Stanley Ma, l'immigrant entrepreneur qui a ouvert son premier restaurant-comptoir Tiki-Ming en 1984, n'est pas rassasié, bien qu'il ait déjà réalisé 15 acquisitions depuis 1999.
PLUS : Encore un bon potentiel pour le titre de MTY
Vingt-six ans après avoir saisi le potentiel de la vente de franchises de restauration rapide, le timide fondateur du Groupe d'alimentation MTY reste fidèle à la recette qui a hissé son entreprise au 21e rang des restaurateurs canadiens en 2010.
Un homme réservé aux grandes ambitions
Derrière le sourire facile et la courtoisie de M. Ma se dissimulent de grandes ambitions et une grande passion pour le franchisage et la restauration rapide. " Ayant moi-même exploité des restaurants, je sais quelle charge de travail cela représente pour les franchisés. Leur réussite nous tient vraiment à coeur, car ces commerces font vivre bien des familles ", dit en toute simplicité M. Ma, 62 ans, au cours d'un long entretien accordé aux Affaires. MTY chapeaute maintenant 26 enseignes qui regroupent 1 693 établissements franchisés, pour la plupart au Québec et en Ontario.
Les ambitions de M. Ma passent par l'établissement d'objectifs à long terme, et surtout, " faciles à mesurer ". La PME montréalaise vise compter 2 000 établissements franchisés et corporatifs d'ici 2014. Toutefois, au rythme où vont les affaires, l'entreprise dépassera aisément cet objectif avant l'échéancier établi, jugent les analystes financiers.
En fait, depuis trois ans, MTY a presque doublé le nombre de franchises, de sorte que le groupe pourrait compter 3 000 franchises d'ici 10 ans, selon Vincent Perri, analyste à la Valeurs mobilières Banque Laurentienne.
Au menu de M. Ma : intégrer rapidement les franchises acquises, lancer de nouveaux restaurants aux menus alléchants et renforcer les franchises existantes.
La digestion de Valentine
La croissance rapide de MTY repose surtout sur l'acquisition à bas prix de chaînes de franchises que MTY intègre rapidement à son organisation.
" Nous procédons prudemment. Pour réaliser 15 acquisitions depuis 11 ans, nous avons analysé au moins le double de dossiers ", confie M. Ma, dont l'entreprise se verra décerner en décembre le titre de l'entreprise de l'année du Pinnacle Awards 2010, organisé par l'éditeur de Food & Hospitality Magazine.
La grande force de M. Ma est " d'entrer en contact avec les restaurateurs qui l'intéressent et de mener les négociations à terme pour leur acquisition ", indique Claude Saint-Pierre, chef de la direction financière de MTY, qui le côtoie depuis 20 ans.
L'achat en septembre de la chaîne de 95 franchises Valentine et de son centre de distribution de Saint-Hyacinthe illustre bien le mode de fonctionnement de MTY. Valentine, qui se présente comme le leader de la frite fraîche, vient combler une lacune dans l'offre du franchiseur, surtout connu pour ses mets asiatiques. " D'ici 60 jours, nous aurons arrimé les systèmes informatiques et de comptabilité de Valentine aux nôtres. Tout va rondement ", assure M. Ma.
Le centre de distribution de Valentine, sous-utilisé, pourra aussi approvisionner d'autres franchises. De plus, Valentine augmente le pouvoir d'achat de MTY auprès des fournisseurs d'aliments et d'équipement.
Sous peu, MTY confiera la gestion des 17 franchises de hot dogs Franx Supreme à l'équipe de Valentine. D'ici trois ans, les franchises Franx seront converties en Valentine, " car cette enseigne bénéficie d'une meilleure notoriété et offre un meilleur potentiel ", confie le pragmatique M. Ma. Groupe MTY s'efforce ainsi de faire croître ses franchises existantes, car celles-ci lui versent de 4,5 à 6 % de leurs revenus bruts.
Les acquisitions servent aussi parfois de tremplin dans d'autres marchés. Ainsi, Valentine offrira des franchises en Ontario, en commençant par les villes situées à moins de deux heures de route du Québec, telles que Cornwall, Kingston et Ottawa, dit M. Ma.
Valentine est aussi une porte d'entrée dans les plus petites municipalités, telles que Rawdon et Acton Vale, où MTY pourra offrir ses autres franchises. Ces nouveaux établissements apportent évidemment des revenus additionnels à MTY, puisque le franchiseur récolte des frais initiaux de franchises de 25 000 à 40 000 $, selon le concept.
Des concepts de franchise mis au point rapidement
La croissance rapide de MTY s'est surtout nourrie d'acquisitions, mais " la moitié des concepts de restaurants ont été mis au point à l'interne ", tient à préciser M. Ma.
Le centre commercial de Côte Vertu, derrière lequel est situé le siège social de MTY, sert en quelque sorte de laboratoire. En effet, l'entreprise y teste de nouveaux concepts, avec l'accord du propriétaire. D'ailleurs, c'est grâce à sa réputation et à ses relations de longue date avec les promoteurs immobiliers que MTY réussit à négocier des baux avantageux qu'elle peut ensuite offrir à des franchisés.
En 2008, par exemple, MTY a lancé les franchises O'burger, celles de mets indiens Tandori et celles du comptoir vietnamien Vie & Nam. " Il nous faut de quatre à six mois pour transformer une idée en franchise clé en main. Nous concevons les recettes et les menus, ainsi que le design du restaurant, et planifions l'approvisionnement en aliments et en fournitures diverses, pour simplifier la gestion par les franchisés. ", explique M. Ma, qui mange souvent chez ses franchisés.
Le dirigeant compte sur l'aide de sa fille Catherine Ma, qui est responsable des achats (des ingrédients, aux emballages), tandis que son fils David, conçoit l'aménagement des restaurants.
M. Ma dicte la cadence, mais MTY n'est plus l'entreprise d'un seul homme. La multiplication des enseignes est possible parce qu'il confie la supervision de chacune d'entre elles à un cadre qui est responsable de ses résultats. " Chaque chaîne est leur bébé. Je suis bien entouré. Certains cadres sont avec moi depuis plus de dix ans ", dit M. Ma, avec un brin de reconnaissance dans la voix.
Par exemple, André Gosselin dirige La Crémière, Marc Benzacar, les Sushi Shop, et George Moraitis, les Tutti Frutti.
Multiplier les menus
Avec 26 types de restaurants, l'entreprise est déjà le groupe le plus diversifié de l'industrie de la restauration rapide, note Douglas Fisher, président de FHG International, un consultant en restauration. " Quand un restaurateur réussit à plaire aux Québécois, je crois que les chances de réussir ailleurs sont bonnes. "
Bien que MTY offre déjà une grande variété de menus, M. Ma ne ferme la porte à aucun concept qui puisse accroître ses revenus, compléter et renforcer ses chaînes existantes. " Bien que nous ayons lancé Tandori, rien de nous empêche d'acquérir un autre restaurateur indien ", indique M. Ma.
MTY gagnerait à ajouter une chaîne de mets moyen-orientaux à son groupe, du type des restaurants Amir, croit Leon Aghazarian, de Valeurs mobilières Industrielle-Alliance.
MTY jumelle parfois des enseignes pour diversifier l'offre et optimiser les ventes à un endroit. Ainsi, 20 cafés Country Style sont combinés à une franchise de yogourts TCBY. Le jumelage des franchises Country Style et Thai Express, au centre-ville de Toronto, est aussi concluante, assure M. Ma.
Au Québec, une vingtaine d'établissements sont jumelés. L'objectif : augmenter la fréquentation et la facture moyenne de chaque client.
DÉJÀ 60 FRANCHISES AU MOYEN-ORIENT
Stanley Ma reprend une recette qui a souri aux détaillants La Senza et Groupe Aldo pour l'expansion à l'international : MTY exporte son concept au Moyen-Orient à des maîtres-franchiseurs qui achètent son concept.
MTY choisit ses partenaires locaux avec soin. Ces maîtres-franchiseurs achètent des licences et signent les baux des restaurants avec les promoteurs immobiliers.
MTY y applique ainsi son monde de fonctionnement : ces franchises lui procurent des redevances régulières, sans risque financier ni dépenses en capital pour MTY.
M. Ma revient d'ailleurs de Marakesh, au Maroc, où il a assisté à l'ouverture de sept restaurants dans une foire alimentaire. " Cinq de mes employés y ont passé deux semaines et demie pour veiller à la bonne marche du lancement ", précise le pdg.
MTY compte déjà 60 restaurants dans sept pays du Moyen-Orient : Émirats arabes unis, Bahreïn, Dubai, Arabie Saoudite, Qatar, Koweit, Jordanie et Maroc. Le Liban pourrait bientôt s'ajouter à la liste. " D'ici cinq ans, 10 % de nos franchisés, soit 150, pourraient se trouver à l'étranger, par rapport à 5 % aujourd'hui. "