Dans le bureau d'Alexandre Cloutier à l'Assemblée nationale, une affiche de Barack Obama avec le slogan «Yes We Can» saisit le regard dès que la porte s'ouvre. Son idole ? Pas nécessairement. Mais une inspiration, certainement.
«Il est parti de loin, il a fait mentir tous les pronostics, et je ne suis pas loin de faire pareil !» dit le député de Lac-Saint-Jean.
Le matin de l'entrevue, 23 avril, un sondage CROP le donnait presque à égalité avec Pierre Karl Péladeau dans les intentions de vote s'il était élu chef du Parti québécois. Bernard Drainville venait de se désister, PKP reculait et tous les espoirs semblaient permis pour le politicien de 37 ans.
Ce fils de professeurs, qui est allé jusqu'aux études doctorales en droit (non terminées) et qui a reçu une bourse des mains du prince Charles pour étudier à Cambridge en 2004, est le seul candidat à la chefferie du PQ qui fait de l'éducation une priorité économique.
«Si on veut stimuler l'économie, innover et augmenter la productivité, ça prend de la main-d'oeuvre qualifiée, mais on a le plus haut taux de décrochage universitaire en Amérique du Nord ; et ça, on ne le dit pas assez. Ce n'est pas rien ! C'est pour cette raison que j'ai proposé une série de mesures pour investir massivement en éducation avec des bourses à la performance scolaire», explique le père de deux enfants.
Il compte aller chercher 500 M$ en réimposant une taxe spécifique aux institutions financières afin de lutter contre le décrochage scolaire à tous les niveaux et de financer des bourses à la performance.
Le développement régional passe aussi par l'éducation aux yeux de ce natif d'Alma qui veut contrer les effets du vieillissement de la population par un meilleur déploiement territorial de la jeunesse.
«Les gens ne s'en rendent pas compte, mais le principal problème des régions à mon avis est le vieillissement de la population. C'est criant !» s'inquiète-t-il.
«Une population qui vieillit réduit ses activités au plan économique. Cela entraîne des difficultés pour la relève entrepreneuriale aussi. Il n'y a pas 100 000 façons d'aller contre ça. Ça passe par l'occupation du territoire, il faut remplir nos cégeps et nos institutions. Ce n'est pas normal que les cégeps soient à moitié pleins dans les régions ressources et que, pendant ce temps, on construise de nouveaux complexes ailleurs au Québec.»
Investir en R-D
Alexandre Cloutier propose des bourses à la mobilité pour aider les jeunes à se déployer sur le territoire, ce qui coûterait moins cher selon lui que d'ajouter «du béton dans les grands centres». Il fait le pari qu'une partie des jeunes citadins choisiraient ensuite de rester en région pour y bâtir l'économie de demain.
Même réflexion sur l'immigration : les étudiants étrangers qui décideraient de s'établir en région obtiendraient un remboursement d'une partie de leurs frais de scolarité. Et pour soutenir ces initiatives, il propose une politique du transport qui faciliterait les déplacements entre les villes et les régions.
La R-D fait aussi partie des priorités économiques du candidat Cloutier, qui voudrait réinvestir 100 millions de dollars dans les centres de recherche universitaires et collégiaux du Québec.
Pour stimuler l'entrepreneuriat, il mise sur l'accès au microcrédit. Il rebâtirait le réseau de CLD amputé par le gouvernement de Philippe Couillard.
«C'est catastrophique ce qui a été fait. Je pense qu'on ne comprend pas au gouvernement ce qui se passe en région, ni les moyens qu'on s'était donnés pour gouverner», réagit-il, en déplorant aussi la perte des conférences régionales des élus (CRÉ), qui laisse les régions sans outil de concertation.
Le goût de réussir
Pour Alexandre Cloutier, l'intervention de l'État dans l'économie sert essentiellement à donner un cadre pour le développement. Mais on sent aussi en lui la volonté de cultiver la fierté. Cette fierté de l'entrepreneuriat est à son avis ce qui manque le plus à notre économie. «Le goût du succès en affaires et le goût du risque doivent être valorisés, comme le goût de l'éducation. Il faut être fier de nos entrepreneurs et de ceux qui réussissent.»
De la même manière, il veut cultiver la fierté de l'achat local.
«J'ai lancé un défi aux Québécois de dépenser 20 $ par semaine en produits québécois. Ça peut faire une grande différence. Et il faut identifier ces produits», dit celui qui promet d'imposer la TVQ aux entreprises étrangères et aux achats faits en ligne auprès de détaillants hors Québec.
Alexandre Cloutier a mis en avant toute une série de propositions, allant du ministère du numérique à l'électrification des transports, en passant par la réduction de la consommation énergétique et la fin de l'incorporation des médecins. Il n'a pas la prétention d'être plus fin connaisseur en économie, en éducation ni même en droit, mais celui qui s'entretient régulièrement avec Lucien Bouchard et Gilles Duceppe, et de temps à autre avec Bernard Landry et Jacques Parizeau, a confiance en la force de son leadership.
«On comble les forces et les faiblesses de chacun par l'équipe qu'on rassemble, et je sais que je peux chapeauter cette équipe extraordinaire [au PQ] qui saura mettre en oeuvre mes propositions.»