Le 787, dont tous les exemplaires sont cloués aux sol à la suite d'une série d'avaries, est le fruit d'une stratégie de fabrication audacieuse mais risquée de Boeing car très innovante en termes de composants et fondée sur une construction éparpillée sur une centaine de sites.
Le 787, baptisé le « Dreamliner », se distingue par une production éclatée en 135 sites et 50 sous-traitants, comme le japonais GS Yuasa qui fabrique les batteries à l'origine des problèmes ayant conduit à l'immobilisation des 787, ou le français Thales, qui les assemble.
Aucun avion au monde n'a une fabrication aussi morcelée.
En outre, l'avion contient 50% de matériaux composites, y compris dans le fuselage et les ailes. C'est un ratio sans précédent.
« Le fait que le système de production soit autant externalisé, avec 70% de l'avion sous-traité, créée un potentiel pour plus de problèmes par rapport à une production plus centralisée, où les contrôles de qualité peuvent être mieux gérés », commente Richard Tortoriello, analyste de Standard and Poor's (SP).
Hans Weber, expert indépendant en défense et sécurité, va plus loin et juge que Boeing a été trop optimiste.
Le constructeur « a admis qu'il avait sous-estimé le niveau de supervision et de soutien à l'ingénierie qui était nécessaire à ses fournisseurs pour que la chaîne de fabrication très éclatée fonctionne », estime M. Weber.
« Je pense que les technologies du 787 sont bonnes et sûres, mais que leur exécution au sein de la chaîne de fabrication aurait pu être meilleure », conclut-il.
M. Tortoriello souligne toutefois qu'à ce stade, il n'y a « aucune indication » que le système de production soit la cause de la série d'avaries survenues sur le 787 ces deux dernières semaines, notamment les deux débuts d'incendies provoqué par la surchauffe de batteries.
Ces deux incidents sont ceux qui inquiètent véritablement les autorités aériennes américaines (FAA), ce qui les a amenées à interdire de vol les 787 des compagnies américaines, une décision aussitôt imitée partout dans le monde.
L'analyste de Standard and Poor's admet que « la stratégie d'externalisation de Boeing a contribué » au retard de la première livraison de l'appareil.
Dès son lancement en 2004, le programme de développement du 787 a été l'objet de multiples problèmes qui ont retardé de trois ans et demi sa première livraison, à la compagnie japonaise All Nippon Airlines (ANA).
Michael Boyd, analyste aéronautique indépendant, juge que la chaîne de production n'est pas en cause dans les malheurs du 787: « ce sont les batteries qui sont en cause, le contrôle de qualité aurait été le même » si l'ensemble de la production avait été contrôlé par Boeing, estime-t-il.
Les autres problèmes rencontrés ces deux dernières semaines (bris de glace dans la cabine de pilotage, fuite de carburant) relèvent selon lui des problèmes récurrents et inévitables affectant les nouveaux avions.
Tous les experts rappellent les problèmes de l'Airbus A380, notamment l'explosion d'un moteur en plein vol à ses débuts et la découverte de micro-fissures sur ses ailes.
Pour M. Tortoriello, « vu tout le temps et l'attention qui ont été dédiés aux batteries actuelles, la conception d'une solution va prendre du temps ». « Nous nous attendons à ce que cela ralentisse la production », ajoute-t-il.
Un porte-parole de Boeing a toutefois réaffirmé à l'AFP jeudi qu'il n'y avait pour l'instant « aucun changement dans la production » de l'appareil. Le groupe produit actuellement 58 avions par mois et prévoit d'augmenter fin 2013 la cadence à 10 par jour.
« Nous faisons toujours confiance aux ingénieurs de Boeing, nous pensons que les problèmes autres (que la batterie) ne sont pas graves, et pensons toujours que l'avion apporte une grande valeur ajoutée à ses clients », conclut Deutsche Bank.