EXCLUSIF - La ministre du travail du Québec, Lise Thériault, entend rencontrer prochainement la direction de Target pour obtenir plus de détails sur son plan d'acquisition de Zellers. Madame Thériault souhaite notamment lui expliquer que le cadre juridique de la province pourrait faire obstacle à ses intentions de licenciement.
"Nous voulons rencontrer Target pour bien comprendre ce qu'elle a à l'esprit. Bien que le rôle de la ministre ne soit pas de s'infiltrer dans d'éventuels conflits, les règles du droit du travail québécois doivent être respectées", a indiqué à LesAffaires.com, le porte-parole de la ministre, Harold Fortin.
Monsieur Fortin a aussi souligné que le ministère du travail avait reçu une lettre du détaillant américain sollicitant une rencontre pour discuter de son acquisition. "On présume que c'est aussi pour parler de cela. Il faut qu'on leur parle, qu'ils comprennent bien les règles du Québec, et que celles-ci soient respectées", a dit M. Fortin.
LesAffaires.com rapportait mardi que le plan d’implantation de Target au Québec apparaissait illégal. Le plan prévoit que les salariés travaillant actuellement pour Zellers ne conserveront pas leur emploi et devront renvoyer des curriculums vitae s'ils souhaitent pouvoir travailler pour elle.
La Loi sur les normes du travail prévoit que l'aliénation (vente) partielle d'une entreprise ne rompt pas le lien d'emploi et qu'un salarié possédant plus de deux ans de service ne peut être mis à pied sans cause juste et suffisante.
Le plan soulève aussi un certain nombre d'interrogations quant aux établissements syndiqués de Zellers. L'article 45 du code du travail garantit en effet également qu'en cas d'aliénation partielle, les conventions collectives suivent dans les nouveaux établissements. Sur la soixantaine de Zellers que compte le Québec, une demi-douzaine sont réputés syndiqués, dont ceux d'Alma, de Montréal-Nord et de Terrebonne.
Target, qui pourrait reprendre jusqu'à 220 établissements pour 1,8 G$, estime qu'elle n'est pas liée par les contrats de travail des employés de Zellers parce qu'elle ne fait que racheter les baux de location.
La Commission des normes du travail indiquait cependant mardi aux Affaires, en opinion préliminaire, qu’elle considérait que si Target poursuivait les activités dans les établissements cédés, il y avait aliénation partielle de l'entreprise et que les protections juridiques accordées aux salariés devraient jouer. Un salarié injustement congédié a droit de se faire fournir gratuitement un avocat de la Commission pour défendre ses droits.
Une situation potentiellement exigeante pour la Commission si plusieurs salariés devaient être licenciés.
Le président des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, Tony Filateau, promet de son côté tout un combat si les Zellers de Montréal-Nord et Terrebonne sont cédés à Target et qu'elle ne reconnaît pas la convention collective.
« J’ai de la difficulté à croire qu’ils entreront ainsi au Québec. Socialement, ce ne serait pas très bien reçu. Je ne connais pas Target plus qu’il ne faut. Les prochains mois seront déterminants pour voir comment ils sont », a-t-il ajouté.
"Pour savoir s’il a eu aliénation partielle d’une entreprise (et si les protections juridiques en faveur des salariés jouent), il faut voir si des éléments essentiels de l'entreprise sont transférés. Le bail est l'élément essentiel d'une entreprise de détail. Il ne s'agit pas uniquement de locaux, mais de territoire et de clientèle" estime notamment Me Marius Ménard, un avocat spécialisé en droit du travail à qui la Cour d'appel a donné raison dans une affaire d'ouverture et de fermeture de Zellers au Saguenay/Lac-Saint-Jean.