L'industrie canadienne des produits du phoque n'aura eu qu'un bref sursis de l'embargo européen.
La Cour de justice de l'Union européenne, qui avait suspendu la mise en oeuvre de l'embargo dans les heures précédant son entrée en vigueur en août dernier à la demande d'un regroupement d'Inuits, a levé jeudi cette injonction.
Bien que l'embargo exclut spécifiquement les produits du phoque issus de la chasse traditionnelle inuite, ceux-ci, de même que des regroupements d'entreprises et de chasseurs de phoques contestent toujours la légalité de l'embargo.
Le président de l'Association des chasseurs de phoques des Îles, Denis Longuépée, s'est dit surpris et déçu de cette décision, d'autant plus que la Cour de justice de l'Union européenne ne s'est pas encore prononcée sur le fond de la question.
Il n'écarte pas la possibilité de voir l'ensemble des groupes en appeler de cette décision.
M. Longuépée déplore le ton du discours utilisé pour influencer l'Union européenne. "C'est une question d'éthique. Comment peut-on arriver à faire des embargos pour des raisons émotives? Il faut se baser sur des faits scientifiques."
Il ne mâche d'ailleurs pas ses mots à l'endroit des organismes qui militent contre la chasse aux phoques. "Les groupes de défense des animaux - les IFAW (Fonds international pour la protection des animaux), les PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) et autres - soutiennent que plus la population de phoques augmente, mieux c'est pour l'écosystème. C'est complètement erroné", dénonce-t-il.
Oui, dit-il, les phoques ont un impact sur l'écosystème mais complètement opposé à celui avancé par ces groupes.
"Plusieurs scientifiques du monde entier s'entendent sur le fait qu'il y a une surpopulation de phoques gris au Canada. L'impact direct sur l'écosystème est d'empêcher le stock de morues de se régénérer. Je crois qu'à force de donner de l'information, des vrais faits, on va peut-être finir par comprendre que la surpopulation du phoque est devenue nuisible à l'écosystème."
De son côté, Bernard Guimont, président de Tamasu, une compagnie de produits de loup-marin des Îles-de-la-Madeleine, déplore également la décision. Il affirme toutefois que l'industrie a perdu une bataille mais pas la guerre.
Il note au passage que la réglementation permettra tout de même aux produits du phoque de transiter par l'Europe vers d'autres marchés. Quant aux opérations de tannage des peaux qui étaient réalisées en Allemagne pour son entreprise, elles seront tout simplement transférées en Ukraine.
L'association nationale inuite, qui est à l'origine de la requête pour faire invalider l'embargo, n'a pas encore émis de réaction officielle mais déjà son directeur, Stephen Hendrie, admet qu'il s'agit d'une mauvaise nouvelle pour l'industrie de la chasse.
À Ottawa, la ministre des Pêches et Océans, Gail Shea, s'est également montrée déçue. Elle a promis de continuer à soutenir les chasseurs et l'industrie, tant dans la lutte contre l'embargo européen que dans leur recherche de nouveaux marchés.
Elle a aussi rappelé que le gouvernement fédéral menait ses propres efforts devant d'autres instances. "Nous poursuivons nos démarches devant l'OMC (Organisation mondiale du commerce). Nous entrerons dans la deuxième ronde de négociations à ce sujet parce que nous croyons que l'Union européenne est en violation des lois du commerce international", a déclaré la ministre Shea, à sa sortie des Communes.
Du côté des nouveaux débouchés commerciaux, elle a rappelé que les discussions avec la Chine progressaient. "Des représentants chinois sont venus nous visiter et nous attendons l'approbation finale des chinois pour permettre l'importation de produits du phoque en Chine. Cela nous excite beaucoup car il s'agit d'un marché énorme."
Le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) s'est réjoui de la décision de la Cour d'imposer la stricte application de l'embargo, estimant qu'il s'agit là d'une victoire significative dans sa lutte des 40 dernières années pour mettre fin à la chasse commerciale aux phoques.