Les deux hommes soupçonnés d'avoir fomenté un complot pour commettre un attentat terroriste commandité par al-Qaïda à bord d'un train de passagers ont pris connaissance, mardi, des accusations qui pèsent contre eux.
Raed Jaser, âgé de 35 ans, et Chiheb Esseghaier, âgé de 30 ans, ont fait une brève apparition en Cour, respectivement à Toronto et à Montréal. Ils font face notamment à des accusations de complot pour meurtre au profit d'une organisation terroriste, de participation aux activités d'une organisation terroriste et de complot pour nuire aux activités de transport au profit d'une organisation terroriste.
Ces accusations sont passibles d'emprisonnement à perpétuité.
Au palais de justice de Montréal, Chiheb Esseghaier, qui a refusé l'aide d'un avocat nommé par la cour, a demandé et obtenu le droit de s'adresser au tribunal, ce qu'il a fait d'une voix très calme.
« Ces conclusions ont été faites à partir de faits et de paroles qui ne sont que des apparences, a-t-il déclaré. On ne peut pas faire ces conclusions tant que l'on n'est pas dans une étape tardive. »
Mais le juge Pierre Labelle a coupé court à cette diatribe.
« Nous sommes à l'étape de la comparution, a dit le magistrat. On ne passe pas de conclusions quant aux chefs d'accusation qui sont portés. Ce sera débattu devant le juge du procès. Vous pourrez faire les arguments que vous voulez à ce niveau-là. Moi je ne fais que vous faire comparaître devant la justice, un point c'est tout. »
Chiheb Esseghaier doit revenir en Cour mercredi, cette fois à Toronto, où doit avoir lieu son procès.
À Toronto, l'avocat de Raed Jaser, Me John Norris, a déclaré que son client était en état de choc.
« Il nie les allégations et se défendra vigoureusement contre elles, a déclaré Me Norris. M. Jaser est présumé innocent de ces accusations, comme toute autre personne qui ferait face à de telles accusations. »
L'avocat a affirmé que Jaser était au Canada depuis 20 ans et qu'il était très bien intégré dans sa communauté.
Plusieurs membres de sa famille assistaient à la comparution. Son père, Mohammed Jaser, n'était guère loquace à la sortie du tribunal.
« Bien sûr que je soutiens mon fils, bien sûr », s'est-il exclamé lorsque entouré par une meute de journalistes. « Laissez les policiers faire leur travail. »
Me Norris s'est par ailleurs interrogé sur le moment choisi par les policiers, soulignant que ceux-ci avaient clairement indiqué qu'il n'y avait aucun risque pour la sécurité du public. Il a qualifié de surprenant le fait que l'arrestation survienne dans la foulée des événements de Boston et en parfaite synchronisation avec un débat à la Chambre des communes, lundi, sur l'octroi de pouvoirs additionnels aux policiers dans les cas de terrorisme.
La Gendarmerie royale du Canada a accusé lundi les deux hommes d'avoir comploté pour faire dérailler un train de passagers dans la grande région de Toronto.
L'attentat que les deux hommes sont accusés d'avoir fomenté aurait été commandité par des éléments du groupe terroriste al-Qaïda en Iran, selon la GRC, qui a fait état des arrestations lors d'une conférence de presse à Toronto. Aucun détail n'a cependant été donné sur la façon dont les présumés terroristes entendaient mettre leur plan à exécution.
Chiheb Esseghaier a étudié à l'Université de Sherbrooke en 2008-2009. Il est actuellement doctorant à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS), à son campus de Varennes, en Montérégie.
L'INRS a réuni tous ses professeurs et étudiants, mardi matin, afin de faire le point au lendemain de cette arrestation.
« Toute la communauté du Centre énergie, matériaux et télécommunications (INRS, campus de Varennes) rencontre la direction », a expliqué mardi matin la directrice des communications de l'Institut, Julie Martineau.
« Nous allons leur communiquer l'information que l'on a. (...) On va bien sûr les rassurer, répondre à leurs questions, être là pour eux », a-t-elle ajouté.
La direction n'a pas caché sa surprise de voir l'institution tout à coup mêlée à pareille affaire. Chiheb Esseghaier était un étudiant au doctorat en sciences de l'énergie et des matériaux sans histoire sur lequel l'Institut n'avait rien de particulier à raconter.
Il avait été rencontré sur le campus en janvier par son nouveau directeur de thèse, le professeur Tsuneyuki Ozaki, et n'y avait pas été revu ensuite, puisqu'il en était à rédiger sa thèse, attendue pour l'automne 2014.
Mme Martineau n'était pas en mesure de dire si les installations et laboratoires auxquels Chiheb Esseghaier avait eu accès à l'Institut entreposaient des matières dangereuses, mais elle a assuré que, dans tous les cas, l'étudiant aurait eu du mal à se les approprier.
« Au niveau des laboratoires, il y a un protocole, a-t-elle précisé. Les professeurs qui opèrent ces laboratoires le font selon les règles de l'art. Il y a toutes sortes de normes et de règles qui gèrent et qui encadrent ces activités. »
Pendant ce temps, l'Iran a nié toute implication dans ce présumé projet d'attentat terroriste.
Un porte-parole du ministre des Affaires étrangères de l'Iran, Ramin Mehmanparast, a soutenu devant des journalistes, mardi, que les objectifs politiques et idéologiques d'al-Qaïda étaient incompatibles avec ceux de l'Iran. Il a qualifié l'hypothèse canadienne de nouveau chapitre d'une hostilité contre Téhéran.
Parmi les hypothèses étudiées par les autorités canadiennes figure en effet celle que les deux suspects aient été commandités par des membres du réseau terroriste al-Qaïda basés en Iran.
Les policiers fédéraux ont cependant précisé que rien n'indiquait que l'État iranien était mêlé à ce complot.