C'est connu, les plans d'affaires se déroulent rarement comme prévu. Les entrepreneurs qui s'en sortent sont capables de se réinventer. Parlez-en à la direction de Canus qui, en 2004, avait un chiffre d'affaires de 19 millions de dollars. Dix ans plus tard, il est de... 15 M$. C'est ce qui est arrivé à André Beauregard, qui compte maintenant doubler ses ventes chez les détaillants américains.
M. Beauregard a fondé Canus (pour Canada et United States) en 1994 avec Andrée Falardeau. La PME de l'arrondissement montréalais de Saint-Laurent conçoit et fait fabriquer en sous-traitance des produits de soins pour la peau à base de lait de chèvre : pain de savon, gel douche, lait hydratant, crème, bain moussant, etc.
Sa première tentative de distribution aux États-Unis et en Europe remonte à 2004. Mais ses produits naturels «sont trop en avance» pour la clientèle européenne. «La vogue des produits naturels est arrivée environ trois ans plus tard», raconte M. Beauregard.
Toutefois, la crise de 2008 ne laisse pas le temps à cette vogue de se matérialiser. Et le marché américain stagne. Canus doit battre en retraite et quitter l'Europe. S'ensuit une profonde remise en question. Par exemple, concernant la distribution d'échantillons. Canus en donnait de 4 à 5 millions chaque année.
Or, en 2009, une étude menée en Australie, un marché semblable au Canada, qui n'avait jamais entendu parler de Canus, force à réviser cette façon de faire. «On a découvert qu'une bonne partie des échantillons étaient offerts en pure perte. Quand on y pense, que voulez-vous faire avec un sachet de 15 ml de savon à main ou de gel douche ?» demande l'entrepreneur. Aujourd'hui, la PME de 35 employés distribue toujours de 4 à 5 millions d'échantillons, mais seulement de son pain de savon de 37 grammes, le produit préféré des consommateurs.
Ce savon de chèvre se classe d'ailleurs au quatrième rang des savons les plus vendus au Canada, derrière Dove, Olay et Ivory, affirme l'homme d'affaires. Ce seul produit représente 78 % des ventes de Canus, comparativement à 40 % en 2004. Il y a 10 ans, ce même pain de savon détenait 1 % du marché canadien, comparativement à 5 % aujourd'hui (48 % pour Dove). «On a réalisé que ce produit est celui pour lequel on a l'avantage concurrentiel le plus marqué», dit M. Beauregard.
En 2010, autre conséquence de l'étude de marché menée l'année précédente en Australie, la marque Canus devient Caprina. Et pour mieux cibler ses efforts de marketing et simplifier sa gestion des stocks, Canus réduit de 400 à 100 le nombre de ses produits.
Expansion américaine
Si M. Beauregard ne prévoit pas retourner en Europe avant 2018 ou 2019, il veut peser sur l'accélérateur aux États-Unis. Et sur ce terrain, comme son associée de la première heure, Andrée Falardeau, et lui ne partageaient pas les mêmes vues, il a racheté ses parts en 2012.
Aux États-Unis, M. Beauregard a lancé en janvier 2013 la marque Nature, en remplacement de Canus dans les magasins d'aliments naturels.
De plus, il a commencé depuis peu à s'intéresser au marché de masse que représentent les grands magasins, les épiceries et les pharmacies. Ce nouveau marché sera desservi par la marque Caprina.
M. Beauregard veut, dans un premier temps, concentrer ses efforts sur la côte est américaine, du nord au sud, un marché de plus de 100 millions de consommateurs. Actuellement, 30 % des ventes de Canus sont réalisées aux États-Unis, une proportion que l'homme d'affaires veut faire passer à 60 % d'ici cinq ans.
Au Canada, contrairement aux États-Unis, Canus n'a toujours desservi que le marché de masse. Mais M. Beauregard promet que, dans deux ans, lorsqu'il aura fait ses classes aux États-Unis, il abordera le marché canadien des magasins d'aliments naturels avec sa marque Nature.
Voilà comment, après une période difficile, André Beauregard est retombé sur ses pieds et peut maintenant recommencer à espérer réaliser des ventes de 30 M$ d'ici cinq ans.