L’honorable Michèle Rivet, du Tribunal des droits de la personne, condamne Bombardier à payer une somme de 318 160 $ US à Javed Latif pour lui avoir refusé une formation de pilote sous licence canadienne.
Cette somme correspond au montant de 309 798,72 $US représentant les pertes de salaires encourues en raison de l’atteinte discriminatoire à ses droits, de laquelle il faut soustraire la somme de 66 639 $ CA représentant les salaires gagnés au cours de la période où il a subi de la discrimination. De plus, le Tribunal condamne Bombardier à verser à M. Latif la somme de 25 000 $ à titre de dommages moraux et de 50 000 $ à titre de dommages punitifs.
La juge a conclu au caractère intentionnel de l’atteinte illicite aux droits du plaignant. C’est pourquoi elle a imposé le plus important montant en dommages punitifs jamais accordé par le Tribunal. Il s’agit du premier jugement qui porte sur les conséquences directes en territoire canadien des mesures américaines adoptées au lendemain du 11 septembre 2001.
Bombardier a 30 jours pour demander la permission d’en appeler.
M. Latif est un pilote d’avion, citoyen canadien d’origine pakistanaise et de religion musulmane. En 2004, il se voit offrir par la compagnie ACASS un emploi de pilote qui exige une mise à jour de ses connaissances. Il demande donc au centre de formation des pilotes de Bombardier de lui dispenser la formation adéquate.
Toutefois, une exigence américaine datant du 11 septembre 2001 requiert que les personnes n’ayant pas la citoyenneté américaine soient soumises à une vérification de sécurité avant de suivre leur formation. M. Latif ne reçoit pas l’autorisation américaine pour suivre cette formation. Il demande donc à Bombardier de suivre sa formation sous licence canadienne. Bombardier s’y refuse, prétextant qu’elle doit se soumettre à la décision américaine.
Par la suite, les autorités américaines réviseront leur décision et permettront à M. Latif de suivre sa formation sous licence américaine.
Le tribunal des droits de la personne conclut que puisque les mesures de sécurité mises en place par les Américains pour prévenir le terrorisme visaient directement les personnes originaires de pays musulmans, l’application d’une norme canadienne à un citoyen canadien a eu un effet préjudiciable discriminatoire sur M. Latif, en lui faisant perdre plusieurs offres d’emplois. Rien n’indiquant que le Canada ait décidé d’adopter des mesures de sécurité semblables aux États-Unis, le Tribunal juge que Bombardier s’est substituée aux instances gouvernementales canadiennes.
Appelée à commenter, la direction de Bombardier a indiqué que ses avocats étudient présentement le jugement du Tribunal et décidera ultérieurement si elle demandera la permission d'en appeler.
« Nous tenons cependant à préciser que le jugement porte sur des faits survenus entre 2004 et 2008 et que depuis lors, c'est-à-dire depuis que les autorités américaines ont levé l'interdiction, M. Latif a suivi trois formations de pilote chez nous ", a déclaré à LesAffaires.com Sylvie Gauthier, porte-parole de Bombardier.