Si le Québec entend un jour tirer profit des réserves d’eau douce qui coulent en abondance dans ses lacs et rivières, l’heure serait plus que venue qu’il étudie la question, provoque le débat, et accouche d’une vision commune capable de guider ses actions futures.
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C’est là l’un des besoins les plus criants qu’ont exprimé, cet après-midi, nombre de spécialistes aux intérêts divers, réunis au Centre des sciences de Montréal à l’occasion du premier Forum québécois sur l’eau, une initiative du journal Les Affaires.
Pour Kazimir Olechnowicz, président de la société de génie-conseil Cima+, impliquée dans de nombreux projets hydriques en Afrique, le Québec devrait rapidement s’intéresser au sujet avant que les événements le force à le faire dans la précipitation. À commencer, dit-il, en mesurant la quantité réelle d’eau dont disposerait la province si cette dernière choisissait de l’exploiter davantage.
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Car le Québec exploite déjà son eau pour des fins économiques, a tenu à rappeler Philippe Bourque, directeur du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec. Qu’on pense par exemple à l’utilisation des cours d’eau pour la fabrication de l’électricité. Ou encore, comme support au transport des marchandises, dans la voie maritime du Saint-Laurent.
Le Québec est-il aussi riche qu’il le croit?
Mais il y a un hic : nul ne sait ce que sont les réserves réelles d’eau douce de la province, qu’elle soit de surface ou souterraine, a confirmé Richard Connor, chef scientifique d’Unisféra, et coauteur du rapport triennal des Nations unies sur l’eau, présenté à Istanbul en 2009.
«On dit souvent que le Québec dispose de 2 à 3% des réserves d’eau potable de la planète. D’autres parlent de beaucoup plus. Mais qu’en est-il exactement ? Nul ne le sait», répond-il, déplorant que moins de 2M$ pas année sont consacrés actuellement au Canada à la collecte de données et à la recherche appliquée sur les eaux souterraines.
En priorité, ce dernier conseille de mieux connaître la disponibilité de la ressource, mieux connaître la demande et les impacts de son utilisation sur cette ressource, et la création d’institutions ayant les moyens et le pouvoir d’agir sur son développement présent et futur.
Abondant dans le même sens, M. Olechnowicz soutient qu’une fois la question du potentiel de développement réel connu, le Québec sera en mesure de se demander «ce qu’il veut en faire et ce qu’il devrait faire pour y parvenir».
Abondant dans le même sens, Jean Simon, président Métal Primaire, de Rio Tinto Alcan, affirme que le Québec se doit de se donner les outils pour agir avec cohérence en la matière. «Si on veut développer davantage cette ressource, il faudrait à tout le moins le faire avec une vision», a-t-il ajouté.
La maîtrise de l’eau; pas si certaine...
Le président de Cima+ a prédit qu’à défaut de s’intéresser au sujet de lui-même maintenant, un jour ou l’autre, pas si lointain, la province se verra confrontée aux demandes de pays moins nantis en la matière. «Si nous disposons par exemple de 10% de l’eau douce de la planète, on ne pourra pas infiniment éviter de la partager», prévient-il.
«Quelle réaction devra alors avoir le Québec?, demande-t-il. Il faut en parler.» Car, surprise, une telle demande pourrait très bien venir plus rapidement du centre des États-Unis que de pays en voie de développement, confrontés à la famine.
Tenante d’une eau naturelle libre de toute exploitation, la sociologue de l’environnement, Louise Vandelac de l’UQAM, en a jouter, mettant en garde les participants du Forum devant le manque protection que les accords commerciaux actuels -celui de l’ALENA au premier chef- confèrent au Québec en matière de «maîtrise d’eau».
«Nous n’en parlons pas. Mais notre capacité de gestion de notre eau est sérieusement compromise», a-t-elle prévenu. Tant et si bien que loin de devenir le client que d’aucuns imaginent, les États-Unis pourraient très bien, et de plein droit, venir s’abreuver un jour à même des cours d’eau qu’on croirait être nôtres.