Le gouvernement de Stephen Harper s’opposera-t-il ou non à l’acquisition de Potash Corp of Saskatchewan par la société anglo-australienne, BHP Billiton ?
La question fait couler beaucoup d’encre alors que, dans les faits, ce pouvoir discrétionnaire d’Ottawa n’a été que très peu utilisé par le passé. Depuis 1985, le gouvernement canadien ne s’est opposé qu’à une seule transaction sur un total de 1 637 prises de contrôle d’entreprises canadiennes. Ainsi, si le gouvernement devait lever le doigt cette fois-ci, le gouvernement n’en serait qu’à sa deuxième expérience.
Le gouvernement fédéral a jusqu’à mercredi, 3 novembre prochain, pour se prononcer en faveur ou contre la prise de contrôle hostile du géant canadien, pour une somme de 40 milliards (G$). Pour se faire, Ottawa doit considérer deux choses : d’une part l’opposition en place et d'autre part, les intérêts du gouvernement en matière d’attraction d’investissements étrangers.
D'abord politique
«La question de BHP est d’abord une question politique, estime Mark Nicholson, un avocat de Cassels Brock & Blackwell de Toronto. Mais d’un point de vue légal et historique, la transaction devrait suivre son cours.»
Le gros de l’opposition à cette transaction provient de la Sakatchewan, où le premier ministre pourrait perdre des sièges advenant qu'il décide de laisser la transaction suivre son cours. Cette province, responsable de 30% de la production de potache dans le monde, compte cinq usines de Potash Corp. L'entreprise compte plus de 2 100 employés dans cette province.
Mais la Saskatchewan n'est pas la seule à faire connaître ses réticences. Les gouvernements du Québec, de l’Alberta, du Manitoba et les partis d’opposition du gouvernement fédéral se sont tous aussi prononcés contre cette prise de contrôle.
Les conservateurs de Stephen Harper contrôle 13 des 14 circonscriptions fédérales de la Saskatchewan. La perte de sièges l'éloignerait encore de la majorité parlementaire espérée. Avec 142 des 308 sièges à la Chambre des communes, 12 sièges séparent déjà le parti conservateur de la majorité.
«Si la transaction est annulée, les entreprises canadiennes risquent d’être pénalisées lorsqu’elles tenteront d’acheter des entreprises à l’étranger, estime Sadiq Adatia, chef des investissements de Russell Investments Canada, de Toronto, qui dispose d'un portefeuille de 12 G$ sous gestion. Ce n’est pas la décision d’une seule transaction.»
Faibles risques
En vertu de la loi canadienne, le gouvernement peut empêcher une transaction de 299M$ ou plus si elle est jugée n’apporter aucun «bénéfice net» au pays, sur le plan économique, de l’emploi ou de la productivité.
Depuis son entrée en vigueur, en juin 1985 jusqu’au au 30 septembre 2010, le gouvernement fédéral a approuvé 1 637 applications en vertu de cette loi. Seule l’acquisition de MacDonald Dettwiler & Associates Ltd par Alliant Techsystems, de Minneapolis, a été rejeté en 2008.
D’autres sociétés canadiennes du domaine des ressources naturelles ont aussi été achetées au cours de la dernière décennie. En 2006, la société Xstrata a pris le contrôle du producteur de nickel, Falconbridge. De même manière, Vale s’est porté acquéreur de la minière torontoise Inco et Rio Tinto a acheté le géant de l’alluminium Alcan, en 2007, sans que le gouvernement fédéral n’intervienne.
Advenant que le gouvernement conservateur prenne le risque de ne pas intervenir, cette prise de contrôle d’une entreprise au Canada serait la plus importante, selon Bloomberg News, après celle de Seagram, en 2000, par Vivendi SA, pour la somme de 46,1 G$.
Avec Bloomberg