La chaise est devenue l'ennemi public numéro un des employés de bureau soucieux de leur santé. Selon les études désignant la chaise comme coupable, rester assis de manière prolongée pourrait augmenter les risques de diabète, de cancer et même de dépression. Une étude menée auprès de 17 000 Canadiens arrive même à la conclusion que rester assis diminue l'espérance de vie. Ce n'est donc pas étonnant que les bureaux ajustables, qui permettent de travailler debout, soient plus populaires que jamais. De manière à mieux comprendre le phénomène, notre journaliste Julien Brault a travaillé durant un mois sur un bureau ajustable. Il fait ici le récit de son expérience.
Les premiers jours où j'ai travaillé sur un bureau ajustable, j'ai en effet éprouvé de la fatigue musculaire dans les jambes en fin de journée. Il faut dire que, durant ces premiers jours, j'ai travaillé debout toute la journée. Je croyais que c'était le meilleur moyen de bénéficier de mon bureau ajustable, mais j'ai rapidement appris, en lisant sur le sujet, que changer souvent de position était préférable.
«Être debout a l'avantage de respecter la courbure de la colonne vertébrale, dit Christian Pinsonnault, ergonome chez Entrac, une entreprise qui possède des bureaux à Longueuil et à Québec. Par contre, être debout longtemps amène de la fatigue dans les membres inférieurs, car la circulation sanguine se fait moins bien.»
J'ai par la suite suivi mon instinct, restant le plus souvent debout de 9 h à 12 h, puis de 13 h à 15 h. Je n'ai toutefois pas suivi d'horaire fixe, abaissant mon bureau lorsque j'en avais envie. Après la première semaine, la fatigue musculaire ressentie au début est pratiquement disparue et j'ai commencé à apprécier davantage mon bureau ajustable.
Après tout, ce n'est pas pour rien que le bureau de 1 500 $, qu'Ergotables.com m'a prêté, est doté d'un moteur électrique permettant d'en modifier la hauteur en pressant un bouton. «C'est clair que plus on peut changer de position souvent, mieux c'est, explique Christian Pinsonnault. Il ne faut pas attendre d'être fatigué pour s'asseoir. Par exemple, si je suis fatigué à 10 h, il faudrait que je m'assoie à 9 h 30.»
Des bienfaits tangibles ?
Jean-Sébastien Cournoyer, associé du fonds Real Ventures, travaille quant à lui à partir d'une table à dessin surélevée. Depuis deux ans, le capital-risqueur travaille en position debout, un choix qu'il a fait après avoir lu sur les effets négatifs de la position assise : «J'ai une vie qui est très chaotique, j'ai cinq enfants à la maison, j'ai beaucoup de rencontres, je reçois beaucoup de courriels et je ne bouge pas, explique-t-il. J'essaie malgré tout de rester en santé.»
Passant environ quatre heures par jour dans des rencontres, Jean-Sébastien Cournoyer change de position plusieurs fois par jour. Pour les travailleurs ayant un horaire similaire, il ne serait pas nécessaire d'investir dans une table ajustable électrique pour profiter des bénéfices de travailler debout. «J'avais des maux de dos et ils sont disparus, explique-t-il. Je ne peux pas dire que j'ai vu une différence en matière de productivité, mais je me sens mieux en fin de journée qu'auparavant.»
Même si je n'avais pas de maux de dos à soigner, comme Jean-Sébastien Cournoyer, je me sentais mieux en fin de journée durant mon expérience. Pour être plus précis, j'ai noté que la fatigue qui m'assaille généralement en fin d'après-midi a presque disparu durant le mois où j'ai utilisé un bureau ajustable.
Je ne sais pas si j'ai été globalement plus productif durant cette période. Je peux toutefois affirmer que, lorsque je travaillais debout, j'avais un sentiment d'urgence que je n'ai pas lorsque je suis assis.
Debout, j'avais tendance à effectuer plus rapidement des microtâches telles qu'envoyer des courriels et faire des entrevues au téléphone. J'ai aussi écrit plusieurs billets de blogue debout, mais surtout ceux dont j'avais déjà établi la structure dans ma tête. Pour écrire des textes de plus longue haleine, bref, pour tout effort demandant une concentration prolongée, j'avais l'impression qu'être debout était un obstacle.
Mode ou tendance lourde ?
Chez Google et Facebook, les employés qui en ont font la demande peuvent obtenir un bureau ajustable. Quoique moins répandus au Québec, les bureaux ajustables ont été adoptés par Aimia, l'entreprise derrière le programme de loyauté Aéroplan, dont le centre d'appels montréalais est équipé de quelque 230 bureaux ajustables.
Selon Christian Cormier, directeur de l'engagement des membres et des employés chez Aimia, ces bureaux seraient un atout pour attirer et retenir ses employés : «C'est sûr que, lorsque nous faisons du recrutement, la visite du centre de contact est une étape incontournable, illustre-t-il. Durant ces visites, il y a toujours quelqu'un qui travaille debout.»
L'ergonome Christian Pinsonnault, pour sa part, ne croit pas que les employeurs devraient fournir des bureaux ajustables à leurs employés, à moins que leur condition médicale ou la nature des tâches qu'ils effectuent l'exige : «Pour faire le bon choix, il faut tenir compte de la nature des tâches, de leur durée et de leur fréquence ; ce n'est pas blanc ou noir», conclut Christian Pinsonnault.