Investissement Québec a obtenu le 23 mai dernier de la Cour supérieure du Québec – Chambre commerciale la mise sous séquestre de la firme de biotechnologie PurGenesis. Il entend ainsi recouvrer le prêt de 5 millions de dollars qu'il lui avait octroyé en 2009 afin d'implanter une usine à Montmagny et de fabriquer des produits destinés à l'industrie pharmaceutique.
Cette décision de la Cour permet au séquestre de prendre possession et de contrôler tous les actifs de PurGenesis. Elle lui permet de «continuer, en tout ou en partie, les opérations de PurGenesis», et même de «vendre ou disposer» de ses actifs, «à sa seule discrétion». Le séquestre nommé est Claude Moisan, associé de Lemieux Nolet, un cabinet de syndics de faillite et gestionnaires établi à Québec.
Aujourd'hui, le numéro de téléphone du siège social de PurGenesis, à Montmagny, est hors de service. Et à ses bureaux de Montréal, plus personne ne répond aux appels téléphoniques. «C'est que tous les employés ont été mis à pied à la mi-mai par la direction de PurGenesis», dit Chantal Corbeil, porte-parole d'Investissement Québec.
«PurGenesis ne payait plus les salaires de ses employés, elle ne payait pas non plus ses factures, en particulier celles de l'électricité et des taxes scolaires. C'est pourquoi nous avons entamé cette démarche devant les tribunaux», indique Mme Corbeil. Et de poursuivre : «Depuis septembre 2011, PurGenesis ne nous remboursait plus rien du capital et des intérêts du prêt. Nous avons été patients, nous avons demandé que ses dirigeants nous présentent un plan de relance, mais ils ne nous ont jamais rien présenté de tel. D'où la mise sous séquestre».
L'espoir d'Investissement Québec? «Trouver un repreneur. Ou bien récupérer de l'argent par la vente de la bâtisse de l'usine, de l'équipement et des crèmes produites et entreposées à Montmagny», dit Mme Corbeil.
PurGenesis est née en 2008, à la suite de l'acquisition et de la restructuration de la firme PureCell Technologies par André Boulet, un scientifique devenu capital-risqueur. Sa mission première : fabriquer des molécules aux propriétés anti-inflammatoires à partir d'extraits d'épinards. Une mission qui avait récemment évolué, puisque ses dirigeants déclaraient ces derniers temps s'intéresser à la production de marijuana thérapeutique.
La firme de biotechnologie québécoise a pour président du conseil Eugene Melnyk, connu non seulement pour être l'unique propriétaire, gouverneur et président du conseil du club de hockey Les Sénateurs d'Ottawa, mais aussi pour avoir fondé et dirigé Biovail. Cette dernière a été acquise par la Californienne Valeant Pharmaceuticals en 2010, un an après que M. Melnyck a conclu avec la Securities ans Exchange Commission (Sec) une entente selon laquelle il acceptait de verser 1 million de dollars américains au gendarme boursier américain pour avoir contrevenu à certaines obligations de divulgation concernant des actions de Biovail. M. Melnyck, qui réside aux Barbades depuis 1991, a investi 12,5 millions de dollars dans PurGenesis.
À noter que Brian Crombie est le directeur financier de PurGenesis et figure également sur le conseil d'administration de la firme de biotechnologie. Il avait été auparavant le directeur financier et vice-président, développement stratégique, de Biovail.
PurGenesis avait bénéficié à ses débuts de nombreux fonds publics pour l'aider à se lancer. Entre 2008 et 2011, la firme de Montmagny a ainsi reçu un total de 3 millions de dollars sous forme de prêts fédéraux, dans le cadre d'un programme de subventions du ministère canadien de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire qui a pris fin en 2011. Idem, elle a décroché entre 2008 et 2011 des prêts d'un montant total de près de 1 million de dollars auprès de Développement économique Canada.
Quant à Investissement Québec, le prêt accordé en juin 2009 s'élevait à 5 millions de dollars et avait été effectué dans le cadre du Programme d'appui stratégique à l'investissement (Pasi). À l'époque, Norbert Morin, le député de Montmagny-L'Islet, avait déclaré : «L'arrivée d'une entreprise de haut savoir dans la région de Chaudière-Appalaches me réjouit grandement, surtout après les revers que nous avons subis au cours des dernières années avec la fermeture de plusieurs usines. Pour moi, PurGenesis à Montmagny, c'est un vent d'espoir qui souffle sur tout le comté de Montmagny-L'Islet».
Lors de sa dernière déclaration officielle auprès du Registraire des entreprises du Québec, en mars dernier, PurGenesis avait indiqué ne compter qu'entre 6 et 10 employés. Or, le prêt accordé en 2009 par Investissement Québec visait la création à court terme de 84 emplois.
En 2013, François Lapointe, le député néo-démocrate de Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup, s'était alarmé en Chambre des communes de l'absence d'activités visibles dans l'usine de Montmagny de PurGenesis. En entrevue à The Gazette, il avait notamment dit : «Nous ne voyons qu'un édifice vide et une poignée d'emplois. Il y a des compagnies dans ma circonscription qui sont renversées de voir ça, qui pourraient faire des miracles avec la moitié des fonds publics qui ont été accordés à PurGenesis». Et il avait ajouté, par voie de communiqué : «C'est de mauvais augure».