Compte tenu de la taille de l'économie québécoise, la capacité des entreprises à exporter leurs produits est un enjeu majeur pour assurer leur croissance, mais aussi celle du Québec. Tel est l'un des enjeux soulignés dans une étude que vient de publier le Mouvement Desjardins en collaboration avec le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).
«La prospérité du Québec passe par la capacité des entreprises, et en particulier les PME, à explorer davantage les marchés étrangers», commente François Dupuis, vice-président et économiste en chef au Mouvement Desjardins.
L'étude, intitulée «Pour un Québec plus prospère et plus entrepreneurial», est une synthèse des principales études et réflexions menées ces dernières années sur les défis auxquelles font face les entreprises québécoises. Elle fait suite à une étude réalisée en 2011 par Desjardins et le CIRANO portant sur les défis économiques du Québec. «Nous avons voulu aller plus loin, en nous intéressant plus particulièrement aux défis des entreprises québécoises, dans une optique de prospérité et d'entrepreneuriat», explique M. Dupuis.
La demande intérieure peut supporter une certaine activité économique, mais sans commerce extérieur, les sources de croissance des entreprises sont limitées, indique l'étude, en soulignant que l'internationalisation représente un plus grand défi pour les PME que pour les grandes entreprises.
Les entreprises ont encore plus intérêt à percer les marchés étrangers lorsqu'on sait que «1 % du marché mondial, c'est plus que 50 % du marché québécois», a fait valoir Monique Leroux, présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins, en entrevue avec Les Affaires.
Diversification des marchés et des produits
Les entreprises québécoises doivent du même coup diversifier davantage leur présence à l'étranger afin de diminuer leur dépendance à l'égard des États-Unis, rappelle l'étude, qui mentionne que les entreprises québécoises ont commencé à exploiter de nouveaux marchés seulement au cours de la dernière décennie.
Le Québec exporte proportionnellement déjà moins qu'auparavant vers les États-Unis. Sans abandonner ce marché, qui restera assurément le principal partenaire commercial international de la province, «les entreprises exportatrices doivent profiter du potentiel de croissance et de diversification que leur offrent les pays émergents», suggère l'étude.
Les exportations du Québec vers les États-Unis ont diminué de 1,4 % par année, en moyenne, depuis 10 ans. En revanche, la part des pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et du Mexique a quadruplé, passant de 2 % en 2003 à 8 % en 2013. Le Québec exporte encore très peu vers les autres pays émergents, mais quand même trois fois plus qu'en 2003.
Les échanges commerciaux avec les pays européens et le Japon pourraient être intensifiés, mais les marchés émergents offrent un meilleur potentiel de croissance aux exportateurs québécois, selon l'étude : «L'émergence d'une foule d'autres pays qui sont en pleine expansion, comme l'Indonésie, la Turquie, le Nigeria, les Philippines, l'Afrique du Sud, le Vietnam et le Venezuela, a élargi grandement le marché international. Beaucoup de Vietnamiens, de Russes et de Turcs sont maintenant des consommateurs de produits québécois et un nombre croissant aura les moyens de le devenir au fil du temps».
Le Québec doit aussi élargir la palette des produits exportés. En effet, mis à part le matériel de transport (avions, simulateurs de vol), ce sont surtout des ressources naturelles (fer, cuivre, aluminium, pâte de bois) et du porc que le Québec a exporté dans les pays émergents jusqu'à présent.
Certes, la demande de produits de base devrait rester soutenue pendant encore longtemps, tant que les pays en émergence en auront besoin pour développer leurs infrastructures, «mais il faudrait élargir la gamme des exportations à des produits contenant davantage de valeur ajoutée, en plus des avions», dit l'étude.
Enfin, s'internationaliser ne signifie pas seulement importer ou exporter des produits ou des services, soulignent les auteurs. Cela passe aussi par le développement de partenariats d'affaires avec des étrangers, par des investissements directs à l'étranger et la collaboration à des projets de R-D. Par exemple, Desjardins s'est «associée à des partenaires, comme le Crédit Mutuel et State Farm, pour poursuivre notre croissance et développer de nouveaux marchés», illustre Mme Leroux.
Le regroupement de PME en consortium pour soumissionner à des appels d'offres internationaux peut aussi s'avérer une avenue intéressante.
Les six défis à relever pour accroître la contribution des entreprises à l'économie du Québec
Entreprises plus compétitives et prospères et Québécois plus entrepreneuriaux
DÉFI : Stimuler l'entrepreneuriat
Faciliter l'accès au financement
Simplifier la réglementation
Renouveler et entretenir les infrastructures publiques
Améliorer la compétitivité du régime fiscal
On suggère de diminuer l'aide fiscale accordée aux entreprises. Les économies ainsi réalisées serviraient à réduire le fardeau fiscal de toutes les sociétés, en particulier les taxes sur la masse salariale qui découragent l'embauche et le taux d'imposition des sociétés qui nuit à l'investissement.
DÉFI : Améliorer la compétitivité de la métropole
DÉFI : S'assurer que le développement des ressources naturelles profite aux entreprises d'ici
DÉFI : Assurer la relève et améliorer le taux de survie des entreprises
DÉFI : Mieux affronter la concurrence étrangère, ici et à l'étranger
Les efforts pour conclure des ententes de libre-échange, en particulier avec les pays émergents, doivent être poursuivis.
Augmenter la qualité et la disponibilité de la main-d'oeuvre
Investir davantage
Innover davantage
Il ne suffit pas d'encourager toutes les entreprises à investir en R-D, il faut plutôt soutenir celles qui ont le plus de chance d'en maximiser le rendement.
L'investissement en R-D n'est pas l'unique facteur favorisant l'innovation. D'autres, comme la main-d'oeuvre, auraient encore plus d'importance.
DÉFI : Améliorer la productivité
Si les PME québécoises doivent s'internationaliser davantage, il leur faut améliorer leur productivité pour être compétitives sur le plan mondial, une condition essentielle à leur pérennité et à leur capacité de conquérir de nouveaux marchés.
L'étude rappelle que la productivité du travail du Québec est non seulement inférieure à celle du reste du Canada et de plusieurs pays industrialisés, mais aussi qu'elle croît moins rapidement. La performance du Québec au chapitre de l'innovation en serait l'une des principales causes, selon l'OCDE. Or, «l'une des caractéristiques des entreprises qui ont une croissance soutenue est leur capacité à innover».
Le Québec fait face à un écueil : le vieillissement de sa population entraîne une diminution du bassin de travailleurs, ce qui rendra le recrutement plus difficile.
Le Québec peut alléger le problème de disponibilité en prolongeant la vie active des travailleurs. «Il serait envisageable que le gouvernement repousse l'âge de la retraite, ce qui répondrait au problème du financement des régimes de retraite tout en favorisant la prolongation de la vie active des travailleurs», suggère-t-on.
Une autre avenue : mieux intégrer les immigrants. L'étude propose d'améliorer le processus de reconnaissance des compétences étrangères. Selon le CIRANO, les nouveaux arrivants semblent avoir plus de difficultés que ceux des autres provinces à faire reconnaître la formation acquise dans leur pays d'origine. À preuve : le taux de chômage des immigrants détenteurs d'un diplôme d'études postsecondaires acquis à l'étranger s'élève à 13 % au Québec, à 9,7 % en Ontario et à 7,6 % en Colombie-Britannique.
L'étude propose aussi d'offrir davantage de stages en milieu de travail ou de postes temporaires pour que les immigrants qualifiés puissent faire leurs preuves, ce qui leur procurerait de l'expérience de travail tout en rassurant d'éventuels employeurs.
Source : Desjardins, Études économiques