La restauration n'était pas dans le plan de carrière de Sandra Ferreira. Mais puisque bon sang ne saurait mentir, comme on dit, elle a néanmoins pris la relève de son père Carlos, fondateur du réputé Ferreira Café, de Montréal, après avoir vécu quelques années aux États-Unis.
«Je ne le lui aurais jamais demandé, parce que ça devait venir d'elle. Je me trouve très chanceux, car je connais plein de restaurateurs qui doivent fermer leurs portes parce qu'ils n'ont pas de relève», raconte Carlos Ferreira, président fondateur du Groupe Ferreira, qui comprend entre autres les restaurants de culture portugaise Ferreira Café, le Café Vasco da Gama de la rue Peel et de l'Aéroport Montréal-Trudeau ainsi que la Taverne F de la place des Festivals.
Depuis l'arrivée de Sandra Ferreira, au début de 2014, le Groupe Ferreira a ouvert un restaurant Vasco da Gama à l'aéroport et redesigné son F Bar, devenu la Taverne F.
Au cours des dernières années, le groupe a pris de l'expansion, mais la structure n'a pas suivi : «Mon défi est de mettre en place une structure capable de soutenir nos ambitions, affirme Mme Ferreira. Notamment en utilisant davantage les technos, en optimisant les achats et en gérant mieux les ressources humaines. Une vraie gestion d'entreprise, en quelque sorte !»
Sandra Ferreira, âgée de 25 ans, a étudié en commercialisation de la mode au Collège LaSalle. Après, elle s'est rendue à l'université de Pittsburgh pour étudier en administration des affaires, avec majeure en marketing.
Dans le cadre de l'Executive Development Program de Macy's, elle a travaillé pendant un an en gestion des opérations pour le détaillant américain (880 magasins aux États-Unis, dont les Bloomingdale's).
Puis, une amie la convainc de se joindre à elle dans une petite boutique de technologies et de médias sociaux, à New York. «C'était du marketing, c'était davantage dans mes cordes», explique la jeune femme.
Entre-temps, elle renoue par la bande avec la restauration grâce à son copain restaurateur à New York. «Je me suis rendu compte à quel point ça me manquait», raconte Mme Ferreira, qui a travaillé toute jeune au restaurant de son père.
Au début de 2014, quand la boîte de techno qui l'emploie ferme ses portes, elle donne un coup de fil à son père, persuade son chum de la suivre et rentre à Montréal. «Sans ma fille, j'aurais dû embaucher une personne fiable et compétente, affirme M. Ferreira, âgé de 58 ans. Ça n'aurait pas été la même chose. Sandra, c'est son argent, son héritage. Un gestionnaire, si je fais faillite, il va se trouver un emploi ailleurs ; ça ne changera pas grand-chose dans sa vie.»
«Les Portugais ne sont pas dépensiers ; ils sont prévoyants et aiment laisser tout ce qu'ils ont en héritage à leurs enfants. Sans relève, quand j'aurais été trop vieux, j'aurais dû fermer mes restaurants. L'héritage de ma fille n'aurait pas été le même», raconte M. Ferreira.
Importer du vin et de l'huile d'olive
L'arrivée de Sandra, qui porte le titre de directrice des opérations, permettra à son père de consacrer plus d'efforts à une activité plus lucrative que la restauration, soit la production de vin et d'huile d'olive. Dans la vallée du Douro, au Portugal, le Groupe Ferreira, qui emploie 200 personnes, exploite 20 hectares de terre, dont 13 de vignes, et 700 à 800 oliviers. Ferreira produit de 45 000 à 50 000 bouteilles de vin rouge par année avec ses propres raisins et 16 000 bouteilles de blanc avec des raisins qu'il achète.
«Je vends ma bouteille de vin à 5,5 euros (7,87 $) à la SAQ, qui me la revend 23 $. Sur les 5,5 euros, je fais une marge de profit intéressante.»
Soudeur de métier, Carlos Ferreira est arrivé au Québec en 1975. Comme il n'avait pas l'intention de travailler au salaire minimum toute sa vie, il s'est tourné vers la restauration où il a fait tous les métiers, de plongeur à boulanger. «Ça lui arrive encore d'être plongeur», souligne sa fille en riant.
«Gérer un restaurant, ça ne s'apprend pas dans les livres», affirme M. Ferreira.
En 1988, il achète une franchise du bistrot A.L. Van Houtte. En trois ans, il fait grimper son chiffre d'affaires de 800 000 $ à 1,8 M$. «C'était géré par des fonctionnaires», explique-t-il avec un brin d'ironie.
Ayant peu d'atomes crochus avec la direction de Van Houtte, M. Ferreira décide de faire cavalier seul et donne son nom à son établissement, en 1996. C'est le début du Ferreira Café tel qu'on le connaît aujourd'hui.
«Mon défi était de montrer aux Québécois ce qu'un Portugais peut faire pour qu'ils arrêtent de parler négativement de nous.»