Au café Barrill & Botella, dans un quartier bon chic bon genre de Madrid et à deux pas du campus de l'IE Business School, quatre jeunes hommes prennent un expresso tout en feuilletant nonchalamment le Financial Times. Ils sont respectivement Russe, Anglais, Chinois et Espagnol. Leur langue d'échange : l'anglais.
Ces quatre étudiants représentent bien l'école où ils terminent leur MBA, l'IE, qui se targue d'être la plus cosmopolite du monde. " Près de 85 % de nos 700 élèves inscrits au MBA ne sont pas Espagnols. Ils proviennent de plus de 70 pays ", précise David Bach, professeur en gestion stratégique et directeur des programmes de l'IE.
Le pourcentage d'étudiants étrangers dans cette institution à but non lucratif, vieille de 40 ans, était de seulement 65 % il y a cinq ans. Le plus important contingent vient des États-Unis, avec 10 % de la clientèle, suivi de l'Inde, avec 9,5 %.
Au coeur de Madrid, l'IE propose une expérience en anglais teintée d'espagnol, un pont vers le monde, l'Amérique latine notamment, et le prestige d'étudier dans une institution qui figure, année après année, au palmarès des meilleures écoles de commerce du monde.
" L'Espagne est un carrefour entre l'Amérique latine, l'Europe et l'Afrique. On a bâti notre diversité là-dessus, dit Pablo Martin de Holan, directeur du département de management entreprenarial à l'IE. Et quand je parle de diversité, ce n'est pas seulement sur le plan culturel, mais aussi sur celui du ratio hommes/femmes ou relativement aux élèves issus de pays riches par rapport à ceux de pays en développement. "
La multiethnicité, un atout
Selon Paris de l'Etraz, professeur en entrepreneuriat et recteur associé du programme en ligne à l'IE, cette multiethnicité est l'un des grands atouts de l'institution. " Les campus les plus cosmopolites des États-Unis ont moins de 20 % d'étudiants réellement issus de l'étranger. Duke se dit très diversifié, avec un cinquième d'étudiants étrangers, mais de ce nombre, une bonne partie sont aux États-Unis depuis au moins 10 ans. "Cette diversité est essentielle pour comprendre le monde, selon lui. " Ce n'est pas en s'enfermant deux ans sur un campus américain qu'on le comprend, dit-il, mais en côtoyant des entrepreneurs du Pakistan et en se familiarisant avec leur manière de penser. "
Pour s'assurer que des Chinois, des Indiens ou des Brésiliens accourent, l'institution a ouvert une trentaine de microbureaux à l'étranger, qui les aident à accomplir les multiples démarches d'admission. L'institution a réagi rapidement au fait que l'espagnol, une langue certes très importante dans le monde des affaires, ne faisait plus le poids face à la montée inexorable de l'anglais. À peine 20 % des cours sont aujourd'hui offerts en espagnol, un pourcentage qui frôle zéro au niveau de la maîtrise.
" La demande pour des programmes uniquement en anglais augmente sans cesse, dit M. de l'Etraz, d'origine suisse mais élevé aux États-Unis. Les Chinois veulent faire des affaires avec le monde entier, mais en anglais, pas dans leur langue. Leur objectif est plutôt de vendre le maximum de produits. "
MBA de 13 mois, en ligne
L'autre angle d'attaque de l'IE dans sa quête de nouveaux étudiants repose sur la formation en ligne, l'avenir même de l'enseignement des affaires, croit M. de l'Etraz. " Ces programmes représentent aujourd'hui 20 % de notre offre, et nous visons 50 % à terme ", souligne-t-il.
" Le temps est devenu une donnée très importante pour tout le monde, poursuit M. de l'Etraz. Et l'endroit où on étudie aussi : plusieurs ne veulent pas s'isoler deux ans et préfèrent suivre une formation à distance. Le beau campus, en Nouvelle-Angleterre, où on est coupé du monde extérieur, c'est fini. "
Des MBA et des maîtrises en gestion sportive, en biotechnologie et en marketing numérique sont déjà offerts en ligne. La formule : deux semaines à Madrid au début et à la fin du programme de 13 mois, une semaine dans une ville pertinente (par exemple, Londres pour la gestion sportive en raison des Jeux olympiques de 2012 et Boston pour la biotechnologie), le reste à distance." Ces programmes plus courts et en ligne, c'est une demande du marché, dit M. Bach. La majorité des étudiants sont sur le marché du travail et ils n'ont pas deux ans à consacrer aux études. En 13 mois intensifs, on peut apprendre la même matière. "
M. de Holan croit que cette flexibilité attire à l'IE des candidats de qualité qu'il est impossible de recruter autrement. Il cite l'exemple d'un ingénieur de l'Ouzbékistan, employé d'une firme pétrolière et chargé de famille, pour qui un exil de deux ans était impensable : " C'est un des gars les plus talentueux que j'ai côtoyés. On lui a donné cette souplesse. "
La technologie n'est qu'une des composantes pour l'implantation de la formation en ligne. La capacité des professeurs de s'adapter à une nouvelle méthode d'enseignement en est une autre. " Nos professeurs ont embarqué, ils n'ont pas eu le choix, dit M. de l'Etraz. Pour certains, cela été difficile. En ligne, tout est plus démocratique, moins hiérarchisé. Il faut être vraiment transparent. "
L'effort de l'IE semble avoir porté ses fruits, puisque le magazine The Economist a classé son MBA en ligne en première place de son palmarès.
Le Campus de l'IE à Madrid en quelques mots
> 7 800 étudiants provenant de 83 pays
> 85 % d'étudiants étrangers au MBA
> 6e au classement The Financial Times 2010 (MBA temps plein)
> 22e au classement The Economist 2010 (MBA temps plein)
Pour se différencier de ses principaux concurrents, l'IE de Madrid mise sur une formation axée davantage sur l'entrepreneuriat. " Nous sommes très orientés vers le marché ", dit David Bach, professeur en gestion stratégique et directeur des programmes. Sur les 110 professeurs à temps complet, plusieurs proviennent directement de l'industrie et ont eu une expérience concrète de l'entrepreneuriat.
" On ne cherche pas le prochain Google ", dit Paris de l'Etraz, professeur en entrepreneuriat et recteur associé du programme de formation en ligne de l'IE. " L'école de gestion de Stanford, par exemple, partage un laboratoire avec les ingénieurs du Massachussetts Institute of Technology. Ce n'est pas notre cas et ce n'est pas notre souhait. On ne se bat pas sur ce terrain. Plus de 80 % des entreprises ne sont pas technologiques. Ce sont des Zara ou des Mango [deux détaillants de vêtements espagnols]. "
ÉCOLES DE GESTION : DES CLASSEMENTS PRISÉS
Le classement de The Economist (Rang / Nom de l'école / Pays)
1 / Booth School of Business (Université de Chicago) / États-Unis
2 / Tuck School of Business (Dartmouth College) / États-Unis
3 / Haas School of Business (University de Californie à Berkeley) / États-Unis
4 / Harvard Business School / États-Unis
5 / IESE Business School (University of Navarra) / Espagne
6 / International Institute for Management Development / Suisse
7 / Stanford Graduate School of Business / États-Unis
8 / Wharton School (Université de Pennsylvanie) / États-Unis
9 / HEC School of Management, Paris / France
10 / Schulich School of Business (Université York)/ Canada
Le classement du Financial Times (Rang / Nom de l'école / Pays)
1 /London Business School / Angleterre
2 / Wharton School (Université de Pennsylvanie) / États-Unis
3 / Harvard Business School / États-Unis
4 / Stanford Graduate School of Business / États-Unis
5 / Insead / France Singapour
6 / Columbia Business School / États-Unis
7 / IE Business School / Espagne
8 / MIT Sloan School of Management / États-Unis
9 / Booth School of Business (Université de Chicago) / États-Unis
10 / Hong Kong UST Business School / Chine