L'idée est venue de Oona Stock, une des associés de la firme montréalaise de consultation Secor. Alors qu'elle aidait des entreprises à établir leur planification stratégique, Mme Stock s'est rendu compte qu'un grand nombre de leurs dirigeants se posaient les mêmes questions, non sans montrer une certaine anxiété : quel est l'avenir économique du Québec ? Quelle place occupera-t-il sur l'échiquier mondial ? Comment peut-il se sortir de sa sous-performance chronique au plan économique ? Et comment va-t-il s'assurer que sa main-d'oeuvre soit suffisamment compétente pour innover ?
Cette prise de conscience a donné naissance au Focus stratégique, aussi appelé " Pour un Québec 3.0 ", la contribution du milieu des affaires à la réflexion sur l'avenir du Québec.
Dans le cadre de cette initiative, Secor a réuni 27 dirigeants d'entreprises et d'associations - dont les présidents de la Caisse de dépôt, de Telus, de Desjardins et de la Fédération des chambres de commerce du Québec - ainsi que 22 dirigeants âgés de moins de 40 ans, qui représentent la " relève de Québec inc ", selon la firme.
Le 9 novembre, ce groupe accueillera près de 250 personnes à Québec. Des gens d'affaires, des acteurs politiques, des leaders syndicaux et des hauts fonctionnaires, invités à poursuivre la réflexion du Focus stratégique.
Cette réflexion prend la forme d'un exercice de planification stratégique. " Nous procédons comme si le Québec était une entreprise, explique Oona Stock en entrevue. Nous avons déjà livré un diagnostic, dont nous avons tiré des enjeux et des priorités. Les prochaines étapes sont un plan d'action et des objectifs précis, avec des indicateurs et un tableau de bord. "
Le Québec piétine
Les constats, enjeux et priorités ont été discutés en avril dernier à Montréal, lors d'une réunion qui attiré près de 300 personnes. À ce moment, toutefois, le milieu syndical brillait par son absence. " Les syndicats étaient en pleine négociation du secteur public avec le gouvernement " explique Mme Stock. À Québec, la FTQ et la CSN, entre autres, seront représentés, dit-elle.
Le constat fait par le groupe est sans détour : le Québec tourne en rond. Par rapport à d'autres juridictions, il sous-performe sur le plan économique. Son endettement, le plus élevé en Amérique du Nord, et son taux de décrochage scolaire, inquiètent. Il n'arrive pas à bien intégrer ses immigrants. Ses entreprises innovent peu. Sa population n'est ni assez scolarisée ni assez entrepreneuriale. Au chapitre des ressources naturelles, il est riche, mais il gaspille. Dans l'ensemble, un changement de culture s'impose.
Le Focus stratégique a énoncé trois priorités : l'acquisition de compétences, les ressources naturelles et la modernisation de l'État, qui fournit mal les services publics, selon lui.
C'est sur ces priorités que la rencontre de Québec portera, explique-t-on.
Une réflexion apolitique
On peut se demander ce qui distingue cette initiative d'autres actions déjà réalisées ou en voie de l'être, comme le manifeste Pour un Québec lucide, le mouvement politique de François Legault, le Réseau Liberté-Québec, Génération d'idées, ou le Forum économique de janvier dernier organisé par le gouvernement Charest.
" Notre groupe est privé et apolitique, répond Mme Stock. Comme point de départ, nous avons dressé un portrait sans complaisance de la situation au Québec. Nous ne voulons pas faire de politique. " Sauf que le premier ministre Charest prononcera un discours à Québec, comme il l'a fait à Montréal. " C'est parce qu'il dirige le gouvernement, pas parce qu'il est libéral ", justifie Mme Stock. Et, contrairement aux Lucides, qui " se sont comportés comme des seigneurs savants " et " qui tapaient sur les syndicats ", nous voulons être " mobilisants " pour tout le monde, ajoute-t-elle.
À quoi s'attendre ?
Ce genre d'événement changera-t-il quelque chose, alors que tant d'autres n'ont rien donné ? Oona Stock ne peut que l'espérer. Et rappeler que des suivis sont déjà prévus : en février 2011, le Focus stratégique promet de livrer, sous l'éclairage de l'exercice de Québec, un plan d'action concret avec " des objectifs mesurables, atteignables et à court terme ", promet-elle. De plus, les dirigeants d'entreprise qui sont membres du comité consultatif du Focus vont s'engager personnellement dans la réalisation d'objectifs concrets pour lesquels ils deviendront des porteurs de ballon, poursuit-elle.
" Et quand un dirigeant d'entreprise privée veut réaliser quelque chose, habituellement, il le fait ", dit-elle.