Et si, pour une fois, au lieu d'inviter votre client au hockey, vous l'emmeniez à l'Opéra ? Et si le buffet de la loge du Centre Bell faisait place à un repas cinq services préparé par le chef de Toqué, un des meilleurs restaurants en Amérique du Nord. Et si les plats vous étaient servis dans l'atelier des costumes de l'Opéra, arrosés de vins d'importation privée ?
C'est la toute nouvelle proposition que fait l'Opéra de Montréal aux dirigeants d'entreprises pour leurs sorties avec leurs partenaires d'affaires. Prix de cette expérience unique : de 5 000 à 10 000 $, selon le nombre de personnes. En prime, le nom de votre entreprise figure sur le programme et fait l'objet d'une annonce avant la levée du rideau.
Le programme
Mercredi, 17 h 30. Notre groupe de huit a rendez-vous à l'entrée des artistes de la Place des Arts. Nous sommes accueillis par le directeur général de l'Opéra de Montréal, l'affable Pierre Dufour. Premier arrêt : l'arrière-scène de la salle Wilfrid-Pelletier. Question de nous mettre dans l'ambiance, M. Dufour nous renseigne - et nous étonne - sur l'histoire de l'opéra, cet art qui a longtemps été populaire avant d'être considéré comme élitiste.
Le ton est badin, l'atmosphère, détendue. Pierre Dufour en profite pour passer le message suivant : une soirée à l'Opéra, ce n'est pas si cher, compte tenu que chaque production comprend pas moins de 150 artistes.
Étape suivante : l'atelier des costumes. Il en contient 4 500. On peut voir les robes de Carmen et les kimonos de Madame Butterfly, qui seront refaits cette année par des petites mains d'ici.
C'est dans ce décor fascinant, orné de velours, de soie et de fourrures, que nous nous attablons, sous les bons soins de la directrice du Toqué, Christine Lamarche, et du propriétaire de la maison d'importation de vins Raisonnance, Pierre Birlichi.
Il est 18 heures et nous avons une heure et demie pour déguster cinq plats apprêtés sur place.
Le décor est inusité. On se croirait en France, au 19e siècle. L'éclairage n'est pas d'époque : il aurait fallu des chandelles, mais la compagnie d'assurances l'interdit, et pour cause : il y a pour plus d'un million de dollars de costumes.
Développement d'affaires
Si le célèbre restaurant Toqué s'est joint à ce projet, c'est parce qu'un art comme l'opéra atteint un niveau de raffinement comparable. Pierre Birlichi fait l'analogie suivante : " Ce que vous avez devant vous ce soir, c'est le résultat du travail de petites mains. L'opéra, le repas et les vins sont des arts vivants qui font vibrer les gens. "
Évidemment, pour Toqué et la maison Raisonnance, cette offre de commandite permet d'accroître leur clientèle. Pour l'Opéra de Montréal, c'est une occasion d'augmenter ses revenus et de diversifier son public. L'initiative a été lancée au printemps dernier et a circulé de bouche à oreille. Cette année, l'Opéra de Montréal fait davantage de publicité et espère présenter l'offre à chacune des 25 représentations prévues à son programme 2010-2011.
L'idée est venue de Pierre Birlichi. Il s'est inspiré d'une activité que l'Opéra de Paris destine aux Amis de l'Opéra. Après chaque représentation, une quarantaine de pdg d'entreprises invitent des partenaires d'affaires accompagnés de leurs conjoints à se restaurer dans une salle pouvant accueillir 250 convives.
Il faut dire qu'en France, la culture, c'est comme le hockey ici. " Ce que nous voulons, dit Pierre Dufour, c'est permettre aux gens d'affaires de cultiver leurs clients, au sens propre et au sens figuré. "
" Les affaires, avance Pierre Birlichi, c'est aussi autre chose que la business. Partager des goûts avec des clients ou des fournisseurs permet de nouer des relations plus profondes avec eux. "
Vins uniques
" Les vins que vous boirez ce soir s'inspirent du principe de la biodynamie ", reprend Pierre Birlichi. Ce sont des vins français du terroir, entièrement naturels et très digestibles, fabriqués dans le respect du calendrier lunaire. M. Birlichi nous promet qu'ils auront un effet stimulant, histoire de profiter du spectacle ! On nous servira donc quatre blancs et un rouge seulement. Des vins qu'on ne trouve pas à la SAQ.
Les plats sont tous plus succulents et originaux les uns que les autres. Christine Lamarche nous apprend que chaque mets a subi une dizaine ou une vingtaine de manipulations. Un goût de paradis, loin du buffet du Centre Bell.
L'expérience est agréablement déstabilisante. On quitte la table dans de très bonnes dispositions pour aller voir le Rigoletto de Verdi, qui débute dans quelques minutes. Tout juste le temps de gagner nos loges.
Et si on n'aime pas l'opéra ? On pourra toujours quitter à l'entracte. Ou plutôt, après celui-ci, car un autre bon vin sera servi au bar privé de la salle Wilfrid-Pelletier, où la murale illuminée de l'artiste québécois Alfred Pellan resplendit.
Le hockey, ce sera pour une prochaine fois.