Derrière un bénéfice ajusté supérieur aux attentes au troisième trimestre pour le propriétaire d’IGA au Québec, Sobeys (Tor., SBY, 56,51 $), se cache un épicier en perte de vitesse.
Les épiceries de Sobeys ont en effet essuyé un rare recul des ventes de leurs magasins ouverts depuis au moins un an, si on fait abstraction de l’effet des prix sur les revenus.
En d’autres mots, le volume d’épicerie vendu baisse pour la première fois de mémoire d’hommes, dit Michael Van Aelst, de TD Valeurs mobilières.
En conséquence, le bénéfice d’exploitation ajusté de Sobeys a baissé de 8 %, pour les trois mois clos le 31 décembre 2011, estime Peter Sklar, de BMO Marchés des capitaux.
« Cela indique que les prix de Sobeys ne sont pas compétitifs et que le consommateur se déplace vers les épiciers à bas prix », indique cet analyste.
Sobeys perd des parts de marché aux épiceries à bas prix, un point de vue que ses dirigeants ne partagent pas, ajoute M. Van Aelst.
« Les consommateurs concentrent de plus en plus de leurs dollars d’achat dans les produits soldés dans les circulaires. Sobeys ne capture plus le panier d’épicerie complet de ses clients », dit M. Van Aelst.
« Sobeys a peu d’épiceries à bas prix à l’extérieur de l’Ontario. L’entreprise devra améliorer davantage ses prix pour préserver ses parts de marché », ajoute l’analyste de TD.
Déjà, les marges d’exploitation de ses épiceries diminuent légèrement depuis quatre trimestres.
Avec une hausse de l’inflation de 1,5 %, au troisième trimestre et une hausse de 1,2 % des ventes comparables, les ventes « réelles » de Sobeys reculent pour la première fois que l’épicier dévoile ces deux données, il y a onze trimestres, indique pour sa part, Perry Caicco, de CIBC Marchés mondiaux.
Cette perte de vitesse inquiète M. Caicco puisqu’elle arrive à un moment où le huard stable n’aide plus le pouvoir d’achat des épiciers, forçant les épiciers à piger davantage dans leurs poches pour financer les rabais et les promotions en magasin.
Plus tard cette année, 39 nouveaux hypermarchés WalMart ouvriront leurs portes. L’année suivante, Target fera son entrée.
« Le marché canadien connaîtra une hausse de 2,5 % de sa superficie de vente d’épicerie, un taux nettement supérieur à la croissance de la consommation », précise M. Caicco.
Malgré cinq ans d’efforts pour devenir un meilleur épicier, Sobeys aura beaucoup de difficultés à faire croître les bénéfices de ses épiceries à un rythme raisonnable, au cours des trois prochaines années, ajoute l’analyste.
Le douillet marché québécois craquera-t-il ?
À moyen terme, c’est l’arrivée de 23 magasins Target au Québec en 2014 qui inquiète plus MM. Caicco et Van Aelst, car le marché québécois de l’épicerie est le plus rentable au pays.
Sobeys y réalise le tiers de ses ventes et près de la moitié de son bénéfice d’exploitation.
« Même si IGA est sa division la plus performante, bénéficiant aussi des meilleurs emplacements, et d’une gestion hors pair, Sobeys n’est pas immunisé contre les changements de son environnement concurrentiel » , dit M. Caicco.
Ses bénéfices d’exploitation risquent de plafonner au Québec en 2012 et 2013 et de décliner en 2014, prévoit-il.
Loblaw pourrait aussi se réveiller
WalMart et Target ne sont pas les seules menaces à surveiller.
Après six ans de recentrage et de restructuration, Loblaw pourrait sentir le besoin d’investir dans une politique de bas prix pour raviver ses ventes comparables, étant donné que le géant ne mise plus sur de nouveaux magasins pour croître.
« Loblaw bénéficie d’un actionnaire patient, en la famille Weston, qui pourrait être disposée à diminuer ses prix pour préserver ses parts de marchés au cours des trois prochaines années, comme elle l’a fait en 2006 et 2007 », explique M. Caicco.
« Avec des investissements concurrentiels de 40 millions de dollars annoncés pour 2012, Loblaw se positionne pour regagner des parts de marché, un an plus tôt que prévu », dit pour sa part M. Van Aelst.
Devant la possibilité d’une nouvelle guerre de prix dans l’industrie, MM. Sklar a diminué son cours-cible de 63 à 61 dollars pour Sobeys ; M. Caicco a réduit la sienne de 70 à 65 dollars ; M. Van Aelst maintient son cours-cible de 60 $.
Aucun des trois analystes recommandent l’achat de Sobeys.