Franchir d’un coup plus de 180 km à vélo, dont 4 400 mètres dans des côtes infernales, ça vous tente ? Nous non plus. Mais Yanick Saint-Onge, directeur d’école, l’a fait.
Il n’y a pas que les pros qui participent au Tour de France. Chaque année, depuis 1993, l’Étape du Tour est une épreuve cyclo-sportive qui permet à des milliers de cyclistes amateurs de parcourir une des étapes de la compétition légendaire. Même distance, mêmes cols, mêmes ascensions et mêmes descentes au programme. Seule différence : au lieu de 200 cyclistes au départ comme chez les pros, ils sont 10 000. Yanick Saint-Onge, de Montréal, était du nombre le 18 juillet dernier.
« Je suis pourtant loin d’avoir le gabarit du grimpeur classique », dit-il. Et il n’est pas un amateur de côtes. On le comprend. Son physique conviendrait mieux au défenseur d’une équipe de hockey. Le directeur d’école primaire mesure 1,80 m et pèse au bas mot 95 kg… « Tout juste » 34 kg de plus que l’Espagnol Alberto Contador, le vainqueur du Tour de France 2010.
Les organisateurs de l’Étape du Tour 2010 ont sélectionné une des étapes où des cyclistes de la taille de Contador excellent : celle de Pau – Tourmalet, dans les Hautes-Pyrénées. Un parcours de 181 km constitué de trois cols, dont celui du Tourmalet : 19 km de montée à 7,4 % de dénivelé moyen, culminant à plus de 2 115 m d’altitude. Il y a bien l’Observatoire du Pic du Midi, les paysages bucoliques des Pyrénées et les troupeaux en liberté, de vraies cartes postales. Mais pour le reste, cette étape qui compte plus de 4 400 m d’ascension fait mal au corps tout entier, et certainement à l’ego de ceux qui maudissent les côtes.
Comment ce cycliste amateur de 42 ans, bien portant, s’est-t-il retrouvé sur la ligne de départ d’une telle épreuve ? Qu’est-ce qui le pousse à s’infliger un pareil défi ? Dix heures à vélo, deux crevaisons – dont une à 300 m du fil d’arrivée, pour se placer finalement en 4 400e position ? « Il fallait que je l’essaie une fois », dit l’ancien joueur de volleyball, qui a découvert le vélo sur route il y a 11 ans.
Un sport qui rend dingue
Bachelier en éducation physique, Yanick Saint-Onge a longtemps considéré le cyclisme comme un sport « pépère ». Depuis que les hernies discales, les entorses lombaires et autres blessures l’ont obligé à renoncer au volleyball, son sport favori, le directeur d’école a changé son discours. Invité à se joindre au club cycliste de Saint-Hyacinthe par des amis de son père, le Maskoutain a instantanément eu la piqûre… et trouvé une nouvelle façon de faire grimper son taux d’endorphines.
Randonnées de vélo de plus de 100 km chaque week-end, Grand Tour organisé chaque année par Vélo-Québec, quelques cyclo-sportives ici et là, en province… Équipé comme un pro, Yanick Saint-Onge roule plus de 3 000 km chaque été. « Principalement sur du plat », précise-t-il.
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La passion du vélo de ce directeur d’école hyperactif s’est propagée aussi au sein de l’école primaire Aux Quatre-vents, à Sainte-Julie. Depuis deux ans, il collabore à l’implantation du programme « Mon école à pied, à vélo », un programme qui permet aux parents d’accompagner leurs enfants à l’école, à pied ou à vélo, de façon sécuritaire.
Cependant, les passions ont leurs limites. À partir du moment où il a accepté d’accompagner ses amis Hugo et Annie pour relever avec eux le défi de l’Étape du Tour, notre cycliste a vite compris qu’au-delà de sa haute stature, la gestion de son emploi du temps travail-famille serait elle aussi un obstacle de taille.
Certes, l’Étape du Tour est devenue aussi accessible que l’ascension du mont Kilimandjaro ou de celle qui mène au camp de base du mont Everest, soulèvent plusieurs cyclistes aguerris. Il n’empêche que cet événement requiert une longue préparation. « Surtout pour les types comme moi, qui veulent terminer le parcours au-dessous du temps réglementaire de 11,5 heures », dit-il.
Six mois avant l’événement, Yanick Saint-Onge s’est mis au vélo stationnaire au gym, et il a commencé à faire du spinning trois fois par semaine, à raison d’une heure et demie à deux heures par session. Dès la fonte des neiges, ces séances d’entraînement ont été ponctuées de trois ascensions du mont Royal chaque jeudi soir et de longues sorties de 150 à 200 km dans les Cantons-de-l’Est et dans le Vermont le samedi… et le dimanche. Enfin, Yanick et ses deux compagnons sont arrivés dans les Hautes-Pyrénées une semaine avant l’épreuve pour tester le parcours une première fois.
Autrement dit, cet horaire chargé, jumelé au travail quotidien, a tenu ce jeune père loin de sa petite famille de trois jeunes enfants, dont des jumeaux d’à peine 18 mois.
« Ce cycliste peut remercier son épouse de s’être occupée de la maison et des enfants », dit Louis Bertrand, analyste du Tour de France pour le Canal Évasion, lui-même grand amateur de cyclisme. Ce sport a la particularité de devenir comme une drogue, et peut rapidement mettre en péril l’équilibre familial. Ce n’est pas un sport qu’on aime un peu. On aime, ou on n’aime pas. C’est un sport tellement exigeant, qui fait tellement mal aux cuisses, aux mollets et aux abdos que ses adeptes ne peuvent que le pratiquer de façon intensive pour devenir insensible à la douleur, ajoute-t-il. Par conséquent, les sorties sur route durent rarement moins de trois heures. Le beau temps devient une obsession pour ces maniaques qui roulent, faut-il le rappeler, en amateurs. « Beaucoup de cyclistes trop épris du sport ont vu leur vie de couple éclater », dit l’analyste, qui l’a constaté au sein même de son entourage.
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Pascale Marinier, la conjointe de Yanick Saint-Onge, n’a pas pris de risques. « Nous avons fait un arrangement. J’ai laissé à Yanick le temps de se préparer pour l’événement. Et je suis très fière qu’il ait réussi à atteindre son objectif. Mais il est prévenu. Pas question que ce type d’entraînement devienne une habitude », dit-elle. Le ton qu’elle emploie ne laisse aucun doute, sa patience a des limites.
Yanick Saint-Onge mettra la pédale douce cet été. Tout au plus une cyclo-sportive, le défi Vélo Mag en Mauricie. Rien de trop exigeant, en fait d’entraînement. Ce qui lui permettra de passer plus de temps en famille… et de se tenir loin des côtes.
La popularité des cyclo-sportives
Depuis la présentation de la première cyclo-sportive, dans les Alpes françaises en 1982, ces événements à mi-chemin entre la compétition et la randonnée cycliste se sont multipliés. En France seulement, on en dénombre plus de 150. La Marmotte, une cyclosportive légendaire de 174 km et de quelque 5 000 m de dénivelé dans les cols du Glandon, du Télégraphe, de Galibier et de Lautaret, en est la doyenne et accueille plus de 7 000 concurrents chaque année. Pour combler la demande sans cesse croissante, les organisateurs de l’Étape du Tour proposeront en juillet 2011 deux courses plutôt qu’une, qui accueilleront chacune 10 000 cyclistes.
Quelques courses au Québec
La 3e édition du Grand Défi Pierre-Lavoie se déroulera cette année du 17 au 19 juin 2011. Au menu : 1 000 km de randonnée. Le parcours, dont le départ aura lieu à La Baie, passera par Québec, Saint-Georges-de-Beauce, Victoriaville, Salaberry-de-Valleyfield, Mont-Tremblant, et finira à Montréal. L’édition 2011 affiche complet, et les inscriptions pour 2012 débuteront en septembre prochain. http://legdpl.com/
La Traversée du Parc de la Gaspésie
Le parcours commence à Saint-Anne-des-Monts, et comporte 140 km de randonnée dans les Chics-Chocs. Date : 10 juillet. Coût : 70 $
www.fqsc.net/cyclosportif/traversee-du-parc-de-la-gaspesie
Cyclosportive Garneau-Cascades
Cette course de 110 km reliera Trois-Rivières à Saint-Augustin-de-Desmaures par la route 138. Date : 14 août. Coût : 100 $. http://cyclosportive.louisgarneau.com
Le défi suprême
Le Circuit des Cent Cols
Cette course individuelle, qui emprunte tous les grands massifs français, s’allonge sur 4 000 km, et compte plus de 100 cols et 105 côtes. Plus de 1 500 cyclistes y ont participé depuis son lancement, il y a 25 ans. De ce nombre, seulement 300 ont bouclé la boucle. Et l’ont fait en 20 à 40 jours… répartis dans la plupart des cas sur plusieurs années. www.100cols.nl
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