À moins de soixante jours de la fin de 2012, tout indique que Bombardier annoncera demain son incapacité à respecter l’échéancier qu’elle s’était fixée pour le vol inaugural de son premier appareil de la gamme CSeries.
C’est le scénario auquel s’attendent de manière quasi-unanime, employés, observateurs et analystes que LesAffaires.com ont consultés au cours des derniers jours.
«Dans l’usine, c’est un secret de polichinelle que la date du premier vol (du CSeries) sera retardée, affirme sous le couvert de l’anonymat un employé de l’avionneur, basé à Mirabel. C’est regrettable. Tout le monde chez nous est déçu.»
Les problèmes encourus par certains fournisseurs, dont la chinoise SACC, de Shanghai, auraient retardé la livraison de plusieurs composantes, rendant impossible le respect de son échéance du 31 décembre 2012 pour la réalisation de son premier vol d’essai. Selon les plans initiaux, la première livraison devrait suivre avant la fin de l’année 2013.
«Comme toutes les pièces du CSeries n’ont pas encore été reçues, comment voulez-vous que l’on parvienne à le faire voler à temps? À moins d’un miracle, ce serait à peu près impossible», a déclaré à LesAffaires.com, un autre employé de Bombardier, à Saint-Laurent.
Joint à son siège social de Montréal, la porte-parole de Bombardier, Haley Dunne, a refusé de répondre à nos questions, nous invitant à nous adresser à la direction à l’occasion de la présentation de ses résultats du troisième trimestre, demain matin.
Lire la suite: Les analystes prévoient un retard
Le pessimisme des employés est partagé par un grand nombre d’analystes financiers.
Joe Nadol, analyste pour le compte de JP Morgan Chase, écrit qu’il serait le premier surpris si Bombardier ne repoussait pas sa date butoir de la fin de 2012. «Un retard de 3 à 6 mois semble tout à fait possible», a écrit l'analyste dans une note aux investisseurs.
Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux, prévoit que la direction de Bombardier annoncera demain que le premier vol d’essai de l’appareil dépasserait son objectif initial de trois à cinq mois. «Une telle annonce ne devrait surprendre personne qui suit ce programme de près», écrivait pour sa part hier l’analyste de la BMO.
Plus pessimiste encore, l’analyste Peter Arment, de l’américaine Sterne Agee, dit s’attendre à ce que le premier vol du nouveau-né de Bombardier soit en retard d’«au moins six mois». Il précise que Bombardier n’a commencé l’assemblage final du CSeries qu’il y a un mois et que cela ne lui laisse encore que huit semaines pour atteindre son objectif.
Impact modéré sur l'actionnaire
M. Arment indique qu’une demi-douzaine d’essais en vol sont prévus en 2013.
De son côté, l'analyste Cameron Doerksen, de la Financière Banque nationale (FBN), souligne que le programme se trouve actuellement à un stade critique de son développement et s'inquiète que le rapatriement de la production de nombreuses structures, dont celle de sections du fuselage, feront nécessairement grimper les coûts de développement de l’appareil au-delà des montants prévus.
Lire la suite: 300 commandes fermes espérées
L’analyste Benoit Poirier de Valeurs mobilières Desjardins, estime que ces retards auront peu de conséquences sur le prix de l’action. Le marché a déjà anticipé un retard de 3 à 6 mois, selon lui.
Le carnet de la CSeries compte actuellement 138 commandes fermes, assorties de 214 options. Bombardier aimerait avoir enregistré 300 commandes fermes d’ici son entrée en service, prévue pour la fin de 2013.
À la Bourse de Toronto, l'action de Bombardier cotait à 3,60$ peu avant la fermeture, en hausse de 0,06$ ou de 1,69%.