Les marchés boursiers ont beaucoup à apprendre du modèle coopératif estime le président de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, Michael Sabia. À l’occasion d’une allocution au Sommet international des coopératives à Québec, M. Sabia s’en est pris à la vision à court terme des investisseurs, devenus selon lui de véritables touristes.
«Je ne suis pas certain que les actionnaires possèdent encore des entreprises. Je crois qu’ils ont cessé d’être les citoyens d’une institution, ils sont devenus des touristes. Ils contemplent le paysage et après l’avoir regardé, ils s’en vont», s’est désolé le patron de la Caisse.
Pour illustrer son propos, il a fait valoir que les échanges à haute fréquence (high frequency trading) représentent 60% du volume des transactions aujourd’hui.
«C’est complètement fou!» a lancé Michael Sabia.
Bien sûr, les actionnaires espèrent un retour sur investissement et les entreprises qui le génèrent à court terme sont populaires, mais cela ne fait pas nécessairement d’elles de bonnes entreprises à long terme, a-t-il souligné. L’arrimage entre le fonctionnement actuel du marché des capitaux et les besoins à long terme des sociétés est à redéfinir, estime M. Sabia.
En cela, il considère que le modèle coopératif doit servir d’inspiration au capitalisme. Que chaque membre d’une coopérative possède une voix fait en sorte que chacun participe à la vision d’une institution. Les coopératives ont aussi une vision d’avenir à long terme, ce qui manque de plus en plus aux sociétés cotées en bourse, estime le patron de la Caisse de dépôt. Enfin, les coopératives, ajoute-t-il, ont une tradition de concertation qui doit inspirer les entreprises traditionnelles.
L’incitation à changer les pratiques viendra, selon M. Sabia, de la nécessité d’adopter une vision à long terme pour faire face aux défis économiques de l’avenir.
«On le sent déjà car de plus en plus d’entreprises viennent à nous à la recherche de capital patient», a conclu M. Sabia.
Le patron de la Caisse de dépôt participait à un panel sur l’avenir des coopératives dans le nouvel ordre économique mondial en compagnie notamment du prix Nobel d’économie (2001) Michael Spence. Ce dernier a fait valoir que l’invention de nouveaux modèles de croissance est inévitable pour faire face aux enjeux d’une économie mondiale qui va tripler d’ici 25 à 30 ans, passant de 65 trillions de dollars à près de 200 trillions de dollars. Cela pose la question du développement durable. M. Spence s’est dit convaincu que nous courons vers l’échec si les pays émergents utilisent les ressources naturelles comme les économies développées l’ont fait et le font encore.
«Arrêter la croissance n’est pas une option, il faut inventer un nouveau modèle et c’est un défi majeur. Il ne sera accompli que par l’innovation et celle-ci ne viendra pas des gouvernements, mais des individus, des communautés et des entreprises», a-t-il noté.
Selon M. Spence, les coopératives sont bien placées pour relever les défis de l’avenir car elles nourrissent une vision à long terme et, dans l’histoire, a-t-il remarqué, les entreprises qui ont été innovatrices dans leurs modèles de croissance ont pris soin d’aligner leurs objectifs corporatifs avec des valeurs sociales et environnementales dans une perspective de long terme.
Changer les perceptions
Les coopératives devront, comme les autres types d’entreprise, viser l’innovation, mais elles ont en plus devant elles un grand défi de communication pour convaincre les consommateurs que croissance et compétitivité vont de pair avec le modèle coopératif. C’est ce qui ressort d’une étude internationale sur la perception du public envers les coopératives menée par la Chaire de relations publiques et de communications marketing de l’UQAM, en collaboration avec IPSOS.
Étant moins exposé qu’autrefois aux avantages de faire affaire avec les coopératives, les consommateurs voient moins bien les raisons pour lesquelles il ferait affaire avec elles. D’autre part, dans la perception populaire, les coopératives sont associées à l’agriculture (alors qu’elles sont très fortes aussi dans les assurances et les services financiers) et elles sont rarement perçues comme étant à la fine pointe de la technologie.
Pourtant, les coopératives dans la monde ont un chiffre d’affaires de 2000 G$ et si elles étaient un pays, elles occuperaient le neuvième rang mondial des économies de la planète.