Les Etats-Unis perdent le triple A aux yeux de Standard and Poor's mais pas pour Fitch: consultant à la Banque mondiale, Norbert Gaillard explique que les agences n'ont pas la même grille de lecture, S&P accordant plus d'importance aux paramètres économiques que géopolitiques.
Selon cet économiste, auteur des "Agences de notation" (Ed. La découverte), S&P se montre "plus sévère" dès qu'elle juge excessif l'endettement d'un pays, riche ou émergent, tandis que ses deux concurrentes Fitch et Moody's prennent davantage en compte la puissance économique des Etats.
Q: Comment expliquer que l'agence Fitch maintient aux Etats-Unis son triple AAA que sa concurrente S&P lui avait retirée il y a deux semaines?
R: Les préoccupations sont différentes selon les agences de notation. Standard and Poor's (S&P) est plus sévère avec l'endettement et ne conçoit pas qu'un pays puisse conserver un triple AAA si sa dette dépasse 90% ou 100% de son produit intérieur brut (PIB). Or ce ratio a été atteint par les Etats-Unis et c'est donc sans surprise que SP l'a dégradée d'un cran le 6 août.
Les deux autres agences, Moody's et Fitch, sont historiquement moins sensibles à cette variable et prennent davantage en compte des facteurs géopolitiques. Elles sont plus attachées à la soutenabilité de la dette, à la possibilité qu'un pays a de lever de nouveaux impôts ou à couper dans ses dépenses. En clair, selon ces deux agences, plus un pays est riche, plus il peut permettre de s'endetter davantage.
Q: Les Etats-Unis ont contesté les méthodes qui ont conduit S&P à dégrader sa note. L'annonce de Fitch peut-elle leur donner du grain à moudre?
R: Oui, on peut même parler à ce sujet d'un intérêt commun entre Fitch et les Etats-Unis. D'un côté, les autorités américaines pourront légitimement s'appuyer sur la décision de Fitch pour réaffirmer que les calculs de S&P étaient biaisés.
Avec cette annonce, Fitch peaufine, elle, sa stratégie qui consiste à éviter de faire des vagues notamment auprès des grands pays. Fitch est actuellement la 3e agence mondiale et elle cherche damer le pion à ses concurrentes. Elle pourra bénéficier à l'avenir d'une certaine bienveillance outre-Atlantique.
Q: Les écarts de note souveraine entre agences de notation sont-ils fréquents?
R: Il faut bien se rendre compte qu'au-delà du symbole, il n'y a qu'un seul cran de différence entre la note des Etats-Unis chez S&P et chez Fitch. Dans le passé, il y a eu des écarts bien plus importants qui pouvaient aller jusqu'à 4 crans.
Pendant longtemps, les trois agences ont eu des évaluations différentes de la Chine, de la Russie et plus récemment des pays d'Europe du Sud ou des pays Baltes. Cela révèle des divergences de diagnostic et d'approche mais cela peut également mettre la puce à l'oreille des investisseurs.
Quand les écarts de note sont trop importants, cela veut dire que la situation n'est pas normale et que le pays présente potentiellement un risque.