Ce dont on se doutait se confirme. Le Québec continue de tirer sérieusement de l’arrière, parmi les pays développés, en matière de commerce électronique.
D’une part, les consommateurs continuent de résister massivement à l’acquisition de biens par voie électronique. Plus de 50% d’entre eux n’ont jamais fait de transaction en ligne. Et lorsqu’ils s’y risquent, les trois quarts de leurs achats se font sur des sites d’entreprise de l’extérieur de la province.
Pour leur part, les entreprises du Québec tardent aussi toujours à prendre le virage Internet. Une entreprise québécoise sur deux ne dispose toujours pas de site Web et seulement une sur huit offre la possibilité à ses clients de faire des transactions en ligne.
Ce constat malheureux est tiré de la plus importante étude jamais réalisée par le Cefrio, sur les habitudes de consommation électronique des Québécois. Le Cefrio est un organisme voué à la recherche et à l’innovation par le numérique dans les organisations.
--Lisez notre manchette «A quand un eBay au Québec? dans notre édition papier du 2 novembre 2013--
Les résultats de cette enquête, produite avec le concours de Léger Marketing, s’appuie sur l’analyse d’un total de 13576 achats en ligne, réalisés pendant un an par 5662 cyberconsommateurs adultes de toutes les régions du Québec, sur 2273 sites Internet différents.
Le Québec à la traîne
«La situation est extrêmement inquiétante, soutient Claire Bourget, directrice de recherche du Cefrio. Et ce non seulement pour les entreprises, mais également pour l’économie du Québec tout entier.»
Pendant les douze mois de la durée de l’enquête, qui a pris fin en juin 2013, 47% des Québécois auraient réalisé au moins un achat par Internet. C’est peu lorsque comparé aux données sur le même thème du Canada (53%), des États-Unis (58%), de l’Australie et du Japon (61%), de la France (62%), de la Suède (70%) et de la Grande Bretagne (74%).
Le montant total des dépenses (toutes catégories), effectuées en ligne par les consommateurs québécois, s’élève à 6,8G$ par année, selon le Cefrio. En moyenne, le montant des dépenses électroniques tend à croître en fonction du niveau de scolarité, du niveau de revenu, et du sexe des consommateurs. Règle générale, les hommes dépensent en ligne des sommes plus élevées que les femmes.
Les dépenses de voyage (achat de billets d’avion, location d’hôtels, etc.) constituent, et de loin, le plus important poste de consommation sur Internet. Pas moins de 47% de la valeur totale des dépenses des Québécois sur Internet vont à cette seule catégorie, selon l’étude. Suivent ensuite, les produits électroniques (13% des dépenses), la mode (7%) et les spectacles (7%).
À quelques exceptions près, ces mêmes catégories sont celles qui entraînent le plus de transaction. Ainsi, 23% des 5662 cyberacheteurs étudiés en 2012 et 2013 ont acheté en ligne des objets de mode, 22% des produits électroniques, 22% de la musique, des films et des jeux vidéo, et 19% des livres, des spectacles (19%) et des voyages (17%).
Le prix d’abord
Le hic est que la majorité de ces dépenses échappent aux entreprises du Québec. Seulement 1$ sur 4$ dépensés en ligne au Québec se retrouve dans les poches d’une société québécoise, note le Cefrio. Plus précisément, les auteurs évaluent qu’au moins 53% de leurs dépenses se font soit sur des sites américains (39%), soit sur des site d’entreprises du reste du Canada (14%).
«La plupart des consommateurs croient à tort que parce que l’adresse d’un site Web se termine par «.ca », ils ont nécessairement à faire à une entreprise canadienne», déplore Mme Bourget, du Cefrio.
Quoi qu’il en soit, l’étude confirme que le patriotisme des consommateurs pèse bien peu dans la balance lorsque vient le temps d’acquérir un bien. Sans surprise, le prix demandé (30%) pour un produit souhaité constitue le premier critère considéré dans le choix d’un site Internet. Vient ensuite la confiance du consommateur pour une société (22%).
Des occasions ratées
Les consommateurs sont fidèles à une marque, à une entreprise qu’ils connaissent et en qui ils ont confiance. «Mais pour être considérées, faire partie des marques qu’ils reconnaissent, encore faut-il que les entreprises prennent la peine de se constituer une existence numérique minimum», explique Mme Bourget.
Or, une entreprise sur deux au Québec n’aurait toujours pas de site Web, et une sur huit seulement offre un site pouvant faire des transactions en ligne. Pire encore : 82% des entreprises branchées qui ne font pas de ventes en ligne n’auraient aucune intention de se convertir au numérique au cours de la prochaine année, déplore la directrice de recherche du Cefrio.
«C’est grave, dit-elle. Cela veut dire que même si on leur dit qu’elles se privent d’occasions d’affaires, la grande majorité des entreprises absentes du Web le sont tout à fait volontairement, en pleine connaissance de cause.»
La majorité justifie leur absence de la toile par le manque de temps, d’expertise, et d’argent. D’autres n’expriment aucun intérêt ou ont la conviction que leurs produits ne se prêtent pas au numérique. Sans pouvoir le prouver, Mme Bourget avance l’hypothèse d’un problème générationnel; l’avancement en âge de l’entrepreneur moyen expliquerait au moins en partie cette résistance.
--Lisez notre manchette «A quand un eBay au Québec? dans notre édition papier du 2 novembre 2013--