Devant la Commission Charbonneau, lundi, l'ex-responsable du financement d'Union Montréal, Bernard Trépanier, a nié avoir gardé pour lui une partie de l'argent comptant versé au parti par les firmes de génie conseil.
« Dans cet argent comptant-là, est-ce que c'est possible qu'il y en ait eu une partie que vous ayez gardé pour vous? » lui a demandé le commissaire Renaud Lachance.
« Jamais. Regardez mes revenus. Non. Ce qui est à moi est à moi; si c'est aux autres, c'est aux autres », s'est exclamé M. Trépanier.
Celui qui a recueilli les fonds pour Union Montréal de 2004 à 2008 a reconnu avoir parfois reçu de l'argent comptant, mais a assuré que ces sommes étaient alors « mises dans le chapeau » des dons anonymes, puis passaient du chapeau au coffre-fort du parti, dans son bureau, avant d'être dûment déposées à la banque.
M. Trépanier s'est aussi posé en victime d'un complot de la part de ceux _ nombreux _ qui sont venus dire à la commission qu'ils avaient dû contribuer à la caisse du parti Union Montréal pour obtenir des contrats de la Ville.
« Si on fait un petit décompte, là, est-ce que ça se peut qu'on ait fait un melting pot et qu'on dise 'tiens, on va tout shipper ça à Montréal, Trépanier est capable d'en prendre? Il va prendre ça lui; il va prendre ça le bonhomme. Il a 74 ans et il va craquer'. Je ne craquerai pas! J'ai pris ce que j'ai pris. Et ce que je n'ai pas pris, je ne l'ai pas fait », a lancé M. Trépanier.
La juge France Charbonneau a tenté de résumer sa pensée: « ce que vous dites c'est que les sommes auraient été déboursées (par les firmes), mais là où il y aurait eu un complot, c'est pour tout mettre sur le dos de Montréal? » Le témoin a acquiescé, en laissant entendre qu'il était impossible que tant d'argent ait été versé au parti.
M. Trépanier a nié avoir implanté un système de ristourne de 3 pour cent de la valeur des contrats obtenus à verser à Union Montréal. Mais, à la demande du commissaire Lachance, il a tout de même admis que plus une entreprise obtenait des contrats lucratifs de la Ville, plus les demandes de financement qu'il lui adressait étaient élevées.
Avec les entrepreneurs
Me Gallant s'est aussi attardé à ses contacts avec les entrepreneurs en construction.
« Moi, les contracteurs, je ne les voyais pas », a affirmé d'emblée M. Trépanier, qui a assuré qu'il ne faisait qu'un envoi généralisé de billets pour le cocktail du maire, afin de financer Union Montréal.
Me Gallant lui a pourtant souligné qu'il y avait eu 1300 échanges téléphoniques entre lui et Paolo Catania et autant entre lui et Tony Accurso, de Simard-Beaudry et Construction Louisbourg.
« Tony, c'est un chum », a justifié M. Trépanier. Il est d'ailleurs allé sur le fameux yacht de Tony Accurso et n'a rien payé. Il s'y trouvait en compagnie de Bernard Poulin, de la firme de génie SM. Mais ils n'ont jamais parlé de contrats à Montréal, a-t-il assuré.
Le procureur lui a demandé s'il était vrai que les entrepreneurs en construction devaient verser une ristourne à Union Montréal sur les contrats qu'ils avaient obtenus de la Ville, comme l'ont affirmé certains témoins.
« Non. Je suis sûr de ça », a rétorqué M. Trépanier.
Il a expliqué ses nombreux échanges téléphoniques avec certains entrepreneurs par le fait qu'il faisait un suivi, après leur avoir « envoyé des billets » pour les activités du parti.
Avec les libéraux
Il a aussi été interrogé sur sa présence au Club 357C, à Montréal, en présence de l'ex-ministre libérale Line Beauchamp, en février et mars 2007, en compagnie de Pierre Bibeau, ex-organisateur libéral et alors conjoint de l'ex-ministre.
Il a nié avoir organisé la rencontre à la demande de Pierre Bibeau. L'ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino, y assistait, de même que plusieurs représentants de firmes de construction et de génie conseil de Montréal faisant partie de son réseau.
C'est Pierre Bibeau qui lui avait demandé d'y emmener Frank Zampino, a-t-il témoigné. Mais Me Gallant s'est étonné du fait que la ministre Beauchamp, alors responsable de la Métropole, ait besoin de passer par Bernard Trépanier pour rencontrer le président du comité exécutif de Montréal.
Selon M. Trépanier, cette rencontre visait seulement à prendre le pouls des professionnels du génie.
Il a admis avoir participé à des activités de financement du PLQ, avoir fait des dons au PLQ, mais a nié avoir fait du financement pour le PLQ.
Démarchage ailleurs au Québec
Par ailleurs, M. Trépanier, qui exploitait également une firme de démarchage, Bermax, a raconté qu'il avait fait du démarchage pour Astral auprès d'autres villes, comme Sherbrooke, Laval, Longueuil, Blainville et Waterloo.
M. Trépanier a confirmé avoir reçu 569 885 $ de rémunération de la part de l'entreprise de communication Astral, de 2002 à 2011, à son nom personnel ou au nom de son entreprise Bermax.
M. Trépanier faisait du démarchage auprès d'élus municipaux qu'il connaissait, au nom de ses clients commerciaux, dont Astral qui voulait installer des panneaux publicitaires dans ces municipalités. Il présentait les représentants de ses clients aux gens des municipalités, par exemple. Il invitait aussi des gens au golf, puis refilait la facture à Astral, a-t-il expliqué.
« Vous étiez payé pour votre réseau d'influence? » lui a demandé le procureur chef adjoint de la commission, Me Denis Gallant.
« C'est ça », a répliqué M. Trépanier.
Astral lui a par exemple versé une commission de 10 000 $ pour des panneaux publicitaires à Sherbrooke en 2002 et une commission de 1300 $ pour Waterloo, en Estrie.
Dans le relevé qui a été déposé devant la commission, on mentionne aussi « golf Floride et Blainville » pour 1984 $. M. Trépanier a assuré qu'il n'a jamais invité au golf en Floride des élus municipaux de Blainville, mais qu'il a pu inviter au golf en Floride des élus municipaux qui se trouvaient déjà en Floride.
M. Trépanier touchait des redevances sur le nombre de panneaux installés, en plus d'être rémunéré pour avoir en quelque sorte ouvert la porte de la Ville par ses contacts avec les élus municipaux.