L’industrie de la construction peut se le tenir pour dit. La discrimination et le harcèlement sexuel n’ont pas leur place sur les chantiers d’Hydro-Québec.
C’est en tous cas ce qu’a soutenu Thierry Vandal, président-directeur général de la société d’État, en marge de la présentation des résultats financiers d’Hydro-Québec pour l’année 2012.
«C’est tolérance zéro. Pour tout ce qui s’appelle harcèlement au sens large, c’est tolérance zéro», a répondu avec insistance le pdg de la société d’État, lorsque questionné à ce sujet par les journalistes, jeudi dernier.
Deux jours plus tôt, le 26 mars, le Conseil du statut de la femme avait déposé un avis qui fait état des conditions difficiles des femmes dans les métiers de la construction. Le mémoire, en appui aux recommandations du Conseil, fait état de témoignages troublants cueillis entre autres auprès de travailleurs de la construction rencontrés sur le chantier hydro-électrique de la Romaine, sur la Côte-Nord.
Des travailleuses isolées
«On souhaite que nos chantiers, comme le reste de nos installations, soient des milieux sains, et respectueux pour tous nos travailleurs et travailleuses», a poursuivi le pdg.
Ce dernier a aussi ajouté prévoir s’enquérir de ce que pourrait faire Hydro-Québec pour faciliter la vie des travailleuses, en particulier sur ses chantiers les plus isolés, souvent situés dans les régions nordiques du Québec.
«Les filles vont rarement au bar du chantier le samedi parce qu’elles se font trop achaler, peut-on lire entre autres témoignages dans l’avis du Conseil du statut de la femme. Elles se sentent comme un morceau de viande au milieu d’un troupeau. Les gars, ils disent ce qu’ils pensent. Et ce n’est pas toujours beau à entendre».
En entrevue avec LesAffaires.com, la présidente du Conseil du statut de la femme, Julie Miville-Dechêne, a tenu à préciser que malgré l’enquête menée sur le chantier de la Romaine, entre autres, la situation des travailleuses de la construction sur les chantiers d’Hydro-Québec ne pouvait être considérée comme pire qu’ailleurs.
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Malgré leur intérêt pour le domaine de la construction, les femmes ne représenteraient que 1,3 % des travailleurs de la construction (2 067 sur 159 166 travailleurs en 2011), en raison selon le Conseil, «du harcèlement, de l'intimidation et de la discrimination que nombre d'entre elles subissent sur les chantiers».
Malgré leurs compétences, 62% des travailleuses quitteraient les chantiers après cinq ans, la plupart pour ne plus jamais y remettre les pieds. La discrimination serait responsable d’au moins la moitié de ces changements de carrière.
Des sanctions pour les entrepreneurs fautifs
La présidente du Conseil soutient par contre, qu’à titre de société d’État, Hydro-Québec pourrait jouer un rôle de leader dans l’industrie québécoise de la construction en imposant à ses sous-traitants des mesures qui pourraient aider rapidement au maintien en emploi des travailleuses sur ses chantiers.
En plus d’intervenir pour mettre fin au harcèlement, à l’intimidation et à la discrimination sur les chantiers, le Conseil recommande de retirer les permis des entrepreneurs en construction condamnés pour harcèlement sexuel ou discrimination à l’endroit des travailleuses.
Le Conseil recommande aussi d’augmenter l’embauche des femmes dans les métiers de la construction, notamment en imposant aux entrepreneurs qui souhaitent obtenir des contrats publics un seuil minimum de 3% de femmes sur les chantiers, d’ici trois ans.
Sur ce, le président d’Hydro-Québec s’est montré plus évasif, soutenant que la présence des femmes sur les chantiers était aussi fonction des disponibilités de chacune, de leurs compétences reconnues et des bassins de mains-d’œuvre, un système que contrôle la Commission de la construction du Québec (CCQ).
«Ce serait trop facile de balayer ainsi la question, répond Mme Miville-Dechêne. Si on leur fait une place et on les cherche, on les trouvera les femmes pour occuper ces métiers.»
La présidente du Conseil suggère que le gouvernement du Québec adopte une loi à ce propos, comme il l’a fait plus tôt pour accroître la présence des femmes sur les conseils d’administration des organismes publics.