Convaincue qu’un nouveau refus du CRTC serait dommageable pour la province, Bell entend redoubler d’efforts pour convaincre le milieu culturel québécois des bienfaits de son projet d’acquisition d’Astral Media.
Au cours des prochains mois, Bell cherchera par tous les moyens à multiplier les rencontres, échanges, et discussions avec les artisans de l’industrie culturelle québécoise, a appris LesAffaires.com.
«Nous voulons parler avec les gens, les rassurer, leur dire ce qu’on veut faire au Québec», a confié mercredi la vice-présidente exécutive de Bell pour le Québec, Martine Turcotte. «Il y a beaucoup de craintes dans le milieu culturel québécois. Je parlerais même de méconnaissance. Je voudrais que ça change.»
Le 19 novembre dernier, Bell et Astral ont présenté un nouveau projet de fusion au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Un mois plus tôt, ce dernier avait refusé d’autoriser la transaction de 3,4G$, prétextant qu’elle ne servirait pas l'intérêt des Canadiens ni celui du système canadien de radiodiffusion.
Des craintes injustifiées
En entrevue avec LesAffaires.com, la vice-présidente de Bell Canada au Québec a fait valoir que les craintes du milieu culturel québécois n’étaient pas justifiées. «Nous avons un très grand respect pour le Québec et comprenons à quel point son identité est différente. Les gens qui nous connaissent le savent.
Ce serait le cas par exemple de clients de Bell comme le Cirque du Soleil, Evenko et Spectra, énumère-t-elle au passage. «Demandez à Alain Simard (président de Spectra) ce qu’il en pense. Il n’a aucun problème à travailler avec Bell. Ni maintenant, ni après (ne fusion avec Astral).»
La nouvelle dirigeante de Bell au Québec reconnaît que l’entreprise a peut-être mal ou trop peu communiqué avec l’industrie québécoise au cours des dernières années. «Je pense qu’elle a été là notre erreur. On a arrêté de dire qui nous sommes. On pensait à tort que les gens le savaient.»
Devant les membres de l’Association des MBA du Québec, réunis à l’hôtel Fairmount Reine-Elizabeth mercredi, Mme Turcotte a tenu à rappeler l’évolution de l’entreprise depuis sa création en 1880 à Montréal.
Sur 48 000 employés au Canada, Bell en compterait toujours 17 000 employés au Québec, dont 45 dirigeants, en plus de 13 000 retraités. Tant et si bien que l’entreprise serait le deuxième employeur privé de la province (en excluant les détaillants), derrière Desjardins, et qu’elle compterait «autant d’employés que Québecor et Telus réunis».
Rétablir l'équilibre des forces
Parlant de Québecor, sans doute son concurrent le plus opposé au mariage de Bell et Astral, Mme Turcotte a convenu que Québecor «est très très fort au Québec». «Mais ce n’est pas parce que nous arrivons avec des moyens que Québecor va devenir moins fort. Au contraire.»
Mme Turcotte estime qu’il se passera au Québec ce qui s’est passé ailleurs au Canada lorsque Bell a acheté l’ensemble des actifs de CTV en 2011. Au lieu d’affaiblir les acteurs, chacun est devenu meilleur. «Shaw et Global ont relevé la barre et CTV a continué de s’améliorer.»
«La même chose risque de se produire au Québec. On ne fait sûrement pas un investissement de 3,4G$ pour arrêter là. C’est pas comme cela que ça marche. (...) On va arriver avec des investissements», a promis Mme Turcotte.
À tel point, qu’à ses yeux, un second refus du CRTC au projet de fusion de Bell et Astral serait dramatique pour la province. «Ce serait un drame épouvantable pour le Québec et ce serait très dommage, et pour nos employés et pour ceux d’Astral.»
Pour la dirigeante de Bell, les entreprises en bénéficieraient, leurs employés, leurs clients et l’industrie de la radiodiffusion dans son ensemble également. «Sans compter les créateurs, ajoute-t-elle, qui disposeraient enfin d’une deuxième avenue pour leurs projets.»
«Vous savez, beaucoup d’entre eux n’ont pas osé parler au moment du dépôt de notre première offre. Beaucoup de gens (favorables à la transaction) ont peur de le faire. Et on comprend pourquoi. Nous pensons donc que la venue d’un deuxième joueur de notre taille pour faire face à Québecor pourrait aider à rétablir un équilibre dans l’industrie qui manque actuellement au Québec.»
La transaction
Astral possède 25 chaînes de télévision, parmi lesquelles The Movie Network, HBO Canada, Super Écran, Family Channel et Disney Junior, en plus de 80 stations de radio.
De son côté, BCE contrôle le réseau de télévision CTV, les anciennes stations de radio du réseau CHUM ainsi que de nombreuses chaînes de télévision spécialisées, dont RDS, en plus des sites Web comme Sympatico au Québec.
La nouvelle offre d'acquisition présentée au CRTC ne change rien pour les actionnaires. Le montant de la transaction demeure de 3,38 G$. Les détenteurs sans droit de vote de catégorie A recevront 50 $ par titre et les actionnaires subalternes de catégorie B recevront 54,83 $.
Pour inciter les actionnaires à patienter, Astral a déclaré un dividende de 0,50 $ sur les actions de catégorie sans droit de vote et les actions subalternes de catégorie B, payable le 1er février aux actionnaires inscrits le 15 janvier.
Le titre d'Astral Media a gagné 4,5 % depuis que Bell a confirmé son intention de déposer une nouvelle offre devant le CRTC.
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