Pour empêcher la vente de Rona à des intérêts étrangers, Raymond Bachand, le ministre des Finances du Québec, a ouvert la porte à une offensive à la Maple, le consortium d’investisseurs canadiens qui a acquis le Groupe TMX. Le ministre a affirmé qu’une coalition d’investisseurs fait partie des moyens envisagés pour bloquer une offre d’achat hostile.
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« Il y a un travail de sensibilisation à faire auprès des gestionnaires de caisses de retraite, mais aussi dans l’ouest du pays. Une telle transaction ne serait pas dans l’intérêt du Canada », a dit M. Bachand, lors d’une conférence téléphonique avec les journalistes, mardi après-midi. « Je demande aux caisses de retraite et aux financières de bien considérer leur position et de le faire savoir. »
Le conseil d’administration de Rona a refusé une offre d’achat de l’entreprise américaine Lowe’s au prix de 14,50 $ l’action, a annoncé le détaillant de Boucherville, qui possède aussi la bannière Réno-Dépôt. Lowe’s souhaite toujours acquérir Rona et étudie les possibilités qui s’offrent à elle.
Pour M. Bachand, la transaction serait contraire à l’intérêt du Québec. Près de 85 % des fournisseurs de Rona sont canadiens, dont 47 % sont québécois. Cela représenterait 50 000 emplois dans le secteur manufacturier québécois, a-t-il précisé.
Même une promesse d’achat local ne serait pas suffisante aux yeux du ministre, dont le gouvernement a autorisé la vente d’Alcan à Rio Tinto en 2006. « J’ai dirigé Metro Richelieu, a-t-il rappelé. On sait qu’à long terme, l’entreprise voudra maximiser la valeur pour ses actionnaires et cela passe par une centralisation des achats. »
Québec songe-t-elle à nationaliser Rona? La réponse à la page suivante.
Une coalition
Questionné sur les moyens à la portée de Québec pour bloquer une transaction, M. Bachand a mentionné l’achat d’actions par Investissement Québec et la formation d’une coalition d’investisseurs.
Ce genre de coalition a été mis sur pied l’an dernier pour empêcher la vente du Groupe TMX, qui opère les bourses de Toronto et de Montréal, au London Stock Exchange. Le consortium regroupe 12 institutions financières, notamment le Fonds de solidarité FTQ, la Banque Nationale, le Mouvement Desjardins et la Caisse de dépôt et placement.
Le gouvernement ne fera visiblement pas cavalier seul, selon les commentaires du ministre. « On ne nationalisera pas Rona, répond-il. Soyons sérieux. »
Membre de Maple, le Fonds de solidarité FTQ est actionnaire de Rona. Le fonds des travailleurs possède 3,5 % des actions en circulation de l’entreprise. Le porte-parole Patrick McQuilken n’a pas voulu dire si un scénario à la Maple était envisagé. « Comme il s’agit d’une entreprise cotée en Bourse, nous ne voulons pas faire connaître nos intentions à ce stade-ci. »
Le Fonds a tout de même salué la décision du conseil d’administration de refuser l’offre de Lowe’s, dans un communiqué. On trouve des affinités avec les positions de son ancien dirigeant devenu ministre. Le Fonds de solidarité mentionne l’importance « du soutien des emplois et du développement économique ».
Ottawa interpellée
Une autre avenue envisagée serait qu’Ottawa bloque la transaction, comme elle l’a fait en 2010 pour Potash, un producteur d’engrais de la Saskatchewan. M. Bachand a dit qu’il avait discuté avec son homologue fédéral Christian Paradis, ministre de l’Industrie et voix du gouvernement conservateur au Québec, pour lui faire connaître son opposition à une possible transaction.
Pour l’instant, M. Paradis refuse de s’avancer sur un possible succès de la tentative de Lowe’s. « Je sais que Lowe’s a présenté une proposition qui a été rejetée par Rona, nous a-t-il répondu par courriel. Pour le moment, il n’y a aucun investissement à examiner en vertu de la Loi sur Investissement Canada. »
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