Au printemps prochain, le Groupe Patrick Morin inaugurera sa 15e quincaillerie, à Laval. "Depuis les années 1980, nous ouvrons une succursale tous les deux ans, mais nous voulons accélérer le rythme", affirme André Morin, président et membre de la deuxième génération de Morin à la barre du groupe de quincailleries.
La famille Morin ne cherche pas à faire parler d'elle. Mais si discrète soit-elle, elle n'en est pas moins ambitieuse. L'entreprise, qui fête cette année son 50e anniversaire, est une des plus belles réussites du commerce de détail du Québec. Et elle compte bien profiter de l'effervescence qui agite actuellement le secteur de la quincaillerie.
De nombreux propriétaires indépendants s'apprêtent à prendre leur retraite et n'ont pas de relève. Les groupes font la queue pour les acheter. Rona, notamment, est très active, et le géant américain Lowe's est aux portes du Québec. Le Groupe Patrick Morin, dont le siège social est à Saint-Paul-de-Joliette, ne regardera pas passer le train.
Doubler son chiffre d'affaires
D'ici 5 à 10 ans, les Morin espèrent qu'ils auront doublé leur chiffre d'affaires de 175 millions de dollars en rénovant certains de leurs magasins, en les agrandissant ou en faisant l'acquisition de quincailleries indépendantes. Jusqu'à maintenant, la croissance de la chaîne s'est faite autant par acquisition qu'en construisant des magasins.
Présent dans Lanaudière, en Mauricie, à Laval, à Montréal et sur la Rive-Sud de la métropole, M. Morin affirme qu'il ne cible aucun secteur géographique en particulier pour son expansion.
Le secret de leur réussite
Quand on demande à André Morin, 51 ans, le secret de son succès, il répond "nos employés". Est-ce par rectitude politique ? Rien n'est moins sûr. "On n'a pas le choix de vendre au même prix que chez Rona ou Home Depot, précise l'entrepreneur. La différence, c'est le service." Le quincaillier avoue que son personnel actif dépasse de 20 % celui de ses concurrents. "Quand un magasin d'une autre chaîne compte 80 employés "sur le plancher", nous en avons 100." Le Groupe Patrick Morin emploie environ 1 000 personnes. De plus, ces employés sont très bien formés. Le siège social du Groupe Patrick Morin compte quatre salles de formation. "Chaque employé reçoit au moins 25 heures de formation par année, dit M. Morin. Nos concurrents forment probablement leurs employés, mais nous, c'est très structuré."
Le groupe, dont l'actionnariat est divisé en parts égales entre deux soeurs et cinq frères, a gardé la culture familiale implantée par les parents. Les employés savent qu'il y a toujours un Morin pas très loin.
En outre, André Morin estime qu'il est plus facile de gérer le service à la clientèle dans des magasins de 30 000 à 45 000 pieds carrés, plus petits que ceux de Rona et de Home Depot. Pour avoir un pouvoir d'achat comparable aux grandes enseignes qui lui font concurrence, son groupe fait partie du regroupement d'achat ILDC.
Il soutient aussi que ses magasins sont plus attrayants ; alors que chez Rona et Home Depot, les étagères se superposent jusqu'au plafond, chez Patrick Morin, seules les étagères le long des murs montent aussi haut; au centre du magasin, elles ne dépassent pas 60 pouces. "Ça donne des magasins plus dégagés, plus conviviaux."
Préparer la relève
Même si André Morin a eu la douleur de perdre son fils de 20 ans l'été dernier, la relève est assurée, puisque les sept Morin ont une vingtaine d'enfants. "Nous sommes très conscients que le fait de passer de la deuxième à la troisième génération comporte un niveau de risque élevé; c'est pourquoi nous y travaillons depuis près de cinq ans."
En septembre dernier, le Groupe a changé son organisation en créant un poste de directeur général, confié à Suzie Marceau. "Suzie apporte une autre vision, externe, à l'entreprise", note André Morin, qui a saisi l'occasion pour s'accorder la semaine de quatre jours. "J'en profite pour m'aérer l'esprit. Ça me permet de regarder un peu plus loin."
"La famille Morin est très près de ses employés"
Le Groupe Patrick Morin affirme compter 20 % plus de personnel qualifié que les Rona et Home Depot de ce monde. Il estime de plus que ses employés sont aussi bien rémunérés que les autres. Comment fait-il pour se payer ce luxe ?
Richard Darveau, pdg de l'Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction, explique : "Faire partie d'une grande chaîne coûte de l'argent; Patrick Morin préfère peut-être rester indépendant pour dégager une marge de manoeuvre qui lui permet de garder plus d'employés sur le plancher"." Dans les années 1990, Patrick Morin a été membre de Rona.
M. Darveau affirme aussi que Patrick Morin a la réputation de très bien former son personnel : "Ils ont leurs propres formateurs. On peut penser que le taux de roulement du personnel est plus bas, ce qui rehausse la qualité du service à la clientèle."
En outre, Patrick Morin est une entreprise familiale qui ne subit pas les pressions de rendements financiers de ses concurrentes inscrites à la Bourse.
"La famille Morin est très près de ses employés, ce qui se traduit par une compréhension très poussée des besoins de sa clientèle, ajoute M. Darveau. Et le sondage que nous avons fait faire à l'Association est clair : la qualité de la relation avec l'employé qui vous sert est le plus important critère pour les acheteurs. Et ça, Patrick Morin l'a !"
De son côté, Michael McLarney, président de Hardlines, une société de consultation dans le secteur de la quincaillerie de Toronto, croit que la clientèle diversifiée de Patrick Morin - rénovateurs amateurs et entrepreneurs en construction - lui permet de surmonter les cycles économiques sans trop de difficultés.
"Les quincailliers concentrés dans leurs marchés ont mieux traversé la récession de 2008-2009 que les grandes chaînes comme Rona et Home Depot, situées dans les grands centres urbains et plus vulnérables à l'augmentation du taux de chômage et à la faiblesse du marché boursier", estime M. McLarney.
Le consultant soutient également que la taille des magasins de Patrick Morin est presque idéale, soit une quincaillerie de 45 000 à 50 000 pieds carrés (pi2) : "Personne ne semble avoir trouvé une façon vraiment efficace de gérer des magasins de 80 000 à 100 000 pi2."