L'A380 a plus fait parler de lui par ses microfissures que par ses ventes cette année mais Airbus reste convaincu d'avoir eu raison de lancer le plus gros avion de ligne du monde, malgré les cassandres.
"Mon but est d'en vendre 30 cette année, ça va être dur mais nous ferons les comptes à la fin 2012", a déclaré le directeur commercial d'Airbus, John Leahy, à la presse spécialisée réunie cette semaine à Toulouse.
L'avionneur européen n'a pas annoncé une seule vente d'A380 depuis novembre dernier. Il totalise 253 commandes pour son quadri-réacteur depuis le lancement du programme en 2000, alors que son futur bi-réacteur A350 en a recueilli 548 depuis son lancement en 2006.
"C'est plus du double en la moitié du temps", souligne Richard Aboulafia, analyste du Teal Group, consultant aéronautique basé aux Etats-Unis, qui dit n'avoir "jamais compris comment l'A380 pouvait être une réussite commerciale".
L'A350, dont l'entrée en service est prévue pour la mi-2014, veut rivaliser avec le nouveau 787 de Boeing, en service depuis septembre dernier. Leur capacité avoisine 300 sièges, contre 550 pour l'A380.
Dès la genèse du programme A380, le débat a tourné autour de la demande future en très gros porteurs.
Boeing n'y a pas cru et a prédit l'échec de son concurrent. Soutenant que les compagnies aériennes voulaient des appareils de 300 places pour desservir les aéroports proches des voyageurs plutôt que des très gros porteurs qui desservent des plaque-tournantes, il a développé son 787 Dreamliner.
Airbus y croit toujours. Aujourd'hui, 39 aéroports accueillent plus de 10 000 voyageurs au long cours par jour, dans 20 ans, ils seront près de 90, fait valoir John Leahy. "Le trafic aérien va doubler en 15 ans, ce sera impossible d'y arriver avec toujours plus d'avions, nous allons le faire avec de plus gros appareils", prédit-il.
"La logique est incontournable, renchérit Richard Carcaillet, directeur du marketing pour l'A380. Aujourd'hui, les quatre routes aériennes les plus fréquentées au monde sont des lignes domestiques japonaises". Pour satisfaire cette demande, les compagnies japonaises utilisent des avions de plus en plus gros, aujourd'hui des Boeing, demain... des A380, espère-t-il.
"Un aimant à passagers"
L'avion-amiral de l'avionneur européen a eu une naissance difficile. Le premier appareil a été livré avec un an de retard en octobre 2007, et les coûts de développemenent ont explosé pour dépasser 20 milliards d'euros.
Et puis Airbus a dû annoncer cette année la découverte de microfissures sur des pièces métalliques en équerre à l'intérieur des ailes, 16 sur 4 000 par avion.
Elles ne présentent aucun danger pour les vols, confirme l'Agence européenne pour la sécurité aérienne. Mais Airbus a mis plus longtemps que prévu à trouver la solution, qui lui coûtera 260 millions d'euros rien que cette année.
Airbus a livré 74 appareils mais jusqu'au 110ème ou 120ème, tous devront être réparés, a indiqué le directeur des programmes d'Airbus, Tom Williams.
"Ca perturbe les opérations des compagnies aériennes. Ce n'est certainement pas bon pour la réputation d'Airbus", a concédé le patron de l'avionneur, Tom Enders, qui prend le 1er juin la direction de la maison mère, EADS.
Si les compagnies, comme celle de Dubai, Emirates, se plaignent, c'est parce que la réparation devra immobiliser un appareil très demandé, assure John Leahy.
Les clients demandent à voler sur l'A380, plus spacieux et plus silencieux que tout autre appareil. "L'A380 est un aimant à passagers", affirme-t-il, en démontrant tableaux à l'appui que les compagnies qui l'ont mis en service ont accru leur part de marché.
Les statistiques montrent que le 747 de Boeing, livré à plus de 1 400 exemplaires depuis 1969, ne s'était pas vendu plus vite que l'A380 à ses débuts. Mais le "jumbojet" 747 a longtemps été seul sur son marché. L'A380, lui, n'a pas de monopole, et Boeing a sorti une nouvelle version allongée du jumbojet, le 747-800 (467 passagers), pour lui faire concurrence.