Afin de réduire ses coûts, la division ferroviaire de Bombardier fait fabriquer de plus en plus de pièces dans les pays en développement, ce qui inquiète le syndicat des employés du constructeur à La Pocatière.
"Bombardier va devoir s'assurer d'être compétitif. Si je prends l'exemple de l'industrie automobile, une voiture peut être assemblée dans un marché comme le Canada ou les États-Unis, mais quand on regarde les pièces, eh bien il y a un très grand contenu qui vient de marchés à bas coûts. Je pense que notre industrie, autant l'aviation que le transport, vit un peu la même chose", a déclaré le président et chef de la direction de Bombardier, Pierre Beaudoin, lors d'une entrevue accordée récemment à La Presse Canadienne au sommet de Davos, en Suisse.
"Ce n'est pas vrai qu'un train, aujourd'hui, peut être fabriqué entièrement en Europe (ou en Amérique du Nord), a-t-il ajouté. Dans le futur, je pense que ça va être des trains globaux avec des pièces qui viennent d'un peu partout dans le monde."
M. Beaudoin a souligné que le secteur de l'aéronautique était plus avancé à cet égard que celui du transport ferroviaire. Ainsi, des composantes d'avions Bombardier qui étaient fabriquées au Japon il n'y a pas si longtemps le sont désormais en Chine.
Il reste que le changement est bien en marche chez Bombardier Transport. Il y a six ans, l'entreprise achetait pour 50 millions $ US de pièces et de services dans des pays à bas coûts. Aujourd'hui, c'est plus de 1 milliard $ US, un chiffre qui continuera de croître à bon rythme, a indiqué le président de Bombardier Transport, André Navarri, en décembre.
Les installations mexicaines de Bombardier Transport ont notamment fabriqué les châssis arrières des voitures à deux étages destinées à l'Agence métropolitaine de transport, les caisses et les sous-châssis des futurs tramways de Toronto ainsi que châssis de bogie des nouvelles voitures du métro de Chicago.
"Notre usine du Mexique va participer à la fabrication des voitures du métro de Montréal comme elle participe à tous les produits qu'on fait en Amérique du Nord", a indiqué Pierre Beaudoin.
C'est en 1992 que Bombardier Transport a acquis sa première usine mexicaine, située à Sahagun, au nord-est de Mexico. Mais ce n'est qu'au cours des dernières années que la fabrication de pièces destinées au reste de l'Amérique du Nord s'est intensifiée. En 2009, l'entreprise a mis sur pied de nouvelles installations de fabrication d'assemblages électriques.
Les syndiqués inquiets
À La Pocatière, où se trouve la seule usine québécoise de Bombardier Transport, les effets de la hausse de la production mexicaine se font sentir.
"On fabrique moins de pièces qu'avant", a affirmé le président du syndicat des employés, Mario Lévesque, au cours d'un entretien téléphonique.
"Il y a des pièces fabriquées au Mexique qui arrivent ici et qu'on ne fait qu'assembler, a-t-il noté. C'est sûr que nous ça nous enlève des emplois à La Pocatière."
Le syndicat ne déplore pas uniquement la délocalisation au Mexique, mais aussi l'accroissement de la sous-traitance au Canada. "Ça nous inquiète, mais c'est difficile de contrôler ça", a soupiré M. Lévesque.
Mais pour Bombardier, qui fait face chaque jour à d'autres multinationales dotées d'usines dans les pays pauvres, il est difficile de se passer de ces économies de coûts, surtout que les marges bénéficiaires sont très minces dans cette industrie.
C'est sans compter que les constructeurs chinois ont commencé à concurrencer Bombardier, Alstom et Siemens dans leurs marchés traditionnels. Pour l'instant, Pierre Beaudoin ne s'attend pas à ce que les Chinois ravissent d'importantes parts de marchés aux Occidentaux.
Il n'exclut pas, toutefois, que l'une des deux principales entreprises chinoises du secteur, CNR et CSR, détrônent bientôt Bombardier de son premier rang mondial.
"C'est réaliste, mais ce sera basé sur leur marché intérieur, a-t-il expliqué. Donc (CNR ou CNR) pourrait devenir le plus gros fabricant au monde avec un marché local qui représenterait un très grand pourcentage de leurs ventes. Maintenant, est-ce que ça change notre stratégie? Non, parce que c'est quelque chose qu'on voit venir depuis longtemps."
Bombardier Transport compte pas moins de 4000 employés en Chine et peut y faire fabriquer des pièces destinées à d'autres marchés dans la mesure où cela ne contrevient pas aux exigences de contenu local établies par les gouvernements.
L'action de Bombardier a clôturé à 6,23 $ lundi, en hausse de 0,2 pour cent, à la Bourse de Toronto.