PRIMEUR - Dépenses de millions de dollars sur le fameux yacht Touch et sur les propriétés de la famille, des centaines de milliers de dollars en vêtements de luxe, en voyages et en nuits d’hôtels, des fonds d’origine suspecte confiés à une institution financière… La cour vient de lever le scellé sur une dénonciation de Revenu Québec qui donne une idée du train de vie de multimillionnaire que mène Tony Accurso, tout en se faisant rembourser les taxes sur ces dépenses, en les attribuant frauduleusement à ses entreprises.
Le document de quelque 115 pages obtenu par LesAffaires.com dévoile une foule d’informations colligées par Revenu Québec, ainsi que par le fisc fédéral lors de précédentes perquisitions en 2008 et 2009.
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Ils précisent notamment l’ampleur des dépenses incluses dans les fausses factures rédigées pour l’homme d’affaires, arrêté en avril et en août par l’Unité permanente anticorruption et la Gendarmerie royale du Canada.
L’Atelier Luc Laramée, par exemple, a facturé pas moins de 7,35 M$ à Simard-Beaudry, Louisbourg et Constructions Marton entre 2003 et 2010, soi-disant pour des travaux et des matériaux dans leurs projets immobiliers. Ils visaient plutôt la résidence personnelle de Tony Accurso et le Touch, son fameux yacht où ont défilé les politiciens municipaux.
Luc Laramée a confirmé à Revenu Québec «que la description des services fournis qu’il devait inscrire sur les factures était fournie par Monsieur “Tony” Accurso, écrit l’enquêteur de Revenu Québec», mentionne la dénonciation. «Les travaux qu’il a faits n’avaient aucune relation avec la description des travaux indiqués sur les factures saisies par l’Agence du Revenu du Canada ou celles que nous a remises monsieur Luc Laramée.»
Plusieurs entreprises accomodantes
Propriétaire de Labyrinthe Design, Danielle Vigneault a de son côté facturé pour 1,43 M$ aux mêmes entreprises «pour des honoraires professionnels et matériaux» dans leurs projets. Mais en fait, elle a plutôt travaillé dans les copropriétés des enfants de Tony, Lisa et Marco Accurso, sur le Touch et à l’ancien bar Hippo Club de l’homme d’affaires, à Laval. Des «comptables» de Tony Accurso lui indiquaient quoi écrire sur les factures.
Le document de Revenu Québec mentionne plusieurs autres entreprises «accommodantes», pour des fausses factures supplémentaires totalisant des centaines de milliers, voire des millions de dollars, selon ce que déterminera l’enquête.
Le bijoutier Allan Cherbaka a même facturé pour plus d’un demi-million de dollars de bijoux à trois entreprises de Tony Accurso de 2004 à 2008, à titre de «cadeaux corporatifs».
En outre, le document de Revenu Québec contient des dizaines de pages caviardées. Elles contiennent probablement de l’information sur des entreprises ayant émis des factures en n’ayant rendu aucun service du tout, un stratagème décrit ailleurs dans le texte.
Fonds suspects investis
Par ailleurs, Constructions Louisbourg a fait des chèques totalisant près de 2 M$ à Tony Accurso de 2006 à 2008. L’homme d’affaires a utilisé ces fonds pour faire des investissements chez Industrielle Alliance – Valeurs mobilières, selon le document de Revenu Québec déposé en cour.
Des cartes de crédit enregistrées au nom de «comptes payables C. Louisbourg» ont aussi servi à payer pour plus de 140 000 $ de vêtements de luxe chez Zilli Canada, seulement entre novembre 2007 et mai 2008.
Le crédit de l’entreprise a aussi payé pour plus de 30 000 $ d’articles de chez Plaza Escada à Montréal et Toronto, entre avril et septembre 2008. «M. Accurso vient dans mon magasin avec sa copine, Mme Gagnon, a confié la gérante de la boutique montréalaise aux enquêteuses du fisc. Il fait des achats pour elle avec sa carte American Express.»
La dénonciation de Revenu Québec inclut d’autres dépenses totalisant des dizaines de milliers de dollars dans une agence de voyage, des hôtels et d’autres boutiques de luxe, notamment 18 000 $ d’articles dans diverses boutiques Ogilvy de New York et Montréal, incluant 5 300 $ d’articles Louis Vuitton, en quelques mois.
Selon le fisc, les fonds de l’entreprise ont ainsi «servi à acquitter des dépenses de nature non commerciale et personnelle, ces dépenses étant inscrites à la comptabilité de Constructions Louisbourg ltée, permettant ainsi de réclamer indûment des taxes».
Le solde de deux cartes de crédit émises au nom de Tony Accurso était en fait remboursé par Louisbourg. Revenu Canada a en effet retrouvé la preuve que l’entreprise a elle-même remboursé pour plus de 2M$ pour une période allant d’octobre 2007 à décembre 2008.
Il a été impossible d'obtenir les commentaires des entreprises concernées avant la publication de l'article.