La multinationale québécoise Bombardier (TSX:BBD.B) a signé jeudi à Shanghai une "entente stratégique" avec le constructeur chinois Comac qui, espère-t-elle, donnera un coup de pouce aux ventes de sa future famille d'avions de 110 à 145 places, la CSeries.
Comac développe actuellement le C919, un appareil de 168 à 190 places, et l'ARJ21, un jet régional de 78 à 90 places, qui doivent devenir les tout premiers avions de ligne chinois.
L'"entente cadre" prévoit une "coopération à long terme" entre Bombardier et Comac qui "fera appel aux synergies et aux forces des deux sociétés afin de mettre sur pied des projets mutuellement avantageux", indique un communiqué de presse.
Les deux constructeurs veulent notamment explorer "une collaboration en matière de stratégies de marketing, de relations avec la clientèle et de soutien à la clientèle afin de s'aider réciproquement à accroître leur part de marché globale sur les marchés émergents et les marchés développés".
L'annonce de jeudi n'est pas une surprise. En octobre dernier, le président et chef de la direction de Bombardier, Pierre Beaudoin, avait fait allusion à une alliance avec Comac.
"Un partenariat avec le secteur aéronautique chinois (permet) d'avoir accès au marché local, mais également de nous rapprocher de la Chine afin de pouvoir présenter à nos clients à travers le monde un front uni _ la Chine et Bombardier _ contre Boeing et Airbus", avait-il expliqué lors d'une rencontre avec des investisseurs institutionnels.
M. Beaudoin avait rappelé que Bombardier a octroyé le contrat de fabrication du fuselage de la CSeries à une entreprise chinoise. Il avait aussi confié que l'avionneur montréalais donnait un "coup de main" à Comac dans le développement du C919, qui doit entrer en service en 2016.
"Ils développent un produit pour concurrencer les Boeing et les Airbus, de sorte que nous pourrons ensuite travailler ensemble dans le reste du monde, avait-il relaté. C'est une vision à long terme que les Chinois aiment beaucoup."
Jusqu'ici, Bombardier n'a reçu aucune commande pour sa CSeries en Asie et Comac n'a vendu aucun C919 à des entreprises occidentales. Le carnet de commandes de la CSeries, qui compte 90 appareils, n'a pas grossi depuis plus d'un an.
Grâce à l'entente, Bombardier et Comac comptent en outre augmenter le nombre de pièces et de systèmes communs à la CSeries et au C919. Les compagnies aériennes apprécient la plus grande "communité" possible, puisque celle-ci permet de réduire les coûts de maintenance des avions.
Airbus et Boeing ne se gênent d'ailleurs pas pour vanter les économies d'échelle qu'offre une flotte composée d'appareils du même constructeur. Ils recourent notamment à cet argument pour convaincre les transporteurs de ne pas choisir la CSeries de Bombardier.
"C'est la meilleure raison pour laquelle Bombardier et Comac ont conclu cette entente", a affirmé jeudi Ben Boehm, vice-président aux affaires internationales de Bombardier Avions commerciaux, au cours d'un entretien téléphonique.
"Un grand transporteur qui possède une flotte d'appareils CSeries verrait des avantages à acheter un avion Comac par rapport à un Boeing ou à un Airbus et vice versa", a-t-il ajouté.
L'analyste Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, voit toutefois un potentiel "limité" de "communité" entre la CSeries et le C919.
Par contre, il estime que Bombardier et Comac pourraient avoir plus de succès en s'unissant pour commercialiser leurs avions et en mettant en commun une partie de leurs approvisionnements.
En vertu de l'entente, les deux entreprises pourraient développer conjointement de futurs programmes d'avions, y compris la famille d'appareils qui remplacera un jour les jets régionaux CRJ de Bombardier, relève M. Doerksen.
Avec son ARJ21, Comac est actuellement un concurrent de Bombardier dans ce segment du marché. Avec l'entente, il est moins probable que l'entreprise chinoise tenter de rivaliser avec Bombardier à l'avenir, selon l'analyste.
"Nous ne nous attendons pas à ce que cette entente se traduise par des bénéfices immédiats pour Bombardier, mais il s'agit d'un développement stratégique positif pour l'entreprise", a conclu Cameron Doerksen dans une note.
De son côté, l'analyste Benoit Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins, a rappelé que Boeing voyait dans le C919 la plus importante menace au duopole Boeing/Airbus depuis l'acquisition de McDonnell Douglas par le géant américain, en 1997.
M. Poirier a aussi fait remarquer qu'Airbus envisage de s'associer au rival brésilien de Bombardier, Embraer, pour lancer une nouvelle famille d'avions, d'où l'importance de s'allier à des partenaires étrangers.
Signe de l'importance du marché chinois, Embraer a annoncé jeudi la signature d'une entente de financement de 1,5 milliard $ US avec une institution financière du pays. Bombardier a conclu des accords semblables au cours des derniers mois.
L'action de Bombardier a clôturé en hausse de 1,9 pour cent jeudi, à 6,53 $, à la Bourse de Toronto.