SNC-Lavalin (TSX:SNC) a retiré de son carnet de commandes tous ses projets libyens, dont la valeur totalise pas moins de 934 millions $, mais le géant de l'ingénierie a bon espoir de les reprendre rapidement.
« Nous continuons à être optimistes à propos de la situation en Libye parce que nous sommes présents dans le pays depuis longtemps et que nous participons à la construction d'importantes infrastructures pour ses habitants », a déclaré vendredi le président et chef de la direction de la multinationale montréalaise, Pierre Duhaime, au cours d'une téléconférence avec les analystes financiers.
« Nous avons bon espoir que la situation libyenne se résoudra bientôt (...) et que nous serons de retour dans le pays », a-t-il ajouté. Or vendredi, les combats entre les combattants du colonel Mouammar Kadhafi et ses opposants ont fait au moins 37 morts.
La direction dit avoir supprimé les projets libyens de son carnet de commandes « par mesure de précaution » et non pas « parce que nous ne croyons pas en eux (ou) que nous pensons qu'ils sont disparus à jamais », a expliqué le dirigeant.
Avant le début de l'insurrection, le mois dernier, SNC-Lavalin travaillait à la construction d'une prison en banlieue de Tripoli, d'un nouvel aéroport à Benghazi et d'une « grande rivière artificielle » dans le désert libyen.
Tous ces projets ont été stoppés, sauf celui de la rivière, qui se poursuit au ralenti avec une poignée d'employés qui ont accepté de rester sur place. Plus tôt cette semaine, SNC a terminé l'évacuation de la vaste majorité de ses autres employés en Libye, soit 4000 personnes. L'opération lui a coûté quelques millions de dollars.
L'entreprise compte réclamer à Ottawa et aux Nations unies des « exemptions » aux sanctions annoncées plus tôt cette semaine, de façon à ce qu'elle puisse poursuivre ses activités en Libye au moment jugé opportun.
En 2010, SNC-Lavalin a tiré des revenus de 418,2 millions $ en Libye, soit 6,5 pour cent de son chiffre d'affaires total, contre 278,8 millions en 2009. En fait, 13 pour cent des revenus de la firme sont provenus de l'Afrique en 2010, et six pour cent du Moyen-Orient.
M. Duhaime a assuré que les mesures de mitigation des risques de SNC en Afrique du Nord et au Moyen-Orient étaient adéquates. Le risque est certes plus élevé dans un pays comme la Libye, mais les marges bénéficiaires sont à l'avenant, a-t-il noté.
Pour l'instant, les projets de SNC-Lavalin en Tunisie et en Égypte, où des révolutions populaires ont renversé les régimes totalitaires, se déroulent comme d'habitude, a indiqué M. Duhaime. Celui-ci n'est pas inquiet, par ailleurs, de la situation instable en Algérie, où SNC est aussi très présente avec quelque 2000 employés.
« Je suis sûr qu'ils (les dirigeants du pays) ont appris de la Tunisie et de l'Égypte, et maintenant de la Libye, alors j'ai espoir que la situation évoluera plus paisiblement que ce que nous avons vu dans ces pays », a avancé le pdg.
SNC-Lavalin n'est pas assurée contre la perte éventuelle de revenus en Libye. La compagnie croit toutefois qu'elle pourrait assez facilement remplacer les contrats qu'elle y a décrochés par d'autres venant d'ailleurs dans le monde.
Perspectives
En 2011, SNC entend profiter du vif regain d'activité dans le secteur minier _ notamment les projets touchant au cuivre, à l'aluminium, au nickel et à la potasse. Le secteur de l'énergie électrique s'annonce lui aussi prometteur, mais pas celui du pétrole et du gaz, malgré les cours élevés du brut.
SNC-Lavalin a aussi dans sa mire d'importants projets d'infrastructures, dont certains pourraient être réalisés dans le cadre de partenariats publics-privés, ainsi que des acquisitions majeures qui pourraient alimenter sa croissance.
L'entreprise prévoit toutefois que ses profits nets resteront stables en 2011, alors qu'ils augmentent généralement d'une année à l'autre. Ses dirigeants n'ont pas voulu dire si cette retenue s'expliquait par la crise qui secoue le monde arabe, mais les analystes se sont montrés plus loquaces.
« Les résultats solides de la dernière année sont ternis par le risque (relié à la présence de SNC-Lavalin en Libye et ailleurs au Moyen-Orient), qui devrait limiter la croissance (du cours de l'action) tant que les investisseurs ne seront pas plus à l'aise avec la situation », a ainsi écrit Pierre Lacroix, de Valeurs mobilières Desjardins, dans une note.
Résultats
Au quatrième trimestre, qui a pris fin le 31 décembre, SNC-Lavalin a enregistré des profits nets de 139,2 millions $ (91 cents par action), en hausse de 41 pour cent par rapport aux 98,7 millions $ (65 cents par action) dégagés pendant la même période de 2009. Ces résultats, conformes aux attentes des analystes, ont été gonflés par le gain net de 26,1 millions $ issus de la vente d'actions de Gaz Métro.
Les revenus ont totalisé 1,9 milliard $, en progression de 19,7 pour cent.
Pour la dixième année consécutive, le conseil d'administration de SNC-Lavalin a augmenté le dividende trimestriel de l'entreprise, qui atteint désormais 21 cents par action.
Au 31 décembre, le carnet de commandes s'élevait à 13 milliards $, comparativement à 12,7 milliards $ à la fin septembre.
Pour l'ensemble de l'année 2010, SNC a enregistré un bénéfice net de 437 millions $ (2,87 $ par action), en hausse de 21,6 pour cent par rapport aux 359,4 millions $ (2,36 $ par action) engrangés en 2009. Le chiffre d'affaires s'est établi à 6,3 milliards $, en hausse de 3,5 pour cent.
L'entreprise espère savoir d'ici six mois si son offre d'achat pour Énergie atomique du Canada, qu'elle a présentée en partenariat avec le régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario (OMERS), sera acceptée par Ottawa. Le délai pourrait cependant être plus long si des élections fédérales ont lieu ce printemps.
L'action de SNC-Lavalin, qui célébrera son 100e anniversaire en avril, a clôturé à 55,67 $ vendredi, en baisse de 0,4 pour cent, à la Bourse de Toronto.