Elles ont beau être précieuses, des recettes secrètes n’arrivent pas à trouver de repreneur. Comme les autres entrepreneurs, les restaurateurs doivent, eux aussi, penser à ce qui adviendra de leur entreprise après la retraite. La fermeture de quelques établissements connus à Montréal vient le rappeler.
Le restaurant italien Le Piémontais au centre-ville de Montréal a fermé ses portes le 28 juillet après 35 années d’existence.
En entrevue, son propriétaire Remo B. Pompeo explique qu’à 73 ans, il souhaitait prendre une retraite bien méritée. L’entrepreneur aurait souhaité léguer le restaurant à ses employés, dont plusieurs mettent les mains à la pâte depuis le tout début de l’aventure. L’argent n’était pas une source de problème puisqu’il l’aurait vendu pour des « peccadilles ».
Ce sont les conditions désavantageuses du renouvellement du bail qui ont eu raison du Piémontais. La valeur du bâtiment qu’il louait a nettement augmenté avec la construction du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) dans le quartier, raconte M. Pompeo.
Le propriétaire souhaitait que le bail soit renouvelé annuellement, ce qui ne donne pas assez de stabilité pour exploiter un restaurant, selon M. Pompeo. « J’ai dit à mes employés qu’ils pouvaient reprendre le restaurant, mais avec un bail d’un an, je leur ai déconseillé de le faire. »
M. Pompeo n’aura pas pu prévenir ses clients pour les servir une dernière fois. Comme d'habitude, le restaurant a fermé ses portes l’été pour les vacances estivales en juillet. Les partis ont négocié jusqu’au 6 août avant d’arriver à une impasse. « Nous étions en négociation, je ne pouvais prévenir mes clients », explique M. Pompeo. Je ne blâme pas le propriétaire. C’est normal de vouloir rentabiliser son investissement. »
Relève
La fermeture du Piémontais rappelle que les restaurateurs bien établis doivent eux aussi penser à la relève, note François Meunier, vice-président affaires publiques et gouvernementales de l’Association des restaurateurs du Québec.« C’est difficile de passer le flambeau à un membre de sa famille, note M. Meunier. C’est un emploi exigeant qui demande énormément de temps, et ce n’est pas tout le monde qui veut faire ce sacrifice. »
L’environnement d’affaires est peu accueillant pour ceux qui souhaitent reprendre un tablier, déplore M. Meunier. Seulement 15% des nouvelles bannières qui ouvrent leurs portes seront encore là aujourd’hui après 10 ans.
La situation financière personnelle de près de 85% des restaurateurs est «fragile ». À cela s’ajoute le fardeau réglementaire qui éloigne les restaurateurs de leurs fourneaux pour les confiner à leur bureau.
Au Québec, M. Meunier note que le nombre de nouveaux restaurants est passé légèrement sous le nombre de fermetures. « La situation est plus difficile à Montréal alors qu’on voit une croissance en périphérie, note M. Meunier. On observe une décroissance à Montréal depuis deux ou trois ans. »
M. Meunier adopte tout de même un ton optimiste. « Il ne faut pas oublier qu’il y a des plus jeunes qui poussent, malgré la nostalgie des endroits passés », rassure-t-il.
Toujours à Montréal, le bar jet set le Thursday’s et l’hôtel de la Montagne ont fermé leurs portes dimanche après avoir fait parti du paysage montréalais depuis plus de 30 ans. Les établissements laisseront place à l’agrandissement du magasin Oglivy ainsi qu’un nouveau complexe hôtelier et résidentiel.