Le placement en redressement judiciaire de la marque mythique HMV fait craindre la disparition de la dernière chaîne de magasins de disques en Grande-Bretagne face à la concurrence implacable d'internet, avec 4 000 suppressions d'emplois à la clef.
Le cabinet d'audit Deloitte va prendre la gestion du groupe, qui est le dernier grand distributeur britannique du secteur, avec l'espoir de lui trouver des repreneurs.
« Le conseil d'administration regrette d'annoncer qu'il n'a pas pu atteindre une position où il puisse continuer à faire commerce à l'abri d'une insolvabilité », indique HMV dans un communiqué.
La procédure permet à une société en difficulté de se faire aider par un expert financier indépendant afin de rester opérationnelle.
Selon HMV, le conseil d'administration a missionné des administrateurs pour continuer l'activité tout en recherchant un repreneur. Le cours de l'action a été suspendu à la Bourse de Londres.
Fondé il y a 92 ans, HMV emploie 4 350 salariés, mais, comme d'autres distributeurs spécialisés parmi lesquels Virgin placé lundi en redressement judiciaire en France, il est victime de l'effondrement des marchés physiques du disque et du DVD et souffre de la concurrence de la distribution en ligne.
Malgré plusieurs tentatives pour séduire cette génération numérisée qui lui manque tant, HMV réalise encore la majorité de ses ventes grâce aux CD et DVD.
Des formats devenus pourtant quasi obsolètes à l'heure du numérique, qui explose avec les géants Amazon et iTunes. Au Royaume-Uni, la crise a balayé 700 disquaires indépendants en dix ans.
« Leur problème est que les produits de leur coeur de métier sont en train de disparaître », explique Kate Calvert, analyste de Seymour Pierce. Pour elle, il n'y aura pas de rachat, « sinon, ce serait déjà fait » du fait de la faible valeur de l'entreprise en Bourse (environ 6 millions d'euros).
« A l'ère du numérique, alors que 73,4% de la musique et des films sont téléchargés ou achetés sur internet, le modèle de HMV est devenu de moins en moins pertinent et viable », confirme Neil Saunders, du cabinet Conlumino.
Pour Andy Heath, président de l'association de labels UK Music, HMV n'a pas su s'adapter et "a fonctionné dans ce qui est probablement une structure un peu archaïque".
Le groupe, qui est présent aussi en Irlande, à Hong Kong et à Singapour, avait annoncé le 13 décembre qu'il risquait de ne pouvoir faire face à ses engagements bancaires.
En plus d'avoir accumulé des dettes monumentales, ses ventes ont chuté de 13,5% en décembre, entraînant la chute de ses actions.
HMV a lancé samedi des soldes monstres, sur un mois, avec 25% de remise sur une quantité de produits pour activer les ventes, mais cette action n'a pas suffi à empêcher le placement en redressement judiciaire.
Kim Bayley, de l'Entertainment Retailers Association (ERA), veut pourtant garder espoir: "170 millions de gens ont féquenté leurs magasins l'an dernier, ils représentent encore un tiers du marché (...), si on y regarde de plus près, l'activité est viable."
Le premier magasin HMV a ouvert à Londres en 1921. Il appartenait à la Gramophone Company, qui l'a doté de sa marque légendaire, le chien qui écoute un gramophone.
Il est entré dans l'histoire de la musique en 1962 avec les Beatles qui ont signé à cette époque avec EMI, la firme de disques qui a appartenu à HMV jusqu'en 1996.
Ses problèmes illustrent aussi les difficultés rencontrées par nombre d'enseignes au Royaume-Uni, confrontées à la concurrence d'internet mais aussi à des conditions économiques difficiles en raison du plan d'austerité gouvernemental.
Dernières victimes en date, les magasins de la chaîne d'équipements photographiques Jessops vont fermer, entraînant la suppression de plus de 1 300 emplois.