Sept questions à Diane Brisebois, présidente du Conseil canadien du commerce de détail.
Le thème de votre congrès annuel qui se tient actuellement à Toronto (Store 2012) est l’engagement. Pourquoi ?
C’est encore plus que l’engagement, c’est le pouvoir de l’engagement. Et ça inclut autant les clients que les employés et la communauté. Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, et ce peu importe l’âge des consommateurs, l’information est facilement accessible. C’est facile de faire une recherche de produits avec son iPhone et de faire un achat en ligne. Il est donc important pour les détaillants de créer une relation d’engagement avec leurs clients s’ils veulent les convaincre de se déplacer physiquement dans leurs magasins. C’est de plus en plus important parce qu’il y a davantage de concurrence et que cette concurrence est désormais mondiale.
Qu’est-ce qu’un client engagé ?
C’est un client qui s’aperçoit qu’un commerce le comprend. La plupart des bons détaillants font des recherches sur leurs clients, ils cherchent à comprendre leurs attentes, leurs rêves, leurs goûts, leur façon de vivre. C’est primordial, car si vous ne connectez pas avec vos clients, ils ne vous seront pas loyaux.
On dirait que la technologie est en train de forcer les détaillants à revenir à la base, c’est-à-dire offrir un excellent service à la clientèle. Est-ce une illusion ?
Ironiquement, c’est effectivement le cas. La technologie permet d’être plus efficace, mais amène aussi beaucoup de défis. Les attentes des clients changent rapidement et les détaillants n’ont plus le droit à l’erreur. Si un client vit une mauvaise expérience, ça lui prend seulement cinq minutes pour partager ce qu’il a vécu à beaucoup de monde sur les réseaux sociaux. En conséquence, c’est encore plus important qu’autrefois de bien former son personnel et d’avoir les systèmes informatiques requis pour répondre aux besoins des consommateurs.
La population du Canada vieillit. Quel est l’impact de cette réalité démographique sur votre industrie ?
Quand les gens vieillissent, leurs besoins changent. À 70 ans, tu n’achètes pas des meubles et tu ne décores pas de nouveau ta maison. Il y a une migration des dollars dépensés vers les services comme les voyages, les spectacles et le plein-air, au détriment des biens. C’est un grand défi pour les détaillants qui doivent bien comprendre leur clientèle. Mais, attention, les personnes âgées ne sont pas de mauvais consommateurs. Leurs besoins ont simplement changé. Plusieurs s’adaptent. Il y a cette pharmacie qui me disait qu’autrefois, elle accordait une allée entière aux couches pour bébé tandis qu’aujourd’hui, le même espace est plutôt alloué aux couches pour les adultes incontinents. Il faut adapter son assortiment. Et on ne peut plus avoir une stratégie « one size fits all » : il faut s’adapter localement à la demande, magasin par magasin. C’est là que la technologie joue un rôle clé.
Quel est le plus grand défi des détaillants pour les prochaines années ?
Depuis 10 ou 15 ans, ils ont investi énormément dans les technologies, leur chaîne d’approvisionnement et la formation du personnel. Aujourd’hui, le défi est de mettre de l’argent dans le service à la clientèle, le commerce électronique et les systèmes informatiques qui vont les aider à mieux comprendre leurs clients. Ils doivent faire des études et des recherches. C’est un défi à cause de la petitesse du marché canadien. Plusieurs se demandent pourquoi il y a si peu de sites transactionnels au Canada… Les coûts sont les mêmes pour les détaillants américains que pour les détaillants canadiens dont le marché est 10 fois plus petit. Donc, ça leur coûte 10 fois plus cher ! C’est un gros défi d’être à la fine pointe et de répondre aux attentes des clients, attentes qui évoluent de façon phénoménale.
Qu’est-ce qui aura changé dans 5 ans ?
Une chose ne change pas dans le commerce de détail : le fait que les choses changent tout le temps. Ce que je peux dire c’est que les changements qui vont survenir dans l’industrie vont refléter ceux qui seront survenus dans la société. Car les détaillants sont le miroir de la société. Qui aurait cru il y a 15 ans que des gens voudraient magasiner 24 heures sur 24 ? Qui aurait cru il y a 5 ans que nous comparerions des prix au moyen du téléphone ? Dans cinq ans, tout est possible. Ce qui est certain, c’est que tout ira très vite.
Quel est le meilleur conseil que vous pouvez donner aux détaillants ?
De ne jamais s’isoler. Les détaillants travaillent fort et passent beaucoup de temps entre quatre murs. Or, ils doivent participer à des colloques, à des conférences, étudier ce que font d’autres secteurs comme les télécommunications et les technologies, qui sont des précurseurs. Il ne faut pas juste baigner dans le commerce de détail 24 heures par jour. Je pense à certains libraires dont 99 % de leurs conversations sont avec d’autres libraires. La même chose arrive dans le secteur de la mode. Il faut penser et voir plus large et s’inspirer des meilleures pratiques d’autres industries.
Notre journaliste Marie-Eve Fournier est à Toronto et rend compte de ce qui se passe au Store 2012, un événement organisé par le Conseil canadien du commerce de détail et où sont réunis 900 acteurs de l'industrie.
Notre dossier : En direct du Store 2012