La direction d’Alimentation Couche-Tard a été rabrouée par plusieurs investisseurs après que la direction de l’entreprise eût abruptement interrompu une actionnaire et refusé de répondre à ses questions à propos de son comportement devant la syndicalisation de certains de ses magasins.
«C’est la 18e ou 19e assemblée annuelle de Couche-Tard à laquelle j’assiste. Et laissez-moi vous dire que je suis excessivement surpris de votre réaction face à madame», a dit Arthur Dubé, 82 ans, durant la période de questions qui suivait l’assemblée annuelle des actionnaires d’Alimentation Couche-Tard, cette après-midi, à Laval.
«Écouter et répondre aux questions des actionnaires serait plus simple que de tenter d’empêcher les gens de parler. Ce serait mieux pour l’image de l’entreprise», a-t-il poursuivi.
L’intervention de l’actionnaire de longue date suivait celle de Sylvie Joly, actionnaire et conseillère syndicale de la CSN. Cette dernière se faisait la porte-voix d’un ex-employés d’un dépanneur montréalais fermé alors que ses employés tentaient de se syndiquer. Le Fonds Basile-Moreau, appartenant à la congrégation des Soeurs Ste-Croix, qui possède des actions de Couche-Tard, a tenté en vain de lui permettre de le représenter.
«Est-ce que vous allez reconsidérer votre façon de faire avec les syndicats?», a-t-elle demandée, avant qu’un garde de sécurité vienne interrompre madame, en prenant soin de recouvrir le microphone de sa main.
«J’ai droit de parole. Je suis actionnaire», a-t-elle clamée, pendant qu’Alain Bouchard, président et chef de la direction de Couche-Tard, répliquait que son propos était hors d’ordre et n'avait pas sa place à l'assemblée des actionnaires de l'entreprise.
Visiblement choqués par la scène, plusieurs actionnaires n'ont pu s'empêcher de souligner leur désapprobation à la direction. Ce fut le cas, entre autres, de François Meloche, gestionnaire risques extra-financiers, de Bâtirente, gestionnaire de régimes de retraite collectifs, associé à la CSN.
D'abord venu pour promouvoir auprès de la direction l'idée de produire un rapport de développement durable, M. Meloche n'a pu cacher son étonnement. «Voir un actionnaire se faire répondre de cette manière est quelque chose que je n'ai jamais vue. Et croyez-moi, j'en ai vu des assemblées d'actionnaires dans ma vie.»
C’est à ce moment que l’octogénaire, Arthur Dubé, s’est dirigé vers le microphone. «Je souhaiterais à l’avenir qu’on prenne la peine de répondre aux questions qui sont posées.»
Ce à quoi Alain Bouchard a répliqué ne pas croire que la syndicalisation de certains de ses magasins – «sept sur un total de 12 000» , a-t-il insisté – devait être discuté à l’assemblée annuelle des actionnaires. «C’est un endroit pour poser des questions, pas pour faire un éditorial», a-t-il expliqué ensuite aux journalistes, ajoutant tout de même avoir bien pris note des commentaires entendus.
À la sortie de l’assemblée, dans le hall de l’hôtel Holiday Inn du boulevard Carrefour, à Laval, M. Dubé ne décolérait pas. «Je ne veux pas prendre parti pour la syndicalisation ou pour le patronat, vous savez. Mais ils faut répondre aux questions. Cela m’offusque qu’on ne réponde pas aux questions des employés, surtout pour une entreprise comme Couche-Tard qui en compte 18 000 employés. Il faut être respectueux, il faut être poli avec eux.»
De son côté, Sylvie Joly, ne comprenait toujours pas que la direction de l'entreprise ait voulu ainsi exclure la question de la syndicalisation de ses employés de l'ordre du jour de son assemblée annuelle. «Je suis désolée, mais c'est le bon endroit pour en parler. Surtout lorsque cette même entreprise clâme que les employés sont sa plus grande ressource.»