Le Québec a vu lui glisser entre les doigts un projet d'usine d'entretien d'aéronefs de plus de 60 M$ US, susceptible de créer quelque 760 emplois d'abord, et jusqu'à 1 500 emplois advenant une seconde phase, a appris le journal LES AFFAIRES.
Après avoir étudié la possibilité de s'installer au pays, entre autres à Mirabel, Laurentian Aerospace MRO Services, de Montréal, a choisi de s'établir à l'Aéroport international de Plattsburgh, dans l'État de New York. L'investissement a été confirmé lors d'une conférence de presse tenue le 19 juin à Plattsburgh, mais qui est passée inaperçue au Québec.
"Effectivement, elle s'installera aux États-Unis. Mais si l'entreprise en a décidé ainsi, ce n'est pas par manque d'appui de notre part", indique une source au ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation (MDEIE) du Québec, qui requiert l'anonymat.
Le projet consiste en la construction d'une usine spécialisée dans la réparation et l'entretien de gros porteurs civils et militaires, comme ceux fabriqués par Airbus et Boeing.
Une première phase de 64 M$ US vise à construire un hangar de 25 000 m2 262 000 pi2. Jusqu'à 760 emplois pourraient y être créés d'ici cinq ans et 740 autres d'ici 2012, si les conditions du marché se prêtent alors un investissement additionnel de 50 M$ US.
Des promoteurs muets
Le journal LES AFFAIRES a tenté sans succès de parler aux dirigeants de Laurentian Aerospace. Paul Gobeil (ne pas confondre avec l'ex-ministre), président et actionnaire majoritaire de l'entreprise, n'a pas retourné nos appels.
Il en est de même de Michel Branchaud, président du Groupe Montaigne, à qui appartient la société 4132297 Canada inc., de Westmount, également inscrite au Registraire des entreprises du Québec comme actionnaire de Laurentian.
Pour sa part, le secrétaire de l'entreprise, Étienne Dubreuil, avocat chez Heenan Blaikie, n'a pas voulu commenter le projet mais a confirmé que l'investissement se ferait "malheureusement" aux États-Unis.
Pierre Jeanniot, ex-président d'Air Canada et ex-directeur général l'Association internationale du transport aérien, joint à Cannes, a reconnu avoir été approché par ces actionnaires pour diriger le conseil d'administration de l'entreprise.
"Le projet est très sérieux et semble avoir un excellent potentiel", souligne-t-il, tout en insistant sur le fait que l'aéroport de Plattsburgh, bien qu'américain, fait partie du "grand bassin économique de Montréal".
M. Jeanniot estime qu'il est prématuré que l'on associe son nom au projet, le financement n'est pas encore ficelé. Les représentants de Laurentian l'ont pourtant présenté comme étant président du conseil d'administration lors de la conférence de presse de juin dernier.
Gary Douglas, président de la Chambre de commerce de Plattsburgh-North Country, précise que les promoteurs auront bientôt choisi le site de leur usine, régleront les questions de financement d'ici janvier et commenceront les travaux au printemps. L'usine devrait ouvrir un an plus tard, au printemps 2008.
Des faibles coûts
En entrevue au Press Republican,Robert Caron, le chef de la direction financière de Laurentian, a déclaré avoir été séduit par l'absence de congestion à l'aéroport de Plattsburgh, la disponibilité de la main-d'oeuvre, la proximité de Montréal et les faibles coûts d'atterrissage.
Selon le curriculum vitae que nous avons obtenu, Paul Gobeil compterait 25 ans d'expérience dans le milieu aéroportuaire, dont 11 (1978 à 1989) à titre de président de Hudson General Aviation Services, filiale canadienne de Hudson General Corporation de New York. Il fut par la suite (1997 et 2002) président de Transportation Hospitality Enterprises, de Toronto.
Demandes d'aide refusées
Invité à réagir, le ministre du MDEIE, Raymond Bachand, s'est dit surpris, ajoutant qu'il n'a jamais entendu parler de l'entreprise.
Mais selon nos informations, Laurentian Aerospace aurait approché le gouvernement québécois à au moins deux reprises pour des demandes d'aide.
Une première demande, déposée en 2003 à Investissement Québec, réclamait une garantie sur un prêt de 30 M$ en vertu du Programme d'appui stratégique à l'investissement. Cette garantie lui aurait été refusée parce que le plan d'affaires n'était pas suffisamment précis.
Une deuxième demande d'admissibilité a été adressée aux administrateurs de la Zone de commerce internationale de Mirabel. Le crédit d'impôt demandé fut également refusé, parce que la demande avait été présentée après le 13 juin 2003, date de l'abolition de la Zone.
Depuis, Investissement Québec n'aurait eu aucune nouvelle des investisseurs. Pour la société d'État, le dossier est clos.