Les investisseurs qui espéraient une restructuration brutale et en profondeur des activités de Le Château afin de se sortir du gouffre seront déçus.
C’est que le «programme de réduction de dépenses», évoqué lors de son assemblée annuelle des actionnaires, mardi, ne comprend ni fermeture massive de magasins, ni réduction de sa surface de vente, ni même de mise à pied, tant dans ses quelque 240 boutiques qu’au sein de son personnel de direction.
Au lieu du coup de barre que certaines entreprises assènent dès les premiers signes d’un revers d’importance, Le Château maintient le cap, poursuit sa stratégie de transformation de positionnement, ses vice-présidents osant même parler de «business as usual».
Au cours de son dernier exercice, terminé le 28 janvier 2012, Le Château a vu ses revenus chuter de 5%, ses ventes comparables tomber de 8% et son bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA) de 54%. Résultat : l’entreprise a affiché une perte de 2,4M$, comparativement à un bénéfice net de 19,6M$ lors de l’exercice 2011.
Sa performance n’a pas été plus reluisante sur le parquet de la Bourse de Toronto. Depuis un an, son titre a chuté de 5,64$, soit près de 80%. Il se négocie à près de 1,54$, ces jours-ci, tandis qu’il valait plus de 16$ en 2007, une descente aux enfers que la haute direction n’a pas manqué de se faire rappeler au cours de son assemblée de mardi.
En entrevue avec LesAffaires.com, le vice-président, Finance de Le Château, Johnny Del Ciancio, a expliqué que l’entreprise travaillait à réduire ses dépenses d'exploitation, tout en tentant de rendre sa structure organisationnelle plus souple.
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Pas de coupes et des ouvertures
La direction demeure vague quant aux moyens qu’elle entend prendre pour y parvenir. Mais il est d’ores et déjà assuré, a expliqué M. Del Ciancio, qu’elle n’entraînera aucune mise à pied au siège social du boulevard Décarie, à Montréal, ou dans les boutiques, parmi son personnel de vente.
Au cours des derniers douze mois, a-t-il expliqué, l’entreprise a déjà sabré 10% de son personnel, notamment par attrition. Cet effort lui permet aujourd’hui d’envisager d’autres stratégies. Entre autres, l’entreprise prévoit d’ici la fin de l’année, la fermeture de six boutiques, dont celle de sa vitrine américaine, sur Broadway, à New York.
Mais comme l’entreprise prévoit encore investir entre 5M$ et 6,5M$ dans l’ouverture de 2 à 3 nouveaux magasins et la rénovation de 7 à 10 autres existants, on s’attend à ce que la superficie totale de vente demeure sensiblement la même, à quelque 1,3M de pi2.
C’est 62 000 pi2 de surface, ou 5,1% de plus qu’en janvier 2011, résultat d’ouvertures de nouvelles boutiques et d’agrandissements d’une douzaine d’autres, au cours des derniers mois, précise le vice-président, Finance.
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Le programme de rénovations de ses boutiques se poursuivra à son rythme habituel, sans plus. Une dizaine de rénovation sont prévues pour 2012, dont certaines aux couleurs de son nouveau concept de magasin, conçu en fonction d’un positionnement qui se veut plus haut de gamme.
À ce jour, seulement deux boutiques -une à Saint-Bruno et une autre à Toronto- ont été converties. «Il faudra compter encore dix ans avant que ce nouveau concept de boutique soit généralisé à l’ensemble de nos succursales», a fait valoir Franco Rocchi, vice-président principal, Ventes et opération de Le Château.
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Sera-ce suffisant?
En fait, c’est du côté du commerce électronique que M. Rocchi paraît mettre le plus d’espoir. Un peu plus de 1 M$ seront investis à ce chapitre en 2012, ce qui devrait lui permettre de contribuer à la reprise des ventes de marchandises espérées.
Par ailleurs, la vente de franchises maîtresses constitue une autre avenue que favorise la direction de Le Château. C’est ainsi que 4 à 5 nouveaux magasins devraient s’ajouter en cours d’années à la dizaine de magasins que compte déjà la chaîne dans la région du Moyen-Orient.
Un premier magasin devrait aussi ouvrir ses portes au Vietnam en 2012 ; l’entreprise ayant réussi à vendre dans ce pays une première franchise maîtresse en Asie. «Nous voyons là un fort potentiel de revenus», a confirmé le vice-président, Finance, Johnny Del Ciancio.
Est-ce que ces changements suffiront pour permettre à l’entreprise de relever le nez et sortir indemne du gouffre dans lequel elle s’est enfoncée ? Seul l’avenir le dira.
Selon les dernières données compilées par l'agence Bloomberg, Jane Silverstone Segal, pdg de la chaîne, détient 23,8% de l'entreprise, fondé par son mari Herschel H. Segal, toujours membre du conseil d'administration. Ce dernier a profité à ce titre, d'une rémunération de 250 000$ au cours du dernier exercice financier. Le deux autres actionnaires en importance sont Franklin Resources Inc, avec 16,8% des actions, et Barry Gruman, avec 14,53% des actions.