Méditerranée bordée de quelques palmiers et sur les montagnes qui ceinturent la capitale de la Côte-d'Azur. Les charmes de la French Riviera, son climat béni des dieux et sa gastronomie font bien sûr partie de l'arsenal de vente de cette école de commerce, issue de l'Université Catholique de Lille.
Mais elles n'en font pas l'école internationale à laquelle aspirent ses dirigeants. Pour jouer dans la même cour que les London Business School, Wharton et Harvard de ce monde, l'EDHEC a pris un virage important : tous les cours de ses maîtrises, MBA et doctorats sont désormais enseignés en anglais seulement.
" Je suis un gars intelligent. J'étudie dans une école prestigieuse sur la French Riviera... mais en anglais ", dit en souriant Manhilu, un jeune étudiant indien venu faire son MBA à l'EDHEC de Nice. Ni lui ni aucun de ses trois camarades indiens attablés à la cafétéria de l'école ne seraient venus étudier ici si les subtilités de la gestion et de la finance avaient été enseignés dans la langue de Molière.
" Je voulais mettre une expérience française dans mon CV, indique un étudiant d'origine chinoise, mais c'est l'anglais qui m'a convaincu de venir ici. " Environ 80 % des 45 étudiants de ce programme de MBA concentré sur 10 mois sont originaires de 24 pays étrangers.
" Depuis 10 ans, on s'est internationalisé progressivement, affirme Isabelle Graniou-Marniquet, responsable des relations publiques de l'EDHEC. Le campus de Nice a toujours été un laboratoire d'idées. Ici, on a senti qu'il fallait s'ouvrir à la clientèle internationale et tester des programmes en anglais seulement. Aujourd'hui, tout est en anglais, même l'administration ! "
Une question de survie
La décision de l'EDHEC a suscité de la grogne dans certains milieux politiques, mais aucune loi ne pouvait empêcher l'EDHEC, une institution privée à but non lucratif, de prendre ce virage. "L'EDHEC est un précurseur, mais son cas n'est pas unique ", précise Frank Bournois, président de la commission d'évaluation des diplômes et des formations de gestion (CEFDG), un organisme d'État responsable de l'octroi des diplômes et de la détermination du statut de " Grande École ", dont bénéficie l'EDHEC. " Il est à la tête d'un mouvement général. L'anglais est devenue la langue commune de communication en Europe. "
Le marché des étudiants dits internationaux est en plein essor et l'EDHEC ne veut pas manquer le bateau, explique Richard Perrin, directeur international et marketing de l'EDHEC. Déjà, le quart des 288 élèves acceptés dans ses différents MBA sont chinois et 5 % sont Indiens.
" Le marché français n'est pas assez important pour nos deux campus, poursuit M. Perrin, ni le marché de la francophonie. " Les pays qui ont les moyens de payer des bourses à leurs étudiants pour assumer des frais de scolarité aussi élevés (environ 32 000 euros pour une année) ne sont pas la Côte-d'Ivoire ni le Burkina Faso, mais bien la Chine et l'Inde, où l'apprentissage de l'anglais est privilégié. Ce n'est pas en Afrique francophone que ça se passe, côté business, mais bien en Asie, et c'est la clientèle de ce continent que l'EDHEC veut séduire, ajoute M. Perrin.
Un campus à l'américaine
Poussant son internationalisation un cran plus loin, le campus de l'EDHEC à Lille a quitté le centre-ville où il commençait à se sentir à l'étroit pour s'installer, en septembre, sur un vaste emplacement de quelque 8,5 hectares situé en pleine nature, à Roubaix, ancienne ville industrielle du Nord de la France devenue une banlieue de Lille. Les nouveaux bâtiments sont très design, tout en verre, métal et béton brut. Le lieu s'inspire résolument des campus américains, avec son environnement bucolique, ses dortoirs, son centre sportif dernier cri et son relatif isolement.
L'objectif final est de faire passer le nombre d'étudiants de 3 000 à 4 000 par an, dont " un fort pourcentage vient de l'étranger " - environ 40 %, promet le recteur de l'EDHEC, Olivier Oger, devant un parterre de journalistes venus du monde entier assister à l'inauguration des nouveaux locaux.L'école de commerce a aussi ouvert un microcampus à Londres et un autre à Singapour, grâce aux nombreuses subventions offertes par cet État asiatique pour attirer de prestigieux établissements, comme Harvard et l'ISEC, qui s'y sont installés récemment. Mais l'essentiel du développement futur de l'EDHEC se fera en France... in English.
Quelques chiffres
L'EDHEC, c'est:
>Des campus à Lille (4 000 élèves), Nice (1 500), Singapour (100), Paris (50) et Londres (50)
>43 % d'élèves étrangers aux niveaux maîtrise et doctorat, représentant 45 nationalités.
>Une école classée au 49e rang mondial en 2010 selon The Economist 2010 (MBA temps plein)
Un marché en pleine croissance (nombre de bacheliers dans le monde aptes à s'inscrire à un MBA)
2001: 1,8 million
2004: 2,8 millions
2007: 3,7 millions
2020 (prévision): 7,2 millions (dont 70 % originaires d'Asie)
Source : Graduate Management Admissions Council (GMAC)
Des milliers d'écoles
300: Nombre d'écoles de gestion répertoriées dans 35 pays européens.
75 000: Nombre de postulants en 2009 dans les écoles de gestion en Amérique du Nord, en hausse de 16 % par rapport à 2005.
12 000: Nombre d'écoles de gestion offrant un MBA dans le monde.
Source : Graduate Management Admissions Council (GMAC)