Le gouvernement du Québec va couper l’herbe sous le pied des revendeurs de billets, dont l’activité est estimée à 33 millions $ par l’Office de la protection du consommateur (OPC). Le ministre de la Justice Jean-Marc Fournier et la ministre de la Culture et des communications Christine St-Pierre ont déposé aujourd’hui à l’Assemblée nationale un projet de loi visant à interdire la revente de billets de spectacles, d’événements sportifs ou de divertissement à un prix supérieur au prix d’origine.
Il s’agira en fait d’une nouvelle disposition à la Loi sur la protection du consommateur que le ministre Fournier entend faire adopter avant la fin d’octobre. C’est ensuite l’OPC qui sera chargé de faire appliquer la loi.
«Comme gouvernement, on prend la décision qui nous semble juste à la fois pour les producteurs, les artistes et les consommateurs», a indiqué le ministre, accompagné en point de presse de sa collègue de la Culture, de la directrice générale de l’ADISQ Solange Drouin, du directeur du Festival d’été de Québec Daniel Gélinas et de l’humoriste Louis-José Houde. Ce dernier avait dénoncé les pratiques des revendeurs dans son sketch d’ouverture au gala de l’ADISQ de 2010.
«Tout le monde achète ses billets sur Internet aujourd’hui, donc il est logique qu’on change les lois pour s’adapter», a souligné l’humoriste, irrité par le prix élevé exigé par les revendeurs.
La revente était interdite sur la rue par des règlements municipaux, mais depuis quelques années, elle a cours en toute légalité sur Internet. Les entreprises spécialisées dans la revente achètent de grandes quantités de billets pour des événements populaires et créent ainsi une rareté artificielle qui leur permet de commander le double, voire le triple du prix d’origine des billets. Certaines d’entre elles utiliseraient même des robots pour maximiser leurs achats, selon le directeur du FEQ, Daniel Gélinas.
«Cette année lors de la mise en vente de nos laissez-passer, on a eu plus de 20 millions de requêtes. Pour les revendeurs, on est une cible fantastique parce que nos prix sont bas par rapport à ce qu’on offre comme spectacles. Mais on tient à rester accessibles», a souligné M. Gélinas, dont le festival s’apprête à accueillir Elton John.
Le projet de loi 25 prévoit des amendes de 2000$ à 100 000$ pour les entreprises délinquantes; le double en cas de récidive. Les particuliers qui s’adonneraient à la revente à profit s’exposeront à des amendes de 600$ à 15 000$.
«C’est un grand moment, a estimé la ministre St-Pierre. Le gouvernement agit promptement pour mettre fin à une pratique inacceptable.»
La directrice de l’ADISQ a pour sa part accueilli le projet de loi avec une «extrême satisfaction». Son organisation estimait que les consommateurs étaient floués par les revendeurs, qui ne s’affichent pas tous comme tel. Aussi, l’image de marque des artistes lui paraissait compromise à partir du moment où le public commençait à trouver les billets trop chers.
«L’enjeu du développement de public est important au Québec, a aussi précisé la ministre St-Pierre. Si les trois quarts du budget spectacles d’une personne passe sur une paire de billets, cette personne ne va pas ailleurs ensuite.» Au Québec, le budget moyen consacré aux spectacles est de 88$ par année.
Le président de l’entreprise Billets.ca, le plus gros revendeur de la province, avec une clientèle estimée de 100 000 personnes, a estimé que les consommateurs allaient perdre un service intéressant.
«L’ADISQ nous dit qu’on n’offre aucune plus value, mais c’est faux. Est-ce que ce n’est pas une plus value d’éviter à un client d’aller faire la queue pendant une nuit au Centre Bell?» s’est demandé Éric Bussières.
Il a indiqué que son entreprise allait se conformer à la loi et transformer ses activités en visant le marché de la vente officielle.
«Il y a déjà des producteurs qui sont contents de faire affaire avec nous parce qu’on a une très belle visibilité sur l’Internet.»