Montréal, on le sait, tire de la patte depuis des années. Une nouvelle enquête vient le confirmer, en faisant la démonstration que loin d’être sans issue, la clé de son avenir pourrait très bien se trouver dans l’expérience vécue par d’autres villes comparables ayant traversé des périodes de déclins similaires.
Préparée par le Boston Consulting Group, à l’invitation de BMO Groupe financier, l’étude de quelque 200 pages rappelle que le développement économique du Grand Montréal a été moins dynamique que celui des cinq autres grandes villes canadiennes au cours des 15 dernières années.
En outre, la croissance du PIB y a été plus faible (37 % à Montréal contre 59 % pour la moyenne des grandes villes canadiennes), le chômage y a été plus élevé (8,5 % dans le Grand Montréal contre 6,3 % ailleurs au Canada), et le revenu disponible des citoyens y a progressé plus faiblement qu’ailleurs au pays (une hausse de 51 % à Montréal contre 87 % ailleurs).
«Un léger recul sur une année n’est pas très grave. Mais lorsque le recul se répète année après année pendant quinze ans, ça donne des écarts de ce type qui ont de quoi rendre triste l’ensemble des Québécois», a commenté en entrevue avec Les Affaires, L. Jacques Ménard, président de BMO Groupe Financier, Québec.
Dans le cadre de l’étude, 78 métropoles ont été recensées afin d’identifier des villes comparables à Montréal qui ont su effectuer un retournement de situation après une période difficile. Du nombre, sept métropoles ont ainsi été retenues. Il s’agit de Manchester en Angleterre, Melbourne en Australie, ainsi que Boston, San Diego, Seattle, Philadelphie et Pittsburgh en Pennsylvanie qui ont rejoint le peloton des villes les plus dynamiques des États-Unis.
Le groupe de recherche estime que le Grand Montréal devrait s’inspirer de l’expérience vécue par chacune de ces grandes villes afin de façonner sa nécessaire relance, un geste souligne-t-il qui servirait toute la province.
Jacques Ménard estime que l’Assemblée nationale commence à comprendre que le déclin de Montréal coûte cher à tout le Québec. «La décélération de Montréal réjouit moins qu’auparavant, dit-il. On comprend mieux que ça n’aide pas les régions. Cette idée a malheureusement trop longtemps été entretenue par des politiciens qui ne savaient pas compter.»
De fait, alors que le Grand Montréal ne compte pour 49% de la population du Québec, il représente encore 53% du PIB de la province. Et dans certains secteurs spécifiques, le PIB de Montréal dépasse amplement la part de sa population. C’est le cas entre autres des services financiers (59%), ou encore de la Recherche et développement, où Montréal contribue pour 83% du PIB de la province dans ce secteur.
Heureusement, Jacques Ménard estime que le point de bascule a été atteint et qu’on comprend maintenant mieux que le Québec ne parviendra jamais à atteindre l’équilibre budgétaire sans s’attaquer au problème de productivité de Montréal. «On n’en n’est plus à faire des coupures à droite ou à gauche. On comprend qu’il faut prendre les moyens pour permettre à Montréal d’accroître sa productivité et ses exportations. De jouer pleinement son rôle de métropole.»
Les faiblesses de la métropole sont nombreuses, documentées et connues. Vétusté des infrastructures urbaines, difficulté d’attraction et de rétention des talents, départ massif des sièges sociaux (-22% en 20 ans), réputation chancelante (intégrité), faible représentation politique, sous-financement ne sont que quelques unes de ses faiblesses.
À l’opposé, sa qualité de vie, sa diversité culturelle et linguistique, son grand nombre d’universités, sa localisation géographique et ses secteurs d’excellence reconnus comme l’aéronautique, la recherche médicale, la conception de jeux vidéo, sont des forces sur lesquels ils lui faut tabler.
Sans ignorer ses problèmes importants, Jacques Ménard suggère de consacrer 75% des efforts de relance de Montréal à ses forces, et 25% à tenter d’améliorer ses faiblesses. «On ne peut pas être excellent dans tout. Il faut choisir et faire tout notre possible pour nons démarquer».
Les auteurs de l'étude n'identifient pas de solution unique ou toute faite. «Vous ne trouverez pas de silver bullet, illustre M. Ménard. Mais sans doute quelques pistes de solutions susceptibles de ramener Montréal sur la voie de la prospérité».
Les auteurs présentent dix propositions qui, espèrent-ils, susciteront suffisamment d'intérêt pour faire naître une mobilisation des Montréalais et de l'ensemble de la province autour de la relance de leur métropole. De l'ensemble des propositions, la cohésion politique constitue sans doute l'un des plus grands défis de Montréal pour l'avenir.
«Mais la cavalerie ne viendra pas nous sauver. Il va falloir que les villes et leurs citoyens se tiennent pour parvenir à relever la tête», prévient M. Ménard.
Les auteurs estiment que cinq ans pourraient suffire pour stopper la décélération de Montréal. Et cinq autres années pour rattraper le peloton de tête des villes d’Amérique du Nord reconnues pour son dynamisme économique, sa prospérité et sa qualité de vie.
Leurs propositions pour y parvenir s'énoncent comme suit:
1 : Fixer une ambition économique, d’abord rejoindre le peloton et se hisser parmi les meilleures.
2 : Mobiliser la communauté d’affaires, de l’enseignement supérieur et sociale en partenariat avec la Mairie de Montréal et la CMM.
3 : Réparer la ville.
4 : Se projeter dans l’avenir.
5: Retenir, attirer et accueillir des talents de partout.
6 : Favoriser l’émergence de nouveaux leaders internationaux.
7 : Donner à Montréal les pouvoirs d’une métropole.
8 : Doter la métropole de moyens fiscaux nécessaires.
9 : Promouvoir une identité unique.
10 : Mesurer les progrès avec rigueur.