Ça bouge dans la recherche en sciences de la vie. Après l'hémorragie qui a vidé Montréal des centres de recherche des grandes pharmaceutiques, le secteur s'est restructuré autour de nouveaux modèles d'entreprise qui font la part belle aux partenariats et au partage du risque.
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«Ce phénomène est mondial, explique Martin Godbout, président du conseil du réseau BIOQuébec. La génomique, qui entraîne la mise au point de plusieurs médicaments pour une même maladie, a bouleversé l'industrie. Investir seul de 1,5 à 2 milliards de dollars pour développer un médicament destiné à un segment de la population, ce n'était plus possible !»
Dernier exemple en date : GlaxoSmithKline (GSK) qui vient d'annoncer la fermeture prochaine de son centre lavallois de recherche sur les vaccins, invoquant la flambée des coûts. Du même souffle, elle a dévoilé un partenariat avec Néomed pour créer dans ses installations un Centre d'excellence sur la recherche de produits biologiques et de vaccins. GSK y investira 47 millions de dollars en cinq ans pour soutenir son démarrage.
Pour Néomed, l'histoire se répète. L'organisme fondé en 2012 est en effet situé dans l'ancien centre d'AstraZeneca, dans le Technoparc. Il finance et gère des projets de recherche en plus de louer des locaux à des entreprises des sciences de la vie. «Avec l'Institut Néomed, nous avons créé à Saint-Laurent un écosystème en chimie médicinale qui stimule la collaboration et l'innovation, dit son président et chef de la direction, Max Fehlmann. Nous ferons la même chose à Laval, mais avec des entreprises en produits biologiques et en vaccins.»
Néomed récupère 60 des 122 employés de GSK qui perdent leur poste pour les assigner à l'organisme de recherche sous contrat (CRO) qui fera partie du Centre d'excellence. Celui-ci effectuera pour GSK des activités de dosage biologique et immunologique, mais offrira également ses services à d'autres entreprises.
En comptant les 10 M$ que GSK investira dans le codéveloppement de certains de ses produits, Néomed dispose désormais d'un budget de 60 M$ pour faire mûrir des projets. Elle en compte 10 dans son pipeline, dont deux sont assez avancés pour être achetés par une pharma.
Collaboration entre neuf pharmas
Le Consortium québécois sur la découverte du médicament est une autre preuve du succès de l'approche collaborative. Il a accueilli ces derniers mois deux nouveaux membres, Sanofi Canada et Janssen, ce qui porte à neuf le nombre de pharmas qui participent à son modèle d'entreprise visant à financer la conception de technologies qui accélèrent le développement des médicaments. L'organisme public-privé, qui bénéficie également de financement gouvernemental, mène aussi des projets communs avec des organisations ontariennes.
Se consacrant à la recherche précompétitive, il a toujours joué un rôle très en amont de la chaîne de découverte des médicaments. Mais ce positionnement change un peu avec le lancement en janvier de l'initiative pilote Quantum Leap. «Nous voulons soutenir les PME dans la commercialisation de technologies ayant un impact potentiel élevé sur la recherche», explique sa présidente et directrice générale, Diane Gosselin.
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Toujours dans l'optique de regroupement des forces, Montréal inVivo a quant à elle mobilisé plusieurs partenaires pour positionner Montréal comme lieu de choix pour la recherche clinique précoce. La grappe des sciences de la vie dispose de 500 000 $ pour standardiser le processus d'essais cliniques dans les centres hospitaliers, optimiser son efficacité et attirer les investissements d'entreprises pharmaceutiques.
«Nous pensons être en mesure d'ici cinq ans de faire passer de 35 à 70 M$ les retombées de ces essais en sol montréalais et de créer 500 emplois», indique sa présidente-directrice générale, Michelle Savoie.
Le capital de risque en hausse
Avec des investissements de 104 millions de dollars par des fonds de capital de risque, comparativement à 67 en 2013, l'année 2014 a été un bon cru pour les sciences de la vie. Et s'il faut en croire les récentes annonces, l'optimisme est de mise pour 2015.
Par exemple, Teralys Capital a versé 50 M$ en janvier dans le fonds montréalais CTI Sciences de la vie II, qui a recueilli au total 134 M$. Le fonds de fonds devrait aussi réaliser cette année les premiers investissements du Fonds d'Innovation, doté d'une enveloppe de 279 M$, dont le gouvernement fédéral lui a confié la gestion et qui comprend un volet sciences de la vie.
Par ailleurs, Teralys et le Fonds de solidarité FTQ ont respectivement versé 25 M$ et 15 M$ dans Versant Ventures, une firme américaine de capital de risque qui ouvrira bientôt un incubateur Inception Sciences à Montréal, comme elle l'a fait en Californie et à Vancouver.
Pour chaque projet qu'il pilote, l'incubateur s'allie à une entreprise pharmaceutique qui obtient une possibilité d'acquisition en échange de financement non dilutif. Inception montera à Montréal une équipe permanente de scientifiques qui sera déployée d'un projet de médicament à l'autre.
Les deux investisseurs québécois ont été séduits par le modèle d'entreprise, la vision et l'équipe de Versant. «Peppi Prasit, fondateur d'Inception, a été l'un des piliers de Merck Frosst à Montréal pendant 15 ans», note Cédric Bisson, associé chez Teralys. «Versant a créé plusieurs biotechs ; de plus, elle investit dans les technologies médicales, ce qui est un atout pour l'écosystème québécois», estime pour sa part Didier Leconte, directeur principal, sciences de la vie du Fonds FTQ.»
Le Fonds FTQ investit une moyenne annuelle de 50 M$ en sciences de la vie. Cette année, il délaissera les fonds pour se concentrer sur les investissements directs dans les biotechs. Il en a réalisé un premier d'un montant non précisé dans EnGene, une biotech créée à Vancouver, qui a déménagé il y a un an à l'Institut Néomed. D'autres suivront. Le Fonds veut ainsi favoriser le maintien de biotechs bien financées au Québec. On sait que les biotechs à succès sont souvent acquises par une grande pharmaceutique.
104 M$: Investissement des fonds de capital de risque en sciences de la vie au Québec en 2014. Source : Réseau Capital
65 M$: Montant amassé par le Consortium québécois sur la découverte du médicament (CQDM) depuis sa fondation en 2008. Source : CQDM
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