Le Québec connaît très mal ses nappes phréatiques, et c’est probablement le plus grand obstacle à une protection adéquate de son eau.
C’est le constat des six personnes réunies au Forum québécois sur l’eau organisé par le journal Les Affaires, au Centre des sciences de Montréal, le 25 octobre. Ils participaient à un panel sur le thème de la protection et la gestion de la ressource.
DOSSIER : L'exploitation de l'eau au Québec
« La connaissance est à la base d’une bonne gestion de l’eau, dit Jean Landry, président du Regroupement des organisations de bassins versants du Québec. En ce qui a trait aux nappes phréatiques, pour l’instant, on ne connaît que 10 % des réserves. »
Selon lui, c’est ce qui pose problème dans la question de l’exploitation potentielle du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent. La présidente de la Coalition Eau Secours!, Martine Châtelain, est d’accord. « Alors qu’on veut commencer à exploiter le gaz de schiste, on ne sait pas où sont les nappes phréatiques », dit-elle. Difficile, dans les circonstances, de mesurer les impacts de cette industrie naissante sur la ressource.
Depuis le 4 octobre, le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs impose d’ailleurs l’inspection des puits de forage pour connaître leur impact sur les nappes phréatiques, en vertu du principe de précaution. « J’ai demandé des inspections supplémentaires, même si les entreprises assurent que leurs activités n’ont aucun impact sur les nappes, dit Pierre Arcand, rencontré au Forum. Vous comprendrez que je n’ai pas le goût d’avoir aucun problème de ce côté-là. »
Aux premiers balbutiements
Alors que le gouvernement a décidé en 2002 de cartographier les nappes phréatiques de la province, le travail vient à peine de commencer, déplore André D’Astous, président de WESA Envir-Eau, une firme d’expert-conseil spécialisée dans l’hydrogéologie.
« On manque de ressources et de personnes pour caractériser la ressource en eau, dit-il. Il faut qu’on pousse le gouvernement. Il faut qu’il y ait des gens qui comprennent ce qu’ils font. Ils doivent chercher des données, comprendre le mort terrain... Ça prend trois ans pour chacun des sept bassins versants concernés. »
Le président de la compagnie d’embouteillage d’eau de source Naya dit avoir offert son aide au gouvernement pour cartographier les nappes phréatiques du Québec. « On tente de partager nos connaissances en hydrogéologie », dit Daniel Cotte. Comme l’entreprise puise son eau à même une source, elle compte en son sein plusieurs experts passés maîtres dans l’art de surveiller l’évolution des nappes phréatiques.
Des progrès
Les impacts de l’agriculture sur l’eau sont toutefois beaucoup mieux connus qu’il y a une vingtaine d’années, insiste le président de l’Union des producteurs agricoles, Christian Lacasse. « Au début de tout le débat sur les surplus de phosphore dans les cours d’eau, les connaissances étaient minimales », dit-il.
Il appuie l’approche dite « par bassin versant », où les agriculteurs et les industriels situés autour d’un même cours d’eau se concertent pour minimiser l’impact de leurs activités sur l’eau.
Mais pour Martine Châtelain, présidente de la Coalition Eau secours !, ce n’est pas suffisant. « Les organisations de bassin versant ne vont pas jusqu’à la gestion réelle, déplore-t-elle. Les acteurs n’ont pas de vrais pouvoirs. »
Alain Lemaire, président et chef de la direction de Cascades, insiste de son côté sur l’importance de l’éducation. « Il faut changer nos habitudes de vie, dit-il. Il faut commencer à la base : éduquer les élèves, au secondaire comme au primaire. »