Avis à ceux qui rêvent de collaborer avec l'étoile montante du cinéma québécois : Xavier Dolan propose aux internautes de devenir coproducteur de son prochain film, Laurence Anyways.
Grâce au site Web touscoprod.ca, le jeune réalisateur cherche à amasser 50 000 $ sur un budget total estimé à près de neuf millions. C'est une petite part, mais pour Nicolas Girard-Deltruc, directeur général du Festival du nouveau cinéma (FNC), c'est un bon premier pas dans cette approche novatrice du financement collaboratif : " N'importe quel internaute peut investir, que ce soit dix, quinze, cent, voire mille dollars " pour contribuer à ce que le film voit le jour.
Des cinéastes du monde entier utilisent les outils disponibles sur Internet pour développer leurs projets. Le coproducteur finlandais Tero Kaukomaa incite les internautes à investir 900 000 euros (€), sur un budget total de 6,5 millions pour boucler le financement du film Iron Sky, une coproduction australienne, allemande et finlandaise. Les producteurs ont amassé 38 % des 900 000 € escomptés.
Faire participer les internautes
La production d'Iron Sky est lancée. Elle se fera, même si l'argent des internautes ne comble pas les attentes. Le tournage débutera le 16 novembre et la sortie en salle est prévue au cours du premier semestre de 2012. " Il s'agit en fait d'un emprunt bancaire remboursé à mesure que l'argent entre ", détaille celui qui a aussi coproduit Dancer in the Dark, de Lars Von Trier. Pour participer à l'aventure, les internautes doivent investir au moins 1 000 €. Ceux qui trouvent ce montant trop élevé peuvent acheter des articles promotionnels et même commander le DVD du film à l'avance.
En France, Luc Besson se sert aussi du Web pour financer un projet de long métrage. Sur le site www.weareproducteurs.com, les internautes peuvent investir à coup de 10 €. Dans ce cas, non seulement le financement est collaboratif, mais la création aussi : le cinéaste invite les internautes à participer à toutes les étapes du film. En ce moment, chaque nouvelle scène écrite est mise en ligne. Bientôt, les internautes pourront soumettre leurs idées pour le choix des acteurs.Directrice générale d'Espace Infusion et du programme de médias interactifs de l'Institut national de l'image et du son (INIS), Véronique Marino analyse le phénomène. " C'est du crowd sourcing [externalisation ouverte]. Le public Web peut maintenant contribuer sur le plan du financement et du contenu. Il devient coproducteur ou a un accès privilégié. "
Au Québec, cette approche est balbutiante. Le film À5000km de Jérome, réalisé et coproduit par Thierry Vogler, a tenté sans succès de se financer entièrement grâce au Web. Le coproducteur Zénon Olejniczak s'est finalement tourné vers le modèle traditionnel : il a déposé une demande auprès des organismes publics traditionnels.
À la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), la directrice des communications Marie-Hélène Paradis admet que le gouvernement n'a pas pleinement évalué le potentiel du financement de films par Internet. L'organisme a amorcé une longue série de consultations sous le thème " Option culture, virage numérique ", dans le but de mettre en branle l'été prochain une stratégie pour mieux exploiter le potentiel du numérique dans la culture.
Des clics en or
Le réalisateur Patrick Boivin, lui, ne demande pas directement aux internautes de financer ses productions, mais c'est tout de même du Web qu'il tire une partie de ses revenus, sous forme de redevances publicitaires sur YouTube. " Cette plateforme m'apporte deux choses : de l'argent et des contacts ", confie ce passionné qui réalise principalement des courts métrages d'animation qu'il fait chez lui. Patrick Boivin est si populaire sur le site de partage de vidéos que YouTube en a fait un partenaire. Ainsi, le réalisateur reçoit une partie des recettes générées par les publicités accolées à ses films. Ses vidéos ont été vues plus de 82 millions de fois. Sans dévoiler de chiffres, il affirme que le partenariat lui permet de toucher " des milliers de dollars " par mois.
Pour lui, YouTube, c'est plus que de l'argent sonnant. Le rayonnement de son talent comme cinéaste d'animation a capté l'attention de Google, d'Iggy Pop, d'Indochine et du planchiste Tony Hawk. Des gros noms pour qui il a réalisé des vidéoclips et des pubs. " Cela m'a ouvert tout un réseau à Hollywood, mon nom circule pour des longs métrages. C'est quelque chose que je n'aurais jamais envisagé avant. "
Le Web ne saurait financer n'importe quelle production. " Le fractionnement des sources, ça amène plus de souplesse. Un projet peut trouver la voie qui lui convient le mieux. Par contre, tous les projets ne sont pas bons pour le Web ", souligne Véronique Marino, de l'INIS.
M. Boivin acquiesce : " Un film de science-fiction avec des monstres, c'est sûr que c'est populaire sur le Web. " Par contre, ça ne convient pas à tous les scénarios. En ce moment, il réalise un film, " une histoire d'amour ". Le projet est financé en partie par les revenus issus des projets YouTube et grâce à une aide financière de 60 000 $ du Conseil des arts du Canada. " Si je devais demander aux internautes de financer ce film, je pense que je ramasserais des peanuts ! "