Même si l’économie américaine montre des signes de reprise, le vice-président principal et économiste en chef de la Caisse de dépôt et placement du Québec estime que le spectre d’une nouvelle récession plane sur le pays à moyen terme à cause de la lourdeur de la dette publique. Paul Fenton anticipe par ailleurs une récession sévère en Europe en 2012.
M. Fenton présentait hier à Québec devant l’Association des économistes québécois ses perspectives sur l’économie mondiale.
Aux États-Unis, où le taux de chômage a subi sa plus importante baisse en six ans et où la construction résidentielle reprend enfin, Paul Fenton demeure très préoccupé par la situation économique. La croissance prévue pour 2012 est de 2 %, mais au-delà de cette année, la bonne tenue de l’économie américaine dépendra largement de la manière dont le gouvernement choisira de s’attaquer à son immense dette. Elle sera bientôt plus grande que le PIB du pays. Le déficit annuel à lui seul atteint 9 % du PIB.
« J’espère que les élections donneront le mandat au président de resserrer la politique fiscale de manière prudente, c’est-à-dire pas trop rapide. J’ai peur que si le président et le congrès déclenchent un programme d’austérité budgétaire concentré sur 2013-14, ils puissent provoquer une autre récession. La meilleure stratégie pour eux serait un processus graduel. Un resserrement de 1,5 % par année de 2013 à 2019 mettrait la dette sur une piste soutenable. Il vaut mieux être persistant que d’imposer un traitement-choc pour donner la chance à l’économie de s’adapter. »
L'Europe dans la tempête
L'Europe dans la tempête
Certains pays européens sont soumis actuellement à des traitements-chocs qui entraînent le continent entier dans une récession, que M. Fenton entrevoit importante, mais brève. Les pays développés, remarque-t-il, font face actuellement aux conséquences de la crise financière de 2008.
« Il y a des problèmes dans les pays développés qui devraient être réglés. Plusieurs gouvernements en Europe sont trop endettés et ils resserrent substantiellement leurs politiques fiscales. »
L’austérité budgétaire affaiblit la demande intérieure et freine la croissance. L’Italie resserre cette année sa politique fiscale à hauteur de 7,7 % de son PIB; un effort colossal, que l’Espagne va aussi imiter. La France n’est pas en reste : depuis la Seconde Guerre mondiale, elle n’a jamais imposé une telle austérité, a souligné l’économiste.
Signe encourageant dans le sombre tableau : l’assouplissement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). Elle a notamment annoncé un financement illimité des banques pendant trois ans et coupé son taux directeur de 50 points de base.
« Les marchés commencent à comprendre l’ampleur du programme. L’effort de la BCE dépasse celui de la Réserve fédérale américaine (Fed) », a noté M. Fenton.
Comme une grande partie de la dette italienne arrive à échéance en février, la politique monétaire de la BCE sera mise à l’épreuve.
« Sera-t-elle un moyen pour l’Italie de se financer? On verra si ça passe ou ça casse, mais je crois que ça va passer », a analysé le vice-président de la Caisse de dépôt, moins optimiste pour la Grèce, qu’il ne serait pas surpris de voir sortir de la zone euro cette année pour cause d’insolvabilité.
Malgré tout, l’assouplissement de la politique monétaire, combinée à la dépréciation de la devise européenne, devraient amener l’Europe à rebondir vers la fin de l’année, croit M. Fenton.
Dans ce tableau incertain, l’espoir vient surtout des économies émergentes, de la Chine au premier rang. La croissance prévue en 2012 sera de 8 % à 9 %. C’est là que les exportateurs verront sans doute les meilleures occasions d’élargir leurs marchés.