Kurt Lynn et Mohamed Hage sont devenus agriculteurs sur le tard. Ils feront bientôt pousser des légumes et des petits fruits. Mais pour y arriver, ils ont dû négocier un changement de zonage avec... la Ville de Montréal. Car leur entreprise, Les Fermes Lufa, plantera laitues, tomates et petites fraises en plein coeur de la métropole, sur le toit d'un bâtiment commercial !
Une première serre de 31 000 pieds carrés est déjà en construction dans l'arrondissement Ahuntsic-Cartierville, sur le toit d'un immeuble du Fonds de placement immobilier BTB, près du Marché central. " Il s'agit de la taille minimale pour que la serre soit commercialement viable, dit Kurt Lynn. La prochaine fera au moins 150 000 pieds carrés. "
Car des serres, les deux partenaires veulent en construire plusieurs à Montréal, puis à Toronto et en Nouvelle-Angleterre. " Il y a des milliers d'acres sur les toits des bâtiments commerciaux, au coeur des villes, dit Kurt Lynn. Ce n'est pas difficile de trouver beaucoup d'espace. "
Pour les partenaires des Fermes Lufa, c'est la meilleure façon de produire de la nourriture plus près des consommateurs, à longueur d'année. Ils combattent ainsi le pire ennemi de la fraîcheur et de la qualité : la distance. " Elle pousse les agriculteurs à choisir des variétés robustes, qui résistent bien aux manipulations, mais pas nécessairement celles qui goûtent bon ou sont plus nutritives ", déplore Kurt Lynn.
La première ferme Lufa doit livrer ses premiers fruits et légumes dès le mois de mars. Sur le modèle des paniers bio, l'entreprise approvisionnera des points de distribution à proximité. La serre d'Ahuntsic devrait alimenter de 1 000 à 2 500 familles.
" Nous n'avons pas encore décidé du prix de la livraison hebdomadaire, indique M. Lynn. Ce sera entre 18 et 35 $, en fonction des fruits et des légumes. "
Agriculture pour les geeks
Rien ne destinait les deux partenaires à devenir agriculteurs. Kurt Lynn et Mohamed Hage oeuvraient tous deux dans des secteurs plutôt technologiques : la distribution de prothèses auditives et les services Internet. Mais une serre de ce genre, " c'est de l'agriculture pour les geeks, dit M. Lynn. Ce sont des installations sophistiquées munies de plusieurs ordinateurs. Nous pourrons contrôler la lumière, l'irrigation, les nutriments... même le taux de CO2. "
En tout, Kurt Lynn et Mohamed Hage ont investi " environ 2,5 millions de dollars " de leur poche. Mais la prochaine serre coûtera beaucoup plus cher : au moins 15 millions.
Les Fermes Lufa tenteront alors de trouver un promoteur intéressé à intégrer leur serre à un nouvel immeuble dès sa conception, pour réduire les coûts. La construction de la serre impose une isolation supérieure du toit, et la chaleur ayant servi dans la serre pourra être récupérée dans le bâtiment. " Nous estimons les économies d'énergie potentielles de 20 à 25 % ", dit Kurt Lynn.
Avis aux constructeurs de Rona, de Canadian Tire et d'entrepôts du Québec : Les Fermes Lufa veulent planter leurs légumes au-dessus de votre tête.