Aveos a annoncé mardi, en fin d'après-midi, qu'elle amorçait la liquidation de ses actifs en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. L'entreprise met ainsi fin à toutes ses activités et sabre 2600 emplois au Canada.
Dans un communiqué de presse, Aveos a indiqué que l'offre de dernière minute soumise lundi soir par le principal client d'Aveos, Air Canada, a fait en sorte d'exclure toute possibilité de restructuration.
Aveos a soutenu que la proposition d'un "fonds d'urgence" de 15 millions $ faite par Air Canada tard lundi, à la suite "des mois de négociations prolongées", ne répondait pas de manière appropriée aux "défis" d'Aveos.
Aveos a fermé trois usines majeures à Montréal, Winnipeg et Vancouver, de même que d'autres installations à Edmonton, Calgary, Trenton et Mississauga, en Ontario.
Cette décision met un terme à 1300 emplois jusqu'ici préservés et qui viennent s'ajouter aux 1175 mises à pied annoncées dimanche pour les activités de réparations et d'entretien d'aéronef. La décision a l'effet d'un nouveau coup de massue pour les employés toujours sous le choc des fermetures, jusqu'ici temporaires, confirmées lundi.
Air Canada a dit mardi soir être déçu qu'Aveos ait rejeté sa proposition de financement d'urgence. Le transporteur a fait valoir dans un communiqué que le financement d'urgence aurait "aidé à stabiliser Aveos", lui permettant de "rouvrir certaines de ses installations et de rappeler une partie de ses employés". Ainsi, Air Canada aurait pu octroyer à Aveos des travaux de maintenance supplémentaires, a ajouté le transporteur.
"Air Canada est d'avis qu'Aveos n'a pas agi dans l'intérêt de ses employés, de ses clients et des autres parties intéressées en mettant abruptement fin à ses activités, alors qu'il existait des solutions de rechange valables", a soutenu Air Canada.
"La direction d'Aveos a échoué à maintes reprises dans ses efforts visant à attirer de nouveaux clients et ainsi diversifier et accroître ses sources de rentrées. De son propre aveu dans les documents déposés devant les tribunaux, Aveos n'arrive pas à rivaliser sur le plan des prix et a subi des pertes d'exploitation pendant plusieurs années", a énoncé le transporteur.
Air Canada a soutenu qu'Aveos lui doit des montants nets dépassant les 35 millions $.
Quelques heures avant l'annonce de la mauvaise nouvelle mardi, Québec s'était engagé à prendre toutes les mesures nécessaires pour aider les travailleurs mis à pied d'Aveos et à s'assurer que l'entreprise restera ouverte.
Le ministre du Développement économique, Sam Hamad, en a pris l'engagement ferme à l'Assemblée nationale, indiquant qu'il était prêt à mettre 5 millions $ sur la table pour sauver l'entreprise.
Pressé de questions par la chef de l'opposition, Pauline Marois, le ministre Hamad a reconnu que la situation des employés était "difficile à vivre", et il a admis songer à des recours judiciaires.
Les employés d'Aveos refusent de fléchir et ont annoncé qu'ils se rendront à Québec ce mercredi pour exprimer leur mécontentement aux parlementaires.
Le ministre Hamad semble prêt à faire face à la musique. Déjà, il confirme avoir discuté avec le ministre fédéral de l'Industrie, Christian Paradis, pour l'informer de la situation et lui demander, à son tour, d'agir pour maintenir l'entreprise ouverte.
Il anticipe ainsi ce que lui reclameront mercredi les travailleurs d'Aveos, qui espèrent voir Québec poursuivre Air Canada pour non-respect de ses ententes avec les travailleurs du Québec.
De concert avec le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, Sam Hamad a dit se pencher sur les options disponibles contre Air Canada.
"Nous sommes en train de regarder les recours contre Air Canada, dans le but d'imposer à Air Canada de sous-traiter avec cette entreprise-là et ramener les travailleurs", a soutenu le ministre Hamad à l'Assemblée.
Aveos blâme Air Canada pour les difficultés financières qui l'ont forcée à se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et à fermer ses ateliers dans plusieurs villes du Canada.
"À ce point-ci, nous avons épuisé toutes les mesures. (...) Il n'y a pas d'autre solution viable pour la Société que de cesser ses opérations. Nous regrettons profondément les pertes d'emploi et l'impact que cette décision a sur nos employés au Canada", a indiqué Eugene I. Davis, président du conseil d'administration d'Aveos Performance aéronautique.
Aveos a soutenu avoir été "forcée" de déposer une procédure en vertu de la Loi, en partie à cause de volumes de travail "incertains", dans toutes ses unités d'affaires, provenant du principal client Air Canada.
Air Canada a, depuis le début de l'année, "réduit, différé et annulé du travail de maintenance, ce qui a résulté en des pertes de revenus d'environ 16 millions $ en moins de deux mois", a affirmé Aveos.
"Alors qu'Aveos demeurait prête, disposée et capable d'exécuter ce travail, celui-ci ne s'est pas concrétisé", a fait valoir la compagnie. "Ce fut un choc dévastateur pour Aveos."
Plus tôt mardi, plusieurs centaines de travailleurs d'Aveos ont été piqués et frustrés par une autre décision d'Air Canada. En guise de protestation, ils ont bloqué le boulevard Côte-Vertu et forcé l'escouade anti-émeute à intervenir.
Les employés souhaitaient aller récupérer leurs coffres d'outils, après avoir obtenu l'autorisation d'Aveos.
Or, selon un porte-parole syndical, la direction d'Air Canada, principal client d'Aveos et dont l'édifice jouxte celui des travailleurs en arrêt de travail, les a empêchés de pénétrer dans l'atelier d'Aveos du boulevard Côte-Vertu, situé à proximité de ses bureaux.
Il n'en fallait pas plus pour soulever la colère et la frustration des employés, qui n'ont pas hésité à prendre la rue d'assaut, empêchant du coup les employés d'Air Canada de se rendre au boulot.
"Ces gens-là ont besoin de se trouver un autre emploi et ils ont besoin de leurs outils. Leurs outils sont à l'intérieur et Air Canada bloque l'entrée sous prétexte qu'ils pourraient tout briser. Ce ne sont pas des sauvages, ce sont des travailleurs", a dénoncé en entrevue téléphonique Marcel St-Jean, président de la section locale 1751 de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA).
Plusieurs policiers ont été mobilisés pour disperser des travailleurs, après l'obtention d'une injonction par Air Canada.
Les policiers du Service de police de Montréal (SPVM) ont tenté de contenir la foule. Après leur avoir demandé de quitter les lieux, plusieurs personnes ont plutôt décidé de s'asseoir sur la chaussée.
L'agent Daniel Lacoursière, du SPVM, a mentionné que les policiers ont du procéder à une arrestation. L'homme, qui refusait d'obéir, a toutefois été remis en liberté.
"On aura beau nous imposer toutes les lois, nous empêcher de sortir, mais une foule mécontente, ça reste une foule mécontente. Ça n'apportera rien de bon", estime M. St-Jean.
Lundi, les employés d'Aveos se sont butés à des portes closes en se rendant au travail. Sur le site Internet d'Aveos, la note aux employés était on ne peut plus laconique: "veuillez ne pas vous présenter au travail jusqu'à nouvel ordre".
Mardi, le site de la compagnie détaillait un horaire "pour la récupération des effets personnels et des boîtes à outils" à l'endroit des employés.
Air Canada a déjà confié certains mandats à des sous-traitants aux États-Unis et en Chine. Le transporteur a aussi déjà émis un appel d'offres pour effectuer l'entretien de ses appareils une fois son contrat exclusif terminé avec Aveos en juin 2013.
"Tout le monde ressent une trahison terrible et ce que les gens se demandent c'est 'mais pour quelle sorte de travailleur ai-je travaillé toutes ces années?"', a rapporté M. St-Jean.
Air Canada a assuré mardi soir qu'il mettra en branle un plan de contingence sur les travaux de maintenance.
Air Canada avait averti lundi devant le tribunal que 3000 passagers pourraient être laissés en plan chaque jour si Aveos ne complète pas les travaux sur certains appareils.
Le transporteur est le plus important client d'Aveos, représentant environ 90 pour cent de ses activités d'entretien.
Aveos a présentement trois gros porteurs d'Air Canada en réparation à ses installations de Montréal et Vancouver.
Un avocat d'Air Canada était venu affirmer lundi en cour que le défaut de compléter ces réparations d'ici deux semaines pourrait se traduire par de nombreuses annulations de vols.