Le retour du baseball majeur à Montréal, que ce soit par l’intermédiaire d’une relocalisation ou d’une expansion, représente un pari audacieux, affirme l’économiste Andrew Zimbalist, du Smith College au Massachusetts.
« Prenons d’abord l’hypothèse de relocalisation d’une équipe, celle sur laquelle Projet Baseball Montréal travaille. Le nom des Rays de Tampa Bay est sur toutes les lèvres, mais il y a un hic majeur : l’équipe a un bail au Tropicana Field jusqu’en 2027. Or, pour déménager les Rays, les acquéreurs potentiels devront défrayer les frais de rachat de ce bail. Cela pourrait représenter une facture supplémentaire de 200 M$ à 300 M$, en plus du 1,2 G$ qu’elle devra investir dans la construction d’un stade et l’achat de l’équipe », affirme en entrevue téléphonique ce spécialiste du baseball, qui a publié plusieurs livres sur le sujet.
Quant à une possibilité d’expansion, une hypothèse qui a été écartée par le groupe qui veut ramener le baseball majeur à Montréal, il ne faudrait pas l’exclure, estime M. Zimbalist. « La Ligue nationale de football compte 32 équipes tandis que la Ligue nationale de hockey, l’Association nationale de basketball et les Ligues majeures de baseball comptent 30 équipes chacunes. Certes, les ligues majeures ont beaucoup plus parlé de contraction [réduction du nombre d’équipes] que d’expansion au tournant des années 2000, mais les choses peuvent changer. »
L’auteur de Moneyball Revisited: Assessing the Impact of Sabermetrics on Baseball croit que Montréal a déjà prouvé par le passé qu’elle était un bon marché pour le baseball majeur. « Cependant, tout s’est écroulé à la suite de la grève de 1994, au moment où les Expos étaient la meilleure équipe de tout le baseball. Pour revenir dans les majeures, Montréal a besoin d’un bon stade situé au centre-ville et d’un excellent propriétaire », ajoute-t-il.
Un retour viable à condition d’avoir un nouveau stade
Un retour viable à condition d’avoir un nouveau stade
Le retour du baseball majeur à Montréal est viable, en autant qu’un nouveau stade soit construit à proximité du centre-ville de la métropole. C’est ce qu’a annoncé, ce matin, un groupe composé de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), de Projet Baseball Montréal (PBM), d’Ernst & Young (EY) et du cabinet d’avocats BCF.
Le groupe a présenté les résultats de son étude de faisabilité ainsi que ceux de deux sondages qui ont été menés auprès des Québécois et de la communauté d’affaires. En suivant des hypothèses modérées, notamment l’accès à des revenus importants provenant de droits de diffusion, la vente de billets à prix moyen à celui des ligues majeures (29 $ par match) et une foule moyenne de 27 000 à 31 000 spectateurs par match, ce retour est envisageable, estime Michel Leblanc, président de la CCMM.
Cette hypothèse d’assistance représente la moyenne des ligues majeures de 2011 à 2013. Cela On parle d’une foule annuelle de 2,1 à 2,5 millions de spectateurs. Fait à noter, en 35 ans d’histoire, les Expos ont attiré plus de deux millions de spectateurs à seulement quatre reprises, en 1979, 1980, 1982 et 1983. À cette époque, les Expos étaient parmi les organisations qui attiraient le plus de spectateurs dans les majeures.
Qu’est-ce qui a changé depuis le départ des Expos, en 2004, pour soumettre une hypothèse semblable ? « Les dernières années, les Expos ne jouaient pas à l’endroit le plus invitant [le Stade olympique]. Si on construit un stade en fonction du baseball, au centre-ville de surcroit, la réalité sera différente. Nous avons une bonne base de partisans à Montréal. Enfin, en plus de revitaliser le tissus urbain, les stades des majeures situés dans les centres-villes attirent beaucoup de spectateurs », a répondu Michel Leblanc.
Projet Baseball Montréal privilégie une relocalisation d’une équipe existante plutôt qu’une expansion. On estime le coût d’achat d’une équipe à 525 M$. Michel Leblanc verrait bien la future équipe montréalaise s’aligner dans la division Est de la Ligue américaine, en compagnie des Yankees de New York, des Red Sox de Boston, des Orioles de Baltimore et des Blue Jays de Toronto. Il y a une rivalité naturelle avec Toronto, dit-il.
Les porteurs du projet n’ont jamais nommé les Rays de Tampa Bay, mais il s’agit d’une équipe qui évolue dans la même division que les Jays et qui a de la difficulté à attirer les partisans au vieillot Tropicana Field. La saison dernière, l’équipe du gérant Joe Maddon a attiré 1,5 million de spectateurs, beaucoup moins que la moyenne des majeurs (2,3 millions). « On ne vise pas une équipe en particulier, mais les équipes évoluant dans des marchés plus difficiles », précise Michel Leblanc.
Le projet de retour du baseball majeur totalise 1,025 G$ lorsqu’on inclut la construction d’un nouveau stade de 500 M$ à proximité du centre-ville de Montréal. Le groupe privilégie un modèle de financement hybride (public-privé) : le gouvernement financerait les deux tiers de la construction tandis que les propriétaires fournirait le tiers. Selon les hypothèses utilisées par le groupe, les instances publiques financeraient le tiers du projet (achat équipe et construction du stade).
Pour le moment, cinq sites ont été retenus par le groupe : un terrain adjacent à l’autoroute Bonaventure, le bassin Wellington dans Griffintown, le secteur de l’Hôpital Montréal pour enfants, l’ancien site de l’Hippodrome de Montréal et le Stade olympique.
« Le stade pourra accueillir 36 000 spectateurs et ne comportera pas de toit rétractable. À lui seul, cet ajout coûterait de 150 M$ à 180 M$. D’ailleurs, le nouveau stade des Twins du Minnesota, au centre-ville de Minneapolis, dont le climat de la région ressemble à celui de Montréal, montre que ce type de construction peut être adéquat », explique Sylvain Vincent, associé directeur pour le Québec chez Ernst & Young.
Selon un sondage Léger Marketing effectué auprès de 1 589 Québécois et 392 représentants de PME et de grandes sociétés de la région de Montréal, 69 % de la population et 81 % des entreprises appuient l’idée de ramener du baseball des ligues majeures à Montréal.
Un risque de change atténué
Un risque de change atténué
Au début de la dernière saison des Expos, en 2004, le dollar canadien valait 77 cents américains. Une décennie plus tard, le huard vaut 94 cents US. Une équipe de baseball à Montréal serait-elle moins exposée au risque de change qu’il y a 10 ans ?
Oui, répond sans hésiter Sylvain Vincent, d’Ernst & Young. « Dans nos hypothèses de travail, les sommes reçues en dollars américains des droits de diffusion et de la redistribution des revenus du baseball majeur défraiera en très grande partie la masse salariale de 75 M$ US, qui correspond à la moyenne des majeures. »
M. Vincent rappelle que les revenus de droits de diffusion n’étaient pas aussi élevés il y a 10 ans. Même chose pour la redistribution des revenus, qui était inexistante, ajoute-t-il.